Le préfet propose notamment de remettre à plat le bouclier qualité-prix, lutter contre les ententes entre magasins notamment.
Principale demande des Réunionnais, la vie chère est une problématique majeure qui fait l’objet d’un travail constant des services de l’État à La Réunion. Le coût de la vie, pour un budget moyen de ménage réunionnais, est en effet de 7,1 % plus élevé à La Réunion que dans l’hexagone (INSEE, 2015) tandis que le revenu médian par unité de consommation est inférieur de 30 % à La Réunion par rapport au niveau national (AFD, 2015).
Ce sujet est apparu comme central dans les contestations sociales de novembre 2018 : la Ministre des Outre-mer, lorsqu’elle s’est rendue à La Réunion pour répondre à ces préoccupations, a alors décidé d’associer 50 citoyens aux travaux de l’Observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de La Réunion.
Objectif : permettre aux Réunionnais qui s’étaient investis dans les mouvements sociaux de travailler, avec les services de l’État, à la définition des solutions pour lutter contre la vie chère.
Dans ce cadre, depuis le début de l’année 2019, l’OPMR de La Réunion et les 50 citoyens associés se sont réunis tous les mois et ont esquissé des premières propositions d’action.
En présence d’Annick Girardin, ministre des Outre-mer, Jacques Billant, préfet de La Réunion, a présenté devant l’OPMR et les 50 citoyens un plan d’action contre la vie chère qui s’était nourri de ces travaux.
1. Faire évoluer les modes de consommation et valoriser la production locale
Un bouclier Qualité Prix rénové : le bouclier Qualité Prix sera remis à plat, avec aujourd’hui une nouvelle liste constituée exclusivement des produits les plus consommés à La Réunion, indépendamment de leur origine, tout en écartant ceux qui sont les plus nocifs pour la santé des consommateurs. En parallèle, une liste BQP péï sera établie pour mettre en avant les produits locaux à partir des mêmes critères de sélection (volume de vente et qualité nutritionnelle).
Renforcement des filières locales et des circuits courts : dans le cadre de la relance du Haut Conseil de la Commande Publique (HCCP), qui s’est réuni pour la première fois depuis deux ans, une attention particulière sera porté au développement des filières locales en valorisant le renforcement des circuits courts de proximité et la réduction du nombre d’intermédiaires.
Instaurer un moratoire sur l’installation de nouveaux grands magasins à la Réunion. Conduire une démarche parallèle auprès des membres de la commission nationale d’aménagement commerciale qui peut s’autosaisir des projets d’implantation à La Réunion.
Contribuer au développement des commerces hors des réseaux organisés : boutiques et supérettes indépendantes ; marchés forains ; stations-service.
Stimuler le développement du e-commerce local.
2. Exiger l’exemplarité de tous les acteurs
Conditionner les aides aux entreprises octroyées par l’État aux orientations suivantes : investissements dans l’innovation en matière de qualité nutritive et de sécurité alimentaire ; développement de labels de qualité ; développement de la performance environnementale des produits ; développement de la logique commerciale des circuits courts auprès du commerce de proximité structuré pour rendre les produits à haut niveau de qualité accessibles.
Engager la concertation avec les acteurs du secteur de la distribution et leurs fournisseurs pour évoquer les actions envisageables dans le but de : faire baisser les prix de fond de rayon ; limiter les marges arrière excessives pour les réintégrer dans la facture d’achat ; favoriser une approche « triple net » dans les négociations ; encadrer les promotions pour mettre un terme à la logique actuelle et favoriser la promotion de la production locale.
Accentuer la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles (ententes entre entreprises et abus de position dominante) qui empêchent la libre fixation des prix. Deux nouveaux enquêteurs travaillent sur ces sujets poste depuis juin 2019.
Poursuivre le contrôle des pratiques commerciales déloyales et trompeuses qui érodent le pouvoir d’achat des consommateurs et les cibler sur les secteurs à enjeux (alimentation, logement, transport, équipement de la maison, télécommunications, etc.).
Orienter des contrôles spécifiques sur le bon respect du BQP, afin de s’assurer que ce panier de biens régulé soit bien, dans les magasins, aux prix convenus.
Mettre en place une « cellule de dégrisement » pour faire disparaître les contrats d’exclusivité qui renchérissent les coûts de nombre de produits (secteurs des matériaux de construction, du bricolage, de la santé, etc). Cette cellule a vocation à permettre aux entités qui acceptent de dévoiler leurs contrats de bénéficier de l’anonymat et d’une mesure de clémence.
3. Mieux comprendre pour mieux agir : accompagner l’OPMR dans l’approfondissement des connaissances
Pour financer les études nécessaires au travail de fond de l’OPMR, le budget de la structure sera augmenté et des moyens humains complémentaires seront donnés. Deux exemples d’études qui seront lancées :
Une étude sur le reste à vivre sera menée par l’Insee et l’OPMR, en association avec le CESER, pour mieux appréhender le poids réel des dépenses contraintes des ménages (frais de logement, abonnements télécommunications et télévisuels, etc) et leur reste à vivre (reliquat résiduel du salaire après déduction des charges fixes) en fonction des types de ménages.
Une étude sera commandée sur le degré de concentration dans le secteur du commerce de détail à La Réunion en intégrant les grandes surfaces, les galeries commerciales et les commerçants indépendants afin de favoriser le pluralisme concurrentiel et la diversité de l’offre.
4. Un effort de transparence partagée
Les acteurs de la grande distribution locale seront appelés à publier leurs données comptables, conformément à l’obligation qui est faite aux entreprises de déposer leurs comptes au greffe du tribunal de commerce de leur ressort. Cela permettra de garantir la transparence sur leurs résultats, en précisant que la réponse de chacun d’entre eux à cette demande sera rendue publique.
Les bénéficiaires publics de l’octroi de mer devront transmettre un rapport annuel sur l’utilisation de ces fonds afin de mettre en lumière le caractère redistributif et les bénéfices mutuellement profitables de cet outil fiscal (emplois, apprentissage, production).
Mettre en place une application de comparaison des prix des produits dans la grande distribution, sachant que les comparateurs de prix existants (Comparali, Kilémoinscher) demeurent insatisfaisants (faible disponibilité sur smartphone, manque de références de prix, référentiels de magasin en métropole contestable, etc). Au-delà d’une comparaison Hexagone – La Réunion, ce comparateur de prix pourrait rapprocher les prix des produits entre grandes surfaces de La Réunion.
5. Faire des 50 citoyens associés des membres à part entière de l’OPMR
Pour valoriser l’investissement des 50 citoyens, les sécuriser dans leur travail et leur permettre de continuer leur engagement, il est nécessaire de leur donner un véritable statut. Il est proposé de modifier les articles L. 910-1-C et D. 910-1-C du Code de commerce, qui fixent la composition des OPMR, pour faire des 50 citoyens « associés » des membres à part entière afin de créer les conditions d’une transformation en profondeur de l’OPMR de La Réunion dans son fonctionnement, sa représentativité et son rôle.
Au-delà de ces mesures d’applications locales, le préfet de La Réunion a présenté des pistes de modifications réglementaires à étudier :
La création de dispositions spécifiques pour pouvoir interdire l’implantation de surfaces commerciales de plus de 2000 m² à La Réunion et pour instaurer un contrôle renforcé par la CDAC de l’environnement concurrentiel au niveau des zones de chalandise à travers une modification de la loi du 4 août 2008 modernisation de l’économie (LME) ;
Contribuer au développement des commerces hors des réseaux organisés : boutiques et supérettes indépendantes, marchés forains, stations-service… en mettant en place pour ces indépendants une possibilité d’approvisionnement à coût de gros, comme le permet les articles L.410-3 et L.410-6 du Code de commerce) ;
Mettre en place une évolution des dispositions réglementaires spécifiques aux DROM, visant à encadrer les marges arrières et à les limiter aux seules prestations réelles effectives et mesurables en matière de coopération commerciale, avec définition de critères précis d’évaluation par le fournisseur rendus obligatoires dans la contractualisation ; favoriser une transparence sur la formation de la marge commerciale réalisée par l’obligation d’affectation de toutes les bonifications liées aux marges arrières en réduction du prix ;
Développer dans les départements d’Outre-mer un encadrement particulier pour les stratégies d’assortiment de promotion et de merchandising afin d’introduire une obligation d’exposition et de valorisation minimum des produits locaux vérifiable par la définition de critères de contrôle objectifs.
La ministre des Outre-mer a salué le travail remarquable de l’OPMR et des 50 citoyens, accompagnés par les services de l’État à La Réunion. Cette nouvelle forme d’engagement citoyen est une belle réussite et est un modèle pour l’ensemble des territoires d’Outre-mer.
Tous les membres de l’OMPR ont été rendus destinataires de cette proposition de plan d’action. Il leur a été demandé de faire part au préfet de La Réunion de leurs observations pour le 10 octobre 2019.