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Depuis quelques mois, les soirées Projets X se multiplient aux quatre coins de l’île. Ces soirées consistent à regrouper plusieurs centaines de personnes à un endroit dévoilé sur les réseaux sociaux pour faire la fête. Vendredi dernier, un jeune homme de 16 ans a été percuté mortellement sur la quatre voies de l’Etang-Salé après avoir participé à une fête de ce genre. Dans l’île, la popularité de ces soirées peut inquiéter.
Les soirées Projet X s’inspirent d’un film américain du même nom, sorti en 2012. Ce film relate une fête alcoolisée à outrance qui dégénère. Ces soirées Projet X consistent à regrouper plusieurs centaines de personnes à un endroit donné pour faire la fête entre adolescents et jeunes adultes. Dans l’île, ces soirées gagnent en popularité depuis quelques mois.
Depuis quelques mois, les forces de l’ordre sont intervenus à plusieurs reprises pour disperser ce genre de soirées à La Réunion. Mardi dernier, les gendarmes sont intervenus lors d’une de ces fêtes organisées à Boucan-Canot qui a rassemblé plus d’une centaine de personnes. "Il y avait des chiens, des bombes lacrymogènes. Ils nous ont gazés. ils nous ont poursuivis pendant au moins trois heures", relate S., une jeune Saint-Leusienne de 15 ans qui a aidé à l’organisation de nombreuses soirées Projet X sur l’île. Du côté des gendarmes, on estime avoir utilisé la force appropriée dans les circonstances.
L’invitation est donnée sur les réseaux sociaux, via les applications Instagram, principalement par des stories, et sur des Télégram. "Sur Instagram, ça se fait plutôt sous forme de sondages. Sur Télégram, c’est dans des groupes", explique S.
En dépit du jeune âge des participants, souvent mineurs, ces soirées sont parfois très arrosées. De la drogue y circulerait également. "Un peu comme dans toutes les soirées dans lesquelles vont des jeunes", relativise S. Le compte Instagram sur lequel S. et ses amis lançaient des invitations, aurait été suspendu, selon elle.
D’ailleurs, la jeune fille est allée à la majorité des soirées Projet X qui ont été organisées dans l’île depuis quelques mois. "Nous ce qu’on veut, c’est faire la fête. Ramener beaucoup de gens, ça fait plaisir à beaucoup de personnes. Au final, on peut ramener plein de gens de toute l’île et faire la fête tous ensemble. Pendant le confinement, on n’a vu personne. Là, ça fait du bien", dit-elle.
En ce qui concerne les règles sanitaires, elles ne sont aucunement respectées, selon l’adolescente. Après le décès de Loïs, ce jeune de 16 ans qui a participé à une soirée Projet X à l’Étang-Salé vendredi soir et qui a été renversé mortellement sur la quatre voies, la jeune fille dit prendre conscience de la dangerosité de ce type de soirées. "Avec ce qui s’est passé à l’Étang-Salé, je suis consciente que ça peut déborder", lance-t-elle. De là à savoir si elle ira à une autre série Projet X, l’adolescente reste hésitante.
Du côté de la Gendarmerie, on explique intervenir très régulièrement, presque tous les week-ends concernant des fêtes organisées. Certaines passent sous les radars car elles ont lieu sur des terrains privés, explique-t-on. De là à parler des soirées Projet X spécifiquement, la Gendarmerie a préféré ne pas se prononcer.
"Dans des fêtes sauvages, tout peut arriver parce qu’il y a souvent de l’alcool. Il peut y avoir des violences, des bagarres. Et c’est toujours plus risqué d’être dans une fête à l’extérieur que dans une discothèque", fait-on savoir.
"On intervient dans un cadre légal. Si ce genre de fêtes s’organisent, les organisateurs doivent être conscients qu’il y a une vraie responsabilité derrière. On n’organise pas ce genre de soirées comme ça, librement", met en garde la Gendarmerie.
Selon le docteur Michel Spodenkiewicz, pédopsychiatre et maître de conférence à l’Université de La Réunion, les conduites à risque, comme on peut en voir dans des soirées Projet X, existent de longue date à l’adolescence. "En revanche, avec les réseaux sociaux, on a vu une amplification de ce phénomène avec cette tendance plus importante à se montrer et à se filmer. C’est devenu un moyen de communication qui, parfois, conduit à de véritables dangers", explique le docteur.
Ce dernier croit que la pédagogie est essentielle pour faire prendre conscience aux jeunes des risques liés à ce genre de soirées. "Il faut apprendre comment utiliser ces médias sociaux et être conscient des risques et faire la part des choses entre la vraie vie et ce qu’on filme", poursuit-il. Pour lui, les parents doivent se renseigner sur ces fêtes. "On a besoin de les connaître pour en parler. Et il faut se montrer curieux sur ce que font les adolescents sur les réseaux sociaux. Pas pour surveiller, mais pour que ce soit un sujet de discussion dans la famille", conclut-il.