Une experte indépendante des droits humains de l’ONU a pu inspecter le centre de détention américain de Guantanamo. Le traitement des derniers détenus est "cruel, inhumain et dégradant", a-t-elle dénoncé.
La rapporteuse spéciale sur les droits de l’Homme et la lutte antiterroriste, Fionnuala Ní Aoláin, a finalement été autorisée à visiter le centre de détention américain de Guantanamo en février. Cette autorisation a été délivrée après deux décennies de demandes infructueuses des experts indépendants des droits humains de l’ONU, rappelle 20 Minutes.
Dans son rapport publié lundi, la spécialiste a indiqué que le traitement des derniers détenus est "inhumain" malgré des "améliorations importantes" du centre de détention. Elle a notamment décrit une "surveillance quasi constante, des extractions forcées des cellules, l’utilisation excessive de moyens de contention, des carences structurelles en matière de santé, un accès inadéquat aux familles". "Des détentions arbitraires caractérisées par la poursuite des violations du droit à un procès équitable" ont été également mentionnées.
Lors d’une conférence de presse, Fionnuala Ní Aoláin a tenu à préciser que la totalité de toutes ces pratiques et négligences a notamment des effets aggravants cumulatifs sur la dignité, les libertés et les droits fondamentaux de chaque détenu. Selon elle, tout cela équivaut à des traitements cruels, inhumains et dégradants en cours, en vertu du droit international. "La fermeture de cet établissement reste une priorité", a-t-elle souligné avant de saluer l’ouverture et la volonté des Etats-Unis de montrer l’exemple en permettant cette visite.
Les Etats-Unis ont exprimé leur "désaccord" avec de nombreuses affirmations dans une lettre accompagnant le rapport. Ils ont signifié que le document "ne reflète pas la position officielle des Nations Unies", assurant notamment que les détenus reçoivent des soins médicaux et peuvent communiquer régulièrement avec leur famille.
L’ambassadrice auprès du Conseil des droits de l’Homme, Michèle Taylor, a réagi après la publication du rapport. "Nous avons donné à la Rapporteuse spéciale un accès sans précédent, en étant confiants que les conditions de détention à Guantanomo sont humaines", a-t-elle écrit. Selon ses dires, l’administration Biden travaille activement pour trouver des lieux adéquats pour les détenus restants qui sont transférables.
Dans son rapport, Fionnuala Ní Aoláin s’est aussi penchée sur le suivi des victimes du 11-Septembre, notant qu’il restait toujours beaucoup à faire pour respecter leur "droit à réparation". Elle a signifié que la pratique de la torture, sur des "sites noirs" (prisons clandestines américaines) puis à Guantanamo "représente le principal obstacle pour le droit des victimes à la justice". Selon ses dires, la torture a été une trahison du droit des victimes.
L’experte des Nations Unies a réitéré que le gouvernement américain doit assurer que des comptes soient rendus pour toutes ses violations du droit international, qu’il s’agisse des victimes de ses pratiques antiterroristes, les détenus actuels et passés, ou des victimes du terrorisme. "Je souligne l’importance d’excuses, d’une prise en charge complète, de réparations et de garanties de non-répétition, pour toutes les victimes", a-t-elle insisté. La spécialiste a par ailleurs prévenu que ces garanties ne vont pas être moins pressantes dans les années qui viennent.
> A lire aussi : Guantanamo : des anciens détenus français sortent du silence pour dénoncer des tortures