Dans un rapport de 36 pages, la Commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC) analyse la gestion des fonds européens, à la préfecture de Mayotte.
Depuis 2014, les fonds européens sont décentralisés de l’Etat vers les Régions en France, rapporte Le Journal de Mayotte. Selon la Cour des Comptes, à cause de la départementalisation "mal préparée et mal pilotée" de Mayotte, le conseil départemental avait décidé de déléguer à la préfecture la gestion des fonds.
En 2018, Dominique Sorain a pris la tête de la préfecture et a constaté des déficiences dans leur gestion. Il a ainsi, demandé une expertise de la CICC. Le rapport de cette analyse a été littéralement "catastrophique". Toutefois, depuis la transmission du rapport, la Chambre régionale des comptes a indiqué qu’il faut toujours prendre en compte l’aspect humain et l’évolution de la situation.
Par ailleurs, dans ce rapport, les responsables ont commencé sur la demande du conseil départemental, de récupérer l’autorité de gestion. Il évoque également le risque que ce dernier reproduise les mêmes erreurs. En conclusion, la CICC a proposé le groupement d’intérêt public entre département et services de l’Etat.
En effet, les résultats de ce rapport ont montré du doigt la gestion de l’enveloppe 2014-2020 de la préfecture, si on ne cite que les ressources humaines, les compétences, les querelles internes, ou encore les services déconcentrés "immatures".
Dans le domaine des ressources humaines, une cellule de 16 agents devait être constituée. Pourtant, en 2015, il y avait des arrivées massives suivies des importants départs en 2017 du service du SGAR (Sous préfet en charge des affaires Régionales, dont la gestion des fonds UE). Par conséquent, une "perte de mémoire" des dossiers traités a été constatée.
Par ailleurs, les cinq agents recrutés sont des contractuels, sortant des concours, aux salaires non indexés et ils n’ont pas eu de formations alors que la somme d’un million d’euros avait été débloquée pour ce faire. Mais qui n’a jamais été consommée, "induisant, ainsi, une dégradation de performance de gestion". De plus, la préfecture n’avait pas proposé au Ministre de l’Intérieur des contrats pluriannuels pour lesdits agents.
Cette "perte de mémoire" ne s’arrête pas seulement sur les agents, mais elle atteint aussi les décideurs. Elle révèle surtout un déficit de transmission. Le rapport a aussi mentionné de revoir les relations entre services du secrétariat général et du SGAR.
A la fin, la CCIC n’a pas hésité de moraliser les deux sous-préfets, Eric de Wispelaere et Pierre Papadopoulos qui ont un différend. "Il n’est plus temps d’entretenir des querelles de chapelle, mais de mettre un SGAR au service du territoire de Mayotte, la notion de service public prend tout son sens", a-t-elle fustigé.
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Comme recommandation, la CCIC a émis quelques conseils pour la préfecture. Elle a recommandé de mener une "vraie politique de ressources humaines", en inter-ministère et avec les administrations centrales. Les contrats doivent avoir une durée de 3 ans avec une rémunération de 3 500 euros et/ou une sous-traitance, notamment en interim.
Par ailleurs, vu qu’aucun rapport d’audit d’opérations n’a été réalisé, la CICC demande alors au Ministre de l’Intérieur le recrutement d’un Responsable d’audit régional .
La commission a aussi parlé de l’organisation entre les services de l’Etat, préfecture, Dieccte (Directions régionales des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi) et DEAL (équipement).
Elle a indiqué que leur interdépendance complexifie la gestion des fonds et elle pourrait être l’origine de tensions. En général, "la mission a constaté une absence significative de pilotage : la préfecture n’a pas été capable de donner les montants des Programmes Opérationnels".
Face à tous ces manquements, la Commission européenne avait déjà verbalement averti les services de la préfecture sur les écarts entre programmations, réalisations et mise en paiement. La CICC les a illustrés en citant l’exemple sur le port. "Une défaillance du bénéficiaire en matière de commande publique devrait conduire à identifier une irrégularité d’un montant de 6 millions d’euros avec un risque de dégagement d’office". Autrement dit : ces montants seront renvoyés à Bruxelles, avec perte de leur équivalent sur la prochaine enveloppe.
Au début, cette somme a été affectée à la sécurisation de la piste d’aéroport, mais l’ancien préfet l’a finalement dédiée au port. Par conséquent, l’Europe a donné une dérogation d’un an à Mayotte sur la sécurisation de la piste.
Comme solution, la CICC a proposé le portrait-robot du SGAR idéal avec un sous-préfet qui doit "personnellement piloter les ressources humaines et la gestion des crédits".
Face à ces résultats très insatisfaisants, la CCIC demande des garanties. Ainsi, un "plan de redressement" doit être produit par la préfecture dans les deux mois dès réception rapport. Par la suite, la commission émettra ses remarques et un "audit système sera programmé". Parallèlement, la préfecture devra revoir ses modalités de gestion au 1er semestre 2019. "En l’état des constats effectués, la mission recommande fortement de surseoir à tout nouvel appel de fonds tant que la situation n’est pas redressée", a-t-elle poursuivi.
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