"C’est la plus grande maternité de France voire d’Europe", répète en boucle tout le personnel de la maternité du centre hospitalier de Mayotte (CHM).
En 2017, d’après la direction du centre hospitalier de Mayotte, 9 674 bébés sont nés dans la maternité de Mamoudzou, chef-lieu du département. Ce nombre de naissance en fait la "plus grande maternité de France". Lors de sa visite officielle à Mayotte, la ministre des Outre-mer Annick Girardin a proposé un statut extraterritorial pour la maternité du CHM.
Les données ont été publiées par l’Insee. Ces dernières années, le 101e département français a enregistré une forte croissance démographique. En septembre 2017, 256 518 personnes vivaient à Mayotte, soit 43 900 habitants de plus qu’en 2012. "Au total, la population mahoraise a doublé en l’espace de vingt ans", résume l’institut. Cette hausse s’explique en partie par l’afflux d’étrangers, notamment de Comoriens. En 2015, les natifs des Comores représentaient 42% de la population du département. Beaucoup sont en situation irrégulière. C’est d’ailleurs, l’un des points contestés par les Mahorais.
Pour les membres du personnel, la question de la nationalité n’est pas posée. "Nous sommes un hôpital public, on prend en charge des mamans, on ne se demande pas d’où elles sont originaires", explique la directrice du CHM, Catherine Barbezieux. Néanmoins, les responsables admettent qu’il y a plus de césariennes en urgence, "plus de femmes qui arrivent sans jamais avoir été suivies durant leur grossesse que dans toute autre maternité". A côté, il y a les mahoraises qui se sentent défavorisées. Mariama, 33 ans, a dû par exemple quitter l’hôpital deux jours après son accouchement : "parce que j’ai la Sécu et que je peux être suivie par une sage-femme libérale", confie-t-elle. "Nous, on se démerde, alors que celles qui n’ont pas la Sécu, elles restent. Je me sens défavorisée, alors que je cotise, je paie mes impôts", s’agace-t-elle.
"Il y a trop d’accouchements, trop de bébés, trop de travail", déplore Moina Baco, une étudiante infirmière. Le record de la maternité de Mamoudzou c’est 23 naissances en 12 heures. La maternité croule sous les naissances amplifiée par un manque accru d’effectifs. Le service compte 157 sages-femmes pour 170 postes budgétés, et seulement 7 médecins pour 27 postes budgetés. Pour Caroline, une sage-femme originaire de Lorraine, le travail est "éprouvant" et laisse peu place "à l’humain". Elle aimerait pouvoir se mettre sur pause "pour avoir le temps de parler" avec les patientes. "Mais notre priorité, c’est de les garder tous vivants, en bonne santé", relate Caroline.
Avec ce statut, ce service serait "en quelque sorte une maternité internationale", mais le droit du sol ne serait pas remis en cause, a expliqué le député LREM Aurélien Taché, dans La Croix. "Au lieu d’obtenir automatiquement la nationalité française", les enfants de femmes comoriennes qui y naîtraient "pourraient être déclarés comme Comoriens au registre de l’état-civil". Pour le gynécologue Abdou Madi, une maternité extraterritoriale, comme le propose "n’est pas la solution" : les Mahoraises qui accouchent à Mamoudzou "ont peur de mourir aux Comores". Selon lui, "ce qui serait plus simple c’est de créer là-bas un hôpital où les femmes peuvent accoucher en toute sécurité".
Reportage retrouvé sur 20 Minutes et Ouest France