ALLILI MOURAD/SIPA
Ce lundi 17 octobre, l’OPMR (Observatoire des Prix, des Marges et des Revenus de La Réunion) partage une nouvelle étude concernant le marché de la distribution généraliste de détail à dominante alimentaire à La Réunion, dans le contexte de l’opération de rachat des actifs de Vindémia par le groupe GBH, autorisée en 2020 par l’Autorité de la concurrence. Cette étude révèle que l’enseigne Carrefour du groupe GBH prend de plus en plus de place dans le marché, aux côtés de Leclerc.
Rapport BOLONYOCTE sur la grande distribution : La fixation d’un plafond de 25% de part de marché par acteur serait seule susceptible d’enrayer la spirale de la concentration de l’économie
Deux années après la réalisation de l’opération de rachat de la filiale du groupe Casino VINDEMIA par le Groupe Bernard Hayot (GBH), autorisée par l’Autorité de la concurrence par sa décision du 26 mai 2020, l’OPMR a décidé de confier une nouvelle étude à la société de conseil Bolonyocyte Consulting, visant à établir un état des lieux du marché de la distribution généraliste à dominante alimentaire et faire le point sur les effets réels de cette opération de concentration. A la demande de l’OPMR et après avoir fourni un rapport intermédiaire, Christophe Girardier, rapporteur de l’étude, a rendu son rapport final, joint au présent communiqué de presse, dont les principaux enseignements sont les suivants :
1. le rachat de VINDEMIA par le groupe GBH se traduit par une forte concentration du marché de la distribution généraliste marqué par la formation d’un duopole Carrefour/Leclerc en totalisant les 2/3, Carrefour représentant environ 37% de part de marché et Leclerc 29% ;
2. l’analyse des rapports de force au niveau local des zones de chalandise après l’opération de concentration montre un niveau de concentration supérieur, au profit de l’enseigne Carrefour, qui s’implante dans 4 zones où elle n’était pas présente et voit sa part de marché locale croître à plus de 40 % dans 4 zones de chalandise sur 7, en détenant en particulier plus de 70 % de parts de marché dans les zones de Saint-Pierre, Saint-Denis et Saint-Benoît ;
3. par sa présence dans un grande nombre de secteurs, le groupe GBH renforce fortement son pouvoir de marché et donc son emprise sur l’économie de la Réunion, avec un chiffre d’affaires global à La Réunion atteignant plus de 1,8 milliard d’euros, représentant environ 45 % des dépenses de consommation courantes des ménages réunionnais ;
4. le nouvel entrant, Make distribution, qui était censé garantir la concurrence, a vu sa situation financière très dégradée avec un endettement porté à plus de 90 Millions d’euros ce qui hypothèque la pérennité de son exploitation, sans mise en place à très court terme d’une importante recapitalisation ou d’une reprise par un autre acteur de la distribution ;
5. le duopole Carrefour/Leclerc fragilise l’écosystème des fournisseurs locaux avec une dépendance économique très forte à un niveau pouvant être évalué selon les acteurs, de 60 à 80% s’agissant de l’ensemble des deux acteurs et de 35 à 40% pour le seul acteur dominant, réduisant d’autant la capacité de développement des fournisseurs locaux ;
6. le rapport BOLONYOCTE donne de nombreux exemples décrivant les effets majeurs et caractérisés du nouveau pouvoir de marché du groupe GBH qui affectent les équilibres concurrentiels sur les marchés aval et amont de la distribution généraliste avec des répercussions élargies sur tous les secteurs de l’économie réunionnaise ou le groupe GBH est présent ;
7. dans l’état actuel du droit, le duopole Carrefour/Leclerc risque de s’étendre et de fragiliser tous les autres acteurs du marché avec des effets potentiels néfastes sur les prix et la diversité de l’offre, préjudiciables aux consommateurs réunionnais ;
8. Seule une réforme de la loi limitant pour les DOM insulaires l’emprise des acteurs à 25% et interdisant la présence d’un même acteur en amont et aval d’un marché serait susceptible d’enrayer la spirale de la concentration de l’économie réunionnaise.
Selon Christophe Girardier, responsable de la société de conseil Bolonyocte Consulting, la première conséquence de ce rachat est la mise en péril de Make Distribution, engendré par la formation du duopole Carrefour/Leclerc. D’après l’étude, celui-ci engendre une situation de dépendance économique qui ne devrait pas aller en s’arrangeant. Ce duopole risquerait de s’étendre et de fragiliser tous les autres acteurs du marché.
"D’autres conséquences sont observées dans la pratique au sein des magasins du groupe GBH, de l’enseigne Carrefour. On voit que cette montée en puissance s’accompagne de pratique de discrimination de certains fournisseurs. Des pratiques qui visent à favoriser les marques que le groupe GBH contrôle. On voit en effet une différence significative entre les linéaires que GBH accorde aux marques qu’il contrôle et celles qu’elle accorde aux marques qu’il ne contrôle pas", ajoute-t-il.
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