Dans une tribune libre le maire de Saint-Joseph explique son refus de procéder à la rentrée scolaire en mai.
Face à la gestion du Covid-19, ce sont les initiatives locales qui nous ont permis, jusqu’à présent, d’éviter le pire. Que ce soit au niveau sanitaire ou économique.
Dans la gestion du confinement, le Préfet de la Réunion a en effet su, jusqu’à présent, chercher des solutions réunionnaises en écoutant les élus locaux, et notamment les maires.
Pour autant, les différents corps de métiers premiers de cordée » face au Covid 19, sont partis au front sans armes. Peut-on ainsi gagner une guerre, même sanitaire ? Je pense avant tout aux soignants, mais aussi à tous ceux qui travaillent pour la sécurité et pour l’accès des Réunionnais à l’alimentation et aux produits de première nécessité.
Beaucoup de ceux-là étaient dans la rue en 2019 pour dénoncer l’abandon de nos services publics de proximité, de nos hôpitaux, et une fracture sociale grandissante... Ce qui était dénoncé, malheureusement, a été spectaculairement illustré ces dernières semaines.
En effet, face à cette crise, nous, Réunionnais avons du très souvent nous débrouiller par nous-mêmes. Nous nous sommes adaptés, sans attendre qu’un mode d’emploi soit envoyé par Paris.
Nous avons créé des chaînes de solidarité. Nous avons su, pour le mieux, retrouver une certaine autonomie d’action : marché drive, accompagnement des personnes les plus fragiles, télétravail et dématérialisation…
Collectivités et chambres consulaires ont pris des initiatives pour aider une population démunie.
Sur Saint-Joseph, avec le soutien de la mairie, des associations, des groupes de couturières ont ainsi été précurseurs dans la confection de masques artisanaux, pour nos aides à domicile, nos employés et les agents d’autres services de proximité.
Sans ces initiatives réunionnaises, la situation aurait été bien pire. Forts et fiers de cette autonomie d’action, nous sommes désormais confrontés à un défi insensé, imposé depuis Paris au mépris de nos réalités locales : la réouverture des écoles.
J’ai été le premier maire, et peut être encore le seul à ce jour (?), à m’opposer fermement à cette réouverture physique. La très grande majorité des parents y semble également opposée.
Nous avons l’obligation et le devoir moral, faut-il le rappeler, de garantir la sécurité des élèves que nous accueillons. Avons-nous les moyens de garantir la sécurité des écoliers et des familles ?
La réponse est non.
Nous devrions doubler le nombre de lavabos, garantir un nombre suffisant de masques pour le personnel communal... Nous devrions, face au covid 19, garantir une totale sécurité sanitaire dans la confection, le transport et la distribution des plats de notre restauration scolaire, etc.
Nous devrions, avec l’intercommunalité, garantir une totale sécurité du transport scolaire, avec une flotte de bus que nous ne saurions multiplier par 2 ou 3...
Ce ne sont là que quelques exemples des défis qui nous sont imposés sans avoir les moyens de les relever….
Comment faire, dans le délai ridicule qui nous a été octroyé, pour sécuriser les 25 établissements scolaires dont j’ai la responsabilité ?
Avez-vous déjà essayé de faire porter un masque à un enfant de 5 ou 6 ans, et ce pendant plusieurs heures tout en lui demandant de respecter des règles de distanciations sociales ?
La question que chaque Maire doit se poser aujourd’hui est donc la suivante : le rôle de l’Élu Réunionnais consiste-t-il à se ranger toujours derrière les directives nationales ?
Il est de Notre Responsabilité, en tant qu’Élus, de savoir dire « non » quand les préconisations hexagonales ne sont pas adaptées à notre situation locale et insulaire.
C’était donc ma responsabilité de ne pas être d’accord avec une ouverture des salles de classe à quelques semaines de la fin de l’année scolaire 2019/2020.
Le Président de la République a demandé aux Maires d’être à ses cotés dans ce combat. En tant qu’élu de la République, je serai à ses côtés.
« Mais ma responsabilité m’impose, Monsieur le Président, de vous rappeler certaines réalités locales :
• Les mois de juillet et août à La Réunion ne sont pas les vacances d’été. Nous entrons dans l’hiver austral, plus propice justement à la propagation des virus
• À ce jour, nous n’avons pas eu officiellement de morts liés directement au coronavirus, et je serais soulagé que ce compteur reste en l’état
• Nous devons déjà faire face à l’épidémie de la dengue, devenue structurelle dans notre département. »
Ma position sur cette question reste tranchée parce que j’estime qu’il est de Ma Responsabilité de préserver la population de ma commune ;
C’est aussi Ma Responsabilité de vous dire que d’organiser la vraie rentrée à la fin août, nous donnera du recul sur un trimestre de déconfinement, qui plus est, en période d’hiver austral ;
C’est enfin Ma Responsabilité de préparer la rentrée avec sérénité afin d’accueillir fin août début septembre, dans les meilleures conditions de sécurité, les enfants de parents inquiets."