La chambre régionale des comptes de La Réunion a procédé au contrôle de la société publique locale (SPL) Estival en juillet 2023. La chambre a adopté ses observations définitives en juin 2024. Elle formule quatre recommandations, indique-t-elle dans un communiqué.
Les informations de la Chambre Régionale des Comptes :
Créée en 2014, pour assurer la gestion et l’exploitation de services de transport de voyageurs sur le territoire de la communauté intercommunale de La Réunion Est (CIREST), la société d’économie mixte (SEM) Estival a évolué en février 2022 en société publique locale du même nom. Avec la sortie des actionnaires privés, la CIREST en est devenue l’actionnaire majoritaire, détenant 95 % du capital, la région Réunion conservant 5 % des parts. Cette évolution s’est effectuée à l’initiative de la CIREST sans recueillir l’approbation formelle de la région Réunion. Cette transformation n’a pas conduit à une modification significative de l’objet social de la société, dont le transport scolaire est le grand absent.
En septembre 2020, les fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général ont été confiées à une même et seule personne. Les résultats de l’entreprise se sont dégradés rapidement conduisant au placement de la société en redressement judiciaire au mois d’août 2023 avec une cessation de paiement à la même date, les dettes de la société étant provisoirement évaluées fin novembre 2023 à 3,2 M€.
La dégradation des résultats est consécutive à des dérives multiples et à des erreurs de gestion que l’absence de contrôle de l’actionnaire majoritaire n’a pas permis de déceler en temps utile pour les empêcher ou les corriger alors même que le changement de statut de la société et la nomination d’un président-directeur général (PDG) étaient présentés comme un gage de plus grande transparence et de plus grande efficacité.
Entre 2021 et 2022, le nombre d’agents est passé de 102 à 124 et les charges de personnel ont augmenté de 4,2 M€ à 5,7 M€. La forte progression concomitante des dépenses de carburants, de locations immobilières, de locations de véhicules, de prestations de sécurité ou informatiques, réalisées parfois sans respecter les règles de la commande publique, est symptomatique d’une gestion hasardeuse peu économe des deniers publics.
La société a payé pendant deux ans et demi un loyer et des frais de gardiennage pour le nouveau siège avant de l’occuper. Le montant du loyer de son dépôt est anormalement disproportionné au regard du loyer que verse son bailleur à la CIREST, propriétaire du terrain, avant de lui en sous-louer une partie.
Le chiffre d’affaires n’a pas suivi le même rythme de croissance si bien qu’en 2022, les produits et les charges se sont élevés respectivement à 7,9 M€ et 9,7 M€ conduisant inéluctablement à la cessation de paiement.
Par ailleurs, les résultats de l’audit commandé par la CIREST et confirmés par les travaux du mandataire judiciaire, ont permis de mettre à jour des factures et des chèques d’un montant global de 0,4 M€ sans lien avec l’activité de la société ou dont la réalité du service fait n’est pas établie. Des factures de complaisance ont été établies pour couvrir des frais de bouche.
Entretemps, le PDG a été révoqué.
Pour assurer le redressement de la société, la CIREST n’aura pas d’autre choix, sauf à éponger le passif, que de suivre les préconisations du mandataire judiciaire en imposant une réduction drastique de la masse salariale, de poursuivre la revue des centres de coûts initiée par la précédente directrice générale. Une attention particulière devra également être apportée au suivi de l’exécution de la délégation de service public afin d’éviter des modifications et autres arrangements sur les prestations contractuelles sans l’autorisation du conseil d’administration.
Il appartient à la CIREST de mettre en place un contrôle renforcé de la société durant toute la période de redressement et de revoir urgemment les modalités de gouvernance de gestion, tout en préservant sa singularité et son fonctionnement unique à taille humaine.