À La Réunion, un suicide survient tous les 3-4 jours. Un chiffre élevé et qui, malheureusement, ne diminue pas. Pour Danon Odrayen, présidente de l’association Prévention Suicide le sujet est loin d’être une “priorité nationale”.
Depuis une vingtaine d’années, le téléphone de Prévetion Suicide (0262 35 69 38) est disponible 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, à La Réunion. Il ne sonne pas tous les jours au même rythme et peut recevoir jusqu’à 10 appels en une journée. “On a repéré un suicide tous les 3-4 jours à La Réunion. En général, on a entre 100 et 120 suicides par an. L’année dernière, on était autour d’une centaine de suicides. C’est beaucoup pour une petite île comme la Réunion et ses 8600000 habitants”, précise Danon Odayen.
La présidente de l’association alerte sur le nombre de tentatives, ”jusqu’à 30 par jour à La Réunion”. “Cela ne veut pas dire que trente personnes terminent à l’hôpital. Il y a aussi les récidivistes qui sont comptés”, souligne-t-elle. La Réunion est une zone rouge sur cette problématique.
Comment expliquer ces chiffres ? Pour la présidente à la tête de l’association depuis 20 ans, ce sont souvent de lourds secrets enfouis qui ne sont jamais évacués. “Il faut avoir la possibilité d’exprimer le mal être ou les choses vécues. Je pense notamment aux violences qu’on a pu connaître dans un cercle familial. Il y a des violences intrafamiliales. Si on arrive à en parler, on va mieux, précise Danon Odayen. Dans ces violences-là, il y a les abus sexuels, les violences d’identité, les violences par rapport aux tensions familiales. Il y a plusieurs formes de violences. Mais on a remarqué, qu’à La Ruénion, il y a beaucoup de violences sexuelles. C’est un sujet très tabou”.
Prévention suicide estime que 20 % des suicides à La Réunion sont liés à des maladies mentales. Là aussi, notre île est dépourvue de moyens. L’attente pour un rendez-vous chez un psychiatre est de 3 à 6 mois. Selon l’association, il manquerait une structure intermédiaire. “Au niveau de la prévention, si quelqu’un ne va pas bien. Il aimerait en parler sans aller à l’hôpital. Cette structure n’existe pas. Il n’y a rien entre nous et l’hôpital pour une prise en charge sociale et médicale”.
Bénéficiant d’une petite subvention pour payer des indemnités à ses bénévoles, l’association n’est pas capable d’embaucher un salarié. Le sujet, malgré l’existence d’un programme national pour la prévention du suicide, semble peu intéresser les pouvoirs publics. “Prenez, l’exemple de la NRL. Si vous regardez, le long de la route par rapport à la mer, le petit muret est très bas. On construit, 13 km de route mais on n’y pense pas", souligne la présidente. Et d’ajouter : “J’ai interpellé le président de Région, au début des travaux à ce sujet lors d’une réunion. On m’a répondu qu’ils n’y avaient pas pensé. Je leur ai dit qu’on pouvait le faire maintenant. On m’a dit que ce n’était pas prévu dans le budget. C’est pareil pour la route des Tamarins. Les ingénieurs m’ont répondu la même chose. On en est là quand il y a des constructions, on n’y pense pas vraiment. Ce n’est pas un réflexe que nous avons".
Avec le livre de Mémona Hintermann, le sujet pourra peut-être s’inviter dans le débat pour que le tabou du suicide n’en soit plus un.