Les deux sœurs ont subi les agressions de leur cousin, hébergé par leurs parents pendant les années 90. Elles ont porté plainte en 2017.
Dans la salle, quelques larmes coulent en silence. À la barre, Jessica* lit un texte qu’elle a écrit pour ce procès. “J’étais convaincue qu’il m’aimait plus que ma famille. C’était la personne en laquelle j’avais le plus confiance”, raconte la femme de 41 ans aujourd’hui. Cette personne, c’était son cousin, qu’elle appelle “le renard”. En 1993, Jessica a 10 ans et sa sœur Jennifer* a 7 ans. D’origine réunionnaise, elles vivent en Normandie avec leurs parents. Pendant plusieurs mois, le renard s’installe chez eux. Il a 25 ans.
Il fait subir des agressions sexuelles aux deux fillettes tout au long de son séjour. Lorsque Jessica porte plainte en 2017, elle raconte des caresses sur les parties intimes, le soir dans leurs lits. Jessica dénonce également des pénétrations anales. À chaque fois, Jessica est tétanisée. Jennifer, elle, parvient à se débattre et ne subira pas de pénétration.
“La journée quand elles sortaient du collège, on s’embrassait sur la bouche, avec la langue”, admet le renard devant le tribunal correctionnel de Saint-Denis ce mardi 5 novembre 2024. Il reconnaît des caresses “au-dessus des vêtements”. L’homme de 55 ans accuse Jennifer, 7 ans à l’époque, d’être "vicieuse" et d’être "rentrée dans sa chambre".
D’autres victimes ?
Après le séjour du renard en Normandie, les agressions continuent lors de visites familiales à la Réunion. Mais un jour, lors d’un repas de famille, tout le monde fait l’éloge du renard. Jennifer, qui a un caractère plus affirmé que sa grande sœur, ne le supporte pas et lance “si vous saviez ce qu’il m’a fait”. C’est ainsi que ses parents l’apprennent et que sa sœur, Jessica, se rend compte qu’elle n’est pas la seule victime. Les parents ne portent pas plainte. Ils ne sont pas poursuivis pour non-dénonciation, car les faits sont prescrits. Les deux filles se sont également confiées à des amies.
Pendant l’audience, le juge demande au renard : “pendant ces 30 ans, il y a-t-il eu d’autres victimes ?”. Un long silence lui répond. Le prévenu daigne tout de même s’excuser auprès de Jessica et du reste de la famille, mais pas auprès de Jennifer. Le tribunal le condamne à trois ans de prison, dont deux avec sursis, sans mandat de dépôt pour “tenir compte de l’ancienneté des faits”. “Si vous aviez été jugé plus vite, la peine aurait été plus importante”, lui lance le président du tribunal.
“J’étais encore une enfant, une victime. Silencieuse certes, mais une victime”, déclare Jessica. “Je porte ce fardeau et je le porterai toute ma vie.” Sa voix ne tremble pas.
*Prénoms d’emprunt
P. K.