Madagascar réclame à la France depuis plus de deux décennies la restitution d’un crâne humain actuellement exposé au musée de l’Homme. Ce crâne est identifié comme étant celui du roi Toera, décapité lors de l’ère coloniale en 1897.
Depuis plus de deux décennies, Madagascar réclame à la France la restitution de trois crânes Sakalava, un peuple de l’ouest de la Grande île. La tête du roi Toera, décapité en 1897 à Ambiky, ex-capitale royale du Menabe, au cours d’une offensive des troupes coloniales françaises visant à réprimer une rébellion, figure parmi ces reliques. Ces dernières sont actuellement conservées au musée de l’Homme à Paris.
Ce personnage revêt une signification particulière au sein de la communauté Sakalava. En effet, le roi Toera était le dernier souverain d’une dynastie qui remonte au XVIIe siècle. Au-delà du Menabe, il représentait aussi la résistance malgache à la colonisation. Chaque année, son nom est honoré lors de rituels où des restes de son squelette sont délicatement extraits de sa sépulture, mais il manque toujours son crâne.
Spécialisée dans l’histoire de l’Afrique, l’historienne Klara Boyer-Rossol s’est lancée dans une enquête pour localiser le crâne de ce roi. En 2011, ses recherches l’ont conduite vers les collections d’anthropologie du musée de l’Homme à Paris. En examinant les carnets de Guillaume Grandidier, un naturaliste qui avait entrepris une expédition scientifique au Menabe après la mort du roi Toera, elle a pu reconstituer le puzzle. G. Grandidier avait ramené en France deux crânes de guerriers de la région, dont l’un qu’il décrivait simplement comme étant celui d’un "illustre" chef. En s’appuyant sur un ensemble d’indices, elle estime avoir trouvé le crâne du roi Toera.
Des analyses ADN ont été réalisées en 2018 en comparant des échantillons d’os provenant de la sépulture royale à Madagascar avec l’ADN extrait du crâne conservé au musée de l’Homme. L’ADN recueilli sur les ossements était cependant dans un trop mauvais état pour un résultat fiable. Christine Lefèvre, archéologue et directrice des collections naturalistes du musée de l’Homme, a affirmé que compte tenu des connaissances actuelles en génétique, il n’était pas possible de confirmer de manière concluante que le crâne en question appartient vraiment au roi Toera.
Le crâne du roi Toera n’a donc pas été formellement identifié, mais "des rituels Sakalava l’ont reconnu comme tel", selon Klara Boyer-Rossol. Les deux autres crânes réclamés sont identifiés comme étant ceux des guerriers Sakalava qui ont participé à la résistance.
Une commission conjointe franco-malgache prendra une décision sur leur sort. La chercheuse estime néanmoins que la demande malgache de restitution des trois crânes est "recevable ". Pour faciliter leur retour sur leur terre d’origine, Klara Boyer-Rossol mise sur l’adoption d’une loi sur la restitution à des États étrangers de restes humains appartenant aux collections publiques par le parlement français ce lundi.