L’ONG ’Conflict Armament Research’ (CAR) a publié un rapport sur les manières avec lesquelles le "califat" du groupe Etat islamique a pu se procurer ses armes.
Malgré la guerre contre la coalition internationale, l’Etat islamique (EI) arrivait toujours à acheter des armes dans le monde entier. Une étude publiée, mardi 8 décembre, par ’ONG Conflict Armament Research’ (CAR), a indiqué comment le "califat" a réussi à s’approvisionner en armes, rapporte Le Figaro.
Pour avoir des matériaux explosifs, électronique et drones sans attirer l’attention, l’EI s’est appuyé sur des individus et des sociétés familiales qui ont agi comme intermédiaires. Ces derniers ont opéré à proximité de ses frontières, notamment dans le sud de la Turquie. Dans son rapport, l’ONG, basée au Royaume-Uni, a souligné qu’elle n’est pas en mesure de prouver si ces intermédiaires ont agi en connaissance de cause. Toutefois, ils ont joué un rôle important dans la chaîne d’approvisionnement du groupe djihadiste. La preuve : une centaine de bidons de pâte d’aluminium, produite en Chine ont été découverts dans tout le "califat" entre 2015 et 2017.
Le CAR a donné des exemples édifiants sur ces achats d’armes. Un petit magasin de téléphone a acheté six tonnes de pâte d’aluminium. Un autre petit distributeur de produits agricoles turc a payé quelque 200 000 dollars (165 000 euros) pour récupérer 78 tonnes de propergol.
Dans ce rapport, l’ONG met au jour l’acquisition de fertilisants à base de nitrate et de pâte d’aluminium, utilisés pour produire des explosifs, ainsi que du propergol (produit de propulsion des fusées) et des drones. L’EI aurait même tenté de produire un système antiaérien automatisé, mais rien ne prouve qu’il y soit parvenu. Par ailleurs, 28 drones quadricoptères ont été également modifiés pour être armés. Le groupe islamique s’est également doté d’un système de traçage optique, possible élément d’un futur système antiaérien automatisé.
Le CAR a identifié plus de 50 sociétés, dans plus de 20 pays, qui ont produit ou distribué des biens utilisés par les forces d’EI. Cette information a été révélée dans son rapport expliquant aussi le système. Ce dernier est basé sur la gestion de sociétés enregistrées légalement, une logistique efficace au sein même du califat, des sites internet écrans, des communications sécurisées, des virements bancaires et paiements en ligne. Le document a par ailleurs révélé que les forces d’EI ont utilisé des individus et des sociétés basées au Danemark, en Espagne, en Syrie, en Turquie et au Royaume-Uni, selon les résultats des enquêtes précédentes.
Ce système, efficace et en même temps fragile, a prospéré. Toutefois, certains fournisseurs, suspicieux, ont mis un terme au contrat si d’autres n’ont rien remarqué ou ont fermé les yeux, note Le Figaro. L’ONG a néanmoins signifié l’importance de détecter des signaux suspects comme autant de "drapeaux rouges". Si aucun d’entre eux ne démontrait en soi une activité illicite, il serait nécessaire de détecter un ensemble de faisceaux. Ces données auraient suffi à alerter entreprises et autorités de contrôle du risque que les commanditaires agissent "hors de leur domaine habituel d’activité".
Depuis la fin du califat en mars 2019, le groupe d’Etat islamique maintient une insurrection dite de "faible intensité mais constante", par ailleurs, son réseau d’approvisionnement actuel est obscur. "Une activité peu consommatrice de ressource", a décrit Sam Heller, analyste indépendant sur la Syrie et conseiller auprès de l’organisation Crisis Group. Il a observé une vidéo du groupe djihadiste qui exhibait les équipements de ses combattants, en novembre 2019. "Tout cela semble bon marché et relativement facile à obtenir", a-t-il expliqué à l’Agence France Presse en disant que c’est la clé de la pérennité de ce type d’insurrection.
Un expert en armement reconnu, qui se fait appeler Calibre Obscura sur Twitter, a, de son côté, estimé qu’aujourd’hui, l’EI achète peu d’équipements à l’étranger, sauf des matériels sophistiqués. Selon ses dires, le groupe islamique se tourne vers de possibles trésors de guerre restants, mais également vers le marché noir, les innombrables milices et groupes armés et les forces étatiques si aisément corruptibles. "Car l’argent, lui, n’arrête pas de tourner. Et l’expérience n’aura pas été perdue", a-t-il affirmé à l’AFP.
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