Antenne Réunion
Le préfet de La Réunion fait le point sur les mesures mises en place suite au Grenelle contre les violences conjugales et évoque l’inauguration d’un nouvel outil dans l’Est de La Réunion.
Un an après, la déclinaison des mesures locales et nationales a permis d’accompagner et de renforcer la libération de la parole des victimes et a impacté positivement la conscience collective et la vigilance des acteurs de la prise en charge. 1 107 plaintes ont été déposées au premier semestre 2020 contre 989 sur la même période en 2019, soit une augmentation de 11,9 % ; les affaires enregistrées par la justice en 2019 ont augmenté de 30,2 % par rapport à 2018.
Ces 37 mesures locales, complétées des 46 mesures nationales, mobilisent l’ensemble du réseau d’acteurs afin de développer une prise en charge plus efficace des femmes et enfants victimes et des auteurs. Les préconisations font l’objet d’un suivi rigoureux et attentif et ont débouché sur des avancées notables.
1. Un accueil et une prise en charge améliorés des victimes par les services de police et de gendarmerie
En gendarmerie, le nombre de référents violences intrafamiliales (VIF) a été porté à 49.
Les formations des policiers et des gendarmes à l’accueil des victimes de violences conjugales et à leurs spécificités, comme l’emprise, ont été renforcées et intègrent les mesures retenues lors du Grenelle.
L’accompagnement, par la gendarmerie, des victimes de violences conjugales pour récupérer leurs effets personnels au domicile conjugal exige le respect de certaines obligations et dispositions. Elles sont mises en œuvre par l’ensemble des unités depuis le 15 janvier 2020 dans le seul objectif de protéger les victimes et leur famille d’un partenaire ou ex-partenaire présumé violent.
Une convention de coopération visant à rendre possible le pré-dépôt de plainte des victimes de violences conjugales au sein des établissements de santé de l’arrondissement de Saint-Benoît est signée ce 3 septembre 2020 par l’État, la Justice, l’Agence Régionale de Santé, le Groupe Hospitalier Est de la Réunion (GHER) et les forces de l’ordre.
2. Une meilleure évaluation du danger encouru par la victime
Des outils pédagogiques spécifiques destinés aux policiers et gendarmes ont été élaborés en prenant en compte les dispositifs issus du Grenelle contre les violences conjugales, en particulier la grille d’évaluation du danger qui est désormais utilisée par tous les officiers de police judiciaire.
Les conditions d’attribution du téléphone grave danger (TGD) ont été allégées. À La Réunion, le dispositif fonctionne efficacement : 28 femmes victimes en ont bénéficié du 1er janvier au 31 juillet 2020, contre 26 pour l’ensemble de l’année 2019.
3. Des victimes mieux accompagnées
En réponse aux besoins du territoire, le nombre de postes d’intervenants sociaux dans les commissariats et les gendarmeries (ISCG) a doublé entre 2019 et 2020, portant leur nombre total à huit. L’équipe sera prochainement constituée de 15 ISCG.
L’ARAJUFA, association d’aide aux victimes, assure des permanences de soutien juridique dans les commissariats et gendarmeries.
Les quatre cellules opérationnelles, soit une par arrondissement, composées des principaux acteurs de la lutte contre les violences conjugales, se réunissent régulièrement pour désamorcer les situations complexes.
Le recrutement prochain d’un psychologue viendra compléter le dispositif d’accompagnement des victimes en commissariat.
Les postes des acteurs de proximité (médiateurs, adultes-relais) dans les associations de prise en charge des victimes ont été pérennisés.
Le soutien financier de l’État aux associations a augmenté de plus de 53 % entre 2019 et 2020.
4. Des capacités de mise à l’abri d’urgence développées
Une quatrième structure d’accueil en urgence temporaire (SAUT), d’une capacité de 10 places, sera prochainement créée sur l’arrondissement de Saint-Benoît. Au total, 32 places d’urgence dédiées exclusivement aux femmes victimes de violences seront disponibles dans ces structures d’ici fin 2020. Elles complètent les 133 places existantes dans les 4 centres d’hébergement et d’accueil d’urgence (CHAU) dans lesquels ces victimes sont prioritaires.
5. L’éviction du conjoint violent plus effective
Un appel à projets lancé le 29 juillet dernier vise la création du premier centre de suivi et de prise en charge des auteurs de violences (CPCA).
Le protocole spécifique de l’accueil des auteurs de violences conjugales consiste à mener une enquête sociale dès la garde à vue de l’auteur afin de favoriser son éviction du domicile. Du 1er janvier au 21 août 2020, une dizaine d’auteurs ont été hébergés dans le cadre de ce protocole. L’association Réseau VIF prend en charge l’accompagnement social de l’auteur.
Un numéro national (08 019 019 11) dédié à l’écoute et à l’accompagnement des conjoints violents, opérationnel depuis le 6 avril 2020, permet d’éviter que les tensions au sein du couple ou de la famille ne s’aggravent.
6. Une communication renforcée auprès du grand public, notamment sur les outils de prévention
L’Observatoire réunionnais des violences faites aux femmes (ORVIFF) diffuse régulièrement des lettres d’information au réseau d’acteurs de prévention et de lutte, ainsi que des flyers de numéros utiles, notamment aux structures en contact avec le grand public (médecins, antennes de justice, CCAS, missions locales, pôle emploi, bailleurs sociaux, réseau politique de la ville, réseau des territoires ruraux). Ces flyers sont disponibles en ligne sur le site de l’ORVIFF.
Un schéma d’aide départemental d’aide aux victimes (SDAV), en cours de rédaction, consacre la lutte contre les violences conjugales comme un axe prioritaire. Ce schéma a vocation à faire un état des lieux précis des dispositifs existants sur le département en matière d’aide aux victimes et à définir les pistes d’amélioration.
La couverture médiatique des actions en faveur de la lutte contre les violences conjugales est renforcée. Durant le confinement lié à la crise sanitaire CoVid19, les dispositifs mis en place pour protéger les victimes ont été relayées par les médias locaux sous forme d’interviews (13), d’articles écrits, de reportages et de publications sur les réseaux sociaux. Les services de l’État, particulièrement la Délégation régionale aux droits des femmes et à l’égalité (DRDFE), se sont rendus disponibles pour faciliter le travail des journalistes.
Pendant le confinement, les dispositifs habituels d’alerte et d’urgence ont été renforcés et d’autres ont été créés afin de permettre aux victimes de violences conjugales de signaler leur situation aux forces de l’ordre :
Des points d’accueil et d’accompagnement éphémères pour les victimes, tenus par des associations bénévoles, ont été mis en place dans sept centres commerciaux de Jumbo Score, du 16 avril au 10 mai et au-delà du confinement, du 3 juin au 10 juillet. Deux d’entre eux, Jumbo Saint-Benoît et Jumbo Saint-Pierre, deviendront des lieux pérennes d’accueil pour les femmes victimes de violences. Parmi les personnes accueillies, 90 ont bénéficié d’un suivi soutenu.
Un dispositif d’alerte spécifique en pharmacie, destiné à toutes les victimes et aux témoins de violences intrafamiliales, a été déployé dès le 27 mars avec l’appui de la présidence de l’Ordre des pharmaciens.
Les signalements des femmes victimes par SMS via le 114, numéro d’appel d’urgence destiné aux personnes sourdes et malentendantes, ont été rendus possibles.
Les numéros d’urgence étaient inscrits sur les tickets de caisse des 16 surfaces commerciales locales du groupe Leclerc.
L’Est de l’île, second arrondissement le plus touché par les violences conjugales, est le premier territoire à expérimenter ce dispositif. Les professionnels de santé du GHER ont pu constater que de nombreuses victimes rencontrent des difficultés à porter plainte. Cela a permis à ces derniers de saisir tout l’enjeu qui entoure l’autorisation du pré-dépôt de plainte en milieu hospitalier. Finalement, il s’agit de permettre une prise en charge coordonnée et efficace de la victime par des professionnels formés.
Au plan opérationnel, la convention précise les modalités de coopération entre les services du GHER et l’Unité médico-légale du CHU de La Réunion pour la prise en charge médicale des victimes. Elle permet de proposer aux victimes de renseigner un pré-dépôt de plainte qui ne les engage pas et qui leur laisse un délai de réflexion. Sous réserve de l’accord de la victime, celui-ci sera ensuite transmis aux forces de sécurité intérieure qui pourront contacter la victime pour évaluer sa situation et ainsi l’accompagner dans ses démarches.
La signature de cette convention conforte une dynamique territoriale, impulsée par la Sous-Préfète de Saint-Benoît, avec le soutien de la Direction régionale aux Droits des Femmes et à l’Égalité et la contribution des associations et des collectivités, déjà bien ancrée au niveau de l’arrondissement Est. Cette initiative s’inscrit dans la continuité du premier contrat local de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, en place depuis août 2019, et de la cellule dédiée à la prise en charge opérationnelle des victimes de violences conjugales.