Depuis hier, samedi 1er janvier, un Jako Malbar se promène dans les rues de Saint-Benoît. Le Jako était un personnage jadis populaire sur l’île. Ses mythes et ses performances ont suivi des générations de Réunionnais. Une tradition devenue de plus en plus rare dans l’île, mais qui reste toujours vivante dans l’imaginaire collectif. Mais qui est Jako et quelle est son origine ?
Comme son nom l’indique, le Jako Malbar aurait comme origine l’Inde. "Selon l’une des hypothèses souvent avancée, le Jako Malbar est communément associé à la divinité indienne Hanuman", explique Karl Kugel, artiste en création visuelle qui a réalisé un film sur le sujet. Hanuman a l’apparence d’un singe. Il est décrit comme assez fort pour soulever des montagnes ou encore tuer des démons.
Hanuman, le chef de l’armée des singes, est aussi un personnage important du Râmayan (une épopée relatant l’histoire de Rama et selon laquelle Hanumâm aurait délivré Sita). Les danseurs sont soit des personnes qui ont fait la promesse de danser pour la divinité, soit qui avaient reçu le don lui permettant de danser. Pour la préparation de sa représentation, le Jako doit observer une période de carême et doit se recueillir une grande partie de son temps.
Le Jako Malbar déambule dans les rues tous les débuts d’année, à l’occasion des festivités tamoules qui ont généralement lieu le 1er janvier. On peut également le voir lors des festivités du Nouvel an tamoul.
Traditionnellement, le jour de la prestation, le Jako s’habille d’un langouti (vêtement d’origine indienne composé d’une étoffe attachée à la taille). Il recouvre son corps de peintures multicolores, il se muni d’une chaîne ainsi que d’une queue en tissus tressés attachée à la taille pour se rapprocher de l’image d’Hanuman, le dieu singe. Puis il cache ses cheveux sous un morceau de tissu rouge.
Les Jako Malbar ont diverti les masses dans les rues et les quartiers des quatre coins de l’île jusque dans les années 1980 environ, explique Karl Kugel, artiste en création visuelle qui a réalisé le film Le dernier Jako Promes il y a quelques années. "Il a connu une certaine résurrection depuis", selon Karl Kugel.
"Autant, on se moque du Jako, autant il est craint. Il circule dans un maximum de rues. Les gens sortent sur le pas de la porte et lui jette des pièces, sur une feuille de bétel, qu’il ramasse avec sa bouche en faisant des acrobaties. Le mythe du Jako s’appuie sur des croyances populaires. Il aurait des dons pour jeter des sorts, mais pourrait également apporter des bonnes nouvelles ou même avoir des dons de guérisseur. C’est un personnage qui dépasse la figure mythique du singe Hanuman. Il a des dons qui s’inscrivent dans les croyances populaires de La Réunion", souligne Karl Kugel.
Selon une autre thèse, moins connue, Jako pourrait avoir des origines africaines, plus précisément du Mozambique. "Jako pourrait également trouver ses origines au Mozambique. Il ressemble énormément à un personnage qui s’appelle Wanalombo. C’est un personnage qui gère les rituels de passage de l’enfance à l’adolescence dans le nord du Mozambique. Ce sont des rituels très importants qui se sont créolisés au moment des rituels indiens. D’ailleurs, Antoine Roussin, qui est le seul a avoir dessiné des Jako au 18e siècle, il s’agissait de kaf. D’ailleurs, le dernier Jako Promes de l’île est sorti le 31 décembre 1999."
Karl Kugel insiste toutefois qu’il n’existe pas de vérité absolue concernant l’origine du Jako Malbar. "C’est un sujet sensible qui touche aux croyances, à la culture et à l’identité", conclut-il. Le Jako était une tradition très populaire à La Réunion jadis. Elle reste tout de même ancrée dans la mémoire de nombreux Réunionnais.
Sébastien Naïs