Antenne Réunion
La visite du ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti à la Réunion a débuté jeudi matin. C’est l’occasion de s’intéresser à ce milieu en difficulté depuis de nombreuses années et de tenter de dresser un bilan de l’état de la justice à l’approche de la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron.
Tribunaux engorgés en raison du manque d’effectif et de moyens, surpopulation carcérale, magistrats surmenés, etc. Emmanuel Macron a lancé en octobre 2021 les États Généraux de la Justice dans le but de dresser un état de la situation de la Justice dans notre pays et de formuler des propositions concrètes pour mettre la Justice au centre du débat démocratique.
En France, le budget alloué à la Justice par habitant est de 69€ contre 131€ pour l’Allemagne et 92€ pour l’Espagne selon une enquête de la Commission Européenne Pour l’Efficacité de la Justice (CEPJ), réalisée en 2018. Ce manque d’argent dont souffre la Justice a un impact direct sur son bon fonctionnement. En comparaison avec la moyenne européenne, le nombre de magistrats du parquet est 4 fois inférieur. Notre pays se trouve à la dernière position en Europe en ce qui concerne le nombre de procureurs par habitant (3 pour 100 000).
Pour ce qui est des forces de l’ordre, le constat est le même, leurs effectifs sont jugés insuffisants. Les policiers et gendarmes ont de plus en plus de travail sur le terrain et doivent à côté effectuer des formalités administratives lourdes et chronophages. Ces derniers ont donc moins de temps à consacrer à leurs investigations.
Le manque d’effectif et de moyens entraîne un véritable raz-de-marée d’affaires que doivent traiter les magistrats français. En moyenne, ces derniers doivent traiter entre 2500 et 3500 procédures par an contre 160 dans d’autres pays en Europe. Ce nombre impressionnant d’affaires à traiter entraîne une lenteur des services de justice. Selon le rapport du Sénat sur l’organisation et le budget de la justice figurant dans le "projet de loi de finance 2021 : Justice" : "le délai moyen de traitement des procédures pénales en matière criminelle stagne à 41,5 mois en 2020".
En 2021, les chiffres ne sont guère plus encourageants. Selon le rapport du "projet de loi de finances pour 2022 : Justice" : "les délais moyens de traitement des procédures civiles, hors procédures courtes, peinent à être réduits. En 2021, ils s’élèvent à 17,5 mois pour la Cour de cassation, 16,5 mois pour les cours d’appel, et 13 mois pour les tribunaux judiciaires". Une enquête réalisée par le sénat dans le cadre de ce rapport indique que 67% des Français trouvent la justice lente et que 53 % d’entre eux n’ont pas confiance dans l’institution judiciaire.
La prison de Domenjod à Saint-Denis est un bon exemple du mal chronique dont souffre les établissements pénitencier français. En juin 2021, des syndicats avaient tiré la sonnette d’alarme déclarant que les deux bâtiments étaient occupés à 120% de leurs capacités. Des détenus étant contraints de dormir sur des matelas à même le sol.
En France, les prisons sont surchargées. Au 1er janvier 2022, on comptait 69 448 détenus dans les prisons françaises, selon le ministère de la Justice. Cela représente 11% de plus que l’année précédente. Selon certains spécialistes, il faudrait environ 15 000 places supplémentaires dans les prisons françaises afin de résoudre le problème.
Pour pallier le manque de moyen qui reste la principale cause des difficultés de fonctionnement de la Justice, une hausse du budget de 8% soit 660 millions d’euros a été annoncée par Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice pour l’année 2022. Cette annonce a été jugée insuffisante par les magistrats qui jugent que cette somme ne permettra pas de changer la machine judiciaire en profondeur.
Guillaume Caras.