Victime de violences conjugales depuis 4 ans, Marie* raconte son combat pour faire entendre sa voix. Son ex-mari a été condamné à une peine de prison libre récemment. Selon Marie, elle aurait été de nouveau victime de violences la semaine dernière. Malgré ce nouveau signalement, l’homme serait toujours en liberté, en raison de l’absence de preuves. Aujourd’hui, elle prend la parole pour dénoncer le manque de protection des victimes.
Marie* vit aujourd’hui dans la peur d’être de nouveau battue. Depuis 2017, elle a été victime de violences conjugales à plusieurs reprises. Aujourd’hui, elle souhaite faire entendre la voix des victimes. Elle estime que ces dernières ne seraient pas suffisamment entendues par la justice :
"Il ne faut pas attendre que les choses soient aussi graves pour pouvoir mettre en place une mesure d’éloignement. C’est pour cela, je pense, que beaucoup de femmes subissent sans en parler. J’ai moi même subi pendant des années avant d’avoir le déclic".
Elle trouve le courage de déposer une première plainte pour coups et violences sur conjoint il y a quatre ans. Son compagnon écope alors d’une première peine de prison avec sursis.
Les violences se répètent et les dépôts de plaintes aussi. L’homme est finalement condamné à une peine d’emprisonnement ouverte.
"Depuis 4 ans, j’ai une ou deux plaintes tous les ans à peu près. J’ai reçu des coups, il m’a violenté. J’avais des marques. Il a eu deux ans de sursis et une peine d’emprisonnement ouverte."
Mais les violences ne s’arrêtent pas. La semaine dernière, la jeune femme de 29 ans, en instance de divorce, reçoit la visite de son mari :
"Il est venu, il m’a frappé à l’aide d’un vêtement", déclare Marie.
Elle dépose une nouvelle plainte contre lui :
"Je suis allée porter plainte. Le procureur n’a pas retenu ma plainte, parce que je n’avais aucune marque. Je trouve cela inadmissible. Il faut attendre qu’il y ait du sang ou des bleus pour réagir et protéger les victimes ?
Monsieur est dangereux. Au fil du temps, ce genre de personnes deviennent professionnels de la dissimulation. Ils savent très bien faire en sorte de ne pas laisser de traces. Lui aussi sait comment faire".
Au-delà des coups et des blessures psychologiques, c’est sur la prise en charge des victimes qu’elle souhaite alerter. La jeune femme de 29 ans ne se sent pas entendue :
"Je reporte plainte et comme je n’ai pas de marques, elle n’est pas retenue. On me rend le vêtement avec lequel il m’a frappé en me disant : vous avez l’air d’être déçue. J’ai halluciné. Ce n’est pas la première fois, il a un passif, il a nié, il a été relâché. Il n’y a pas assez de preuves".
Malgré la situation, elle reconnaît que ces dernières années, les choses évoluent en matière de prise en charge des victimes de violences conjugales, mais cela n’est pas suffisant :
"Je constate que rien n’a avancé. Si je compare mes plaintes d’il y a 4 ans et aujourd’hui, il y a un peu plus d’accompagnement. Il y a des questionnaires, de la documentation sur les associations, des contacts d’assistantes sociales. Il y a 4 ans, il n’y avait pas tout cela. Mais les procédures sont très compliquées, très longues pour pouvoir se sentir protégé. Quand on est face à une personne dangereuse, on a peur, on est fatigué, on ne se sent pas soutenu".
Frédéric Rousset est président de l’association Collectif pour l’Elimination des Violences Intrafamiliales (CEVIF). Ce type de témoignages, il y est malheureusement habituée :
"Un certain nombre de dossiers connaissent malheureusement cette issue. Le message transmis à la victime est catastrophique. Dans le Sud, la procureur a à cœur qu’il y ait une séquence d’explications, que l’on ne laisse pas la victime avec cette solitude. J’ai en tête le cas d’une jeune fille, mineure à l’époque , qui a déposé plainte pour viol et à l’issue de l’enquête, a été classée sans suite, parce que c’était parole contre parole".
Si l’effort est fait depuis ces dernières années en terme de communication autour des violences, pour faire évoluer la condition des femmes victimes de violences, l’effort de communication doit être aussi fait du côté des proches, précise le président de la CEVIF :
"Il a une forte communication pour pousser les victimes à déposer plaintes, encore faut-il que cela soit caractérisé et étayé par des preuves. On en est encore là. Il y a un gros travail à faire au niveau de la mise en relation des acteurs qui doivent accompagner la victime, sinon, on se trouve dans ce piège de parole contre parole.
La victime à ce moment-là, est dans un état de confusion, démunis les proches doivent prendre le relai, pour les accompagner, faire valoir les preuves lorsqu’elles existent. Il faut informer et sensibiliser l’entourage et les professionnels sur la marche à suivre".
*prénom d’emprunt