La Journée mondiale des troubles bipolaires est soulignée ce mercredi 30 mars. Cette journée est l’occasion pour informer le public sur cette maladie, favoriser la prévention et les diagnostics précoces et combattre la stigmatisation qui en découle. LINFO.re s’est entretenu avec 3 Réunionnais qui sont atteints de troubles bipolaires.
Ulrich a 33 ans. C’est en 2014 que ce Saint-Paulois de 33 ans a été diagnostiqué de troubles bipolaires. "J’ai eu les premiers symptômes en 2010. J’avais des délires de persécution. Je me sentais constamment en danger. Une fois, je me suis réveillé dans la tête d’un entrepreneur qui avait de l’argent. Je me suis endetté en souscrivant à 16 forfaits téléphoniques différents. J’ai accumulé plus de 4000 euros de dettes. J’ai eu mon diagnostic quatre ans plus tard après avoir vu 5 ou 6 psychiatres différents", explique le jeune homme.
En étant bipolaire, Ulrich peut passer par une dizaine d’émotions différentes en une journée. "J’ai des phases d’excitations intenses. Des fois, je me sens tout puissant, mégalomane et ensuite je peux devenir triste, voire suicidaire. Ce n’est pas évident à gérer. Depuis 2012, je prends des régulateurs d’humeur, matin et soir. J’ai aussi une injection tous les trois mois. Ce traitement me permet de vivre normalement. Je peux travailler, avoir une vie sociale", poursuit-il.
Le Saint-Paulois a même un projet de mobilité pour aller vivre en métropole. "Nous, les personnes bipolaires, nous sommes des personnes normales. La bipolarité est une maladie, mais il existe des traitements qui nous permettent d’avoir une vie en société. Alors, il faut arrêter avec les préjugés", lance-t-il.
Samantha, elle, a 31 ans. C’est à 22 ans que le diagnostic est tombé. Au début, elle a eu du mal à l’accepter. "La vie d’une personne bipolaire est très difficile à vivre. Au début, c’était très compliqué, on passe d’une émotion à une autre en une fraction de seconde", souligne-t-elle. Elle dit avoir souffert très longtemps d’être "différente". "Nos proches ne comprennent pas forcément la souffrance d’être bipolaire", croit-elle.
"Même si c’est un combat de tous les jours, j’ai appris à vivre avec cette maladie. À 31 ans, j’ai une vie tout à fait normale. J’ai mes 3 enfants, mon compagnon et un travail. Mes sautes d’humeur, j’ai appris à le gérer. Je réfléchis toujours beaucoup, mais j’ai décidé d’en faire une force et non un poids. Je vis ma vie pleinement et je fais en sorte qu’elle soit épanouissante", explique-t-elle.
Denise Ledormeur, présidente de l’association Handicap solidaire, abonde dans le même sens. "La bipolarité n’est pas un handicap mental, mais psychique. C’est-à-dire que nos capacités cognitives ne sont pas altérées, notre intelligence n’est pas altérée. Être bipolaire ça ne veut pas dire être fou", poursuit-elle.
Mme Ledormeur a reçu son diagnostic en 2020, après une dépression sévère, un épuisement professionnel et un licenciement pour inaptitude professionnelle. "J’ai refusé de m’alimenter, de communiquer. Je me demandais ce que j’allais devenir. Sans ce traumatisme professionnel, ma maladie n’aurait pas été déclarée", indique-t-elle. Depuis son diagnostic, elle a un traitement qui stabilise sa condition. "La bipolarité ne se guérit pas, mais ça se stabilise."
Denise Ledormeur regrette que les handicaps invisibles, tels que la bipolarité, ne soient pas plus connus par le grand public. "Les handicaps invisibles représentent 80% des porteurs de handicaps. Il y beaucoup de choses que je ne savais pas. Molière, Van Gogh ou encore Freud étaient bipolaires. Si j’avais su que des personnes célèbres avaient réussi à vivre avec cette maladie, ça aurait certainement été plus facile pour moi de l’accepter", conclut-elle.