En France, chaque année la fraude fiscale fait perdre au moins 60 milliards d’euros à l’État. Pour lutter contre cela, les services de Bercy comptent se doter d’une nouvelle arme : les réseaux sociaux. De quoi faire frissonner ceux qui publient un train de vie en décalage avec leurs déclarations de revenus.
Certaines publications, sur les réseaux sociaux pourraient être utilisées pour lutter contre la fraude fiscale. C’est en tout cas ce en quoi consiste la nouvelle mesure proposée par le gouvernement.
En effet, Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des comptes publics explique qu’un nouveau dispositif expérimental pourrait être mis en place très bientôt.
Le ministre des Comptes publics voudrait "démasquer les contribuables qui roulent les services fiscaux en scrutant leurs comptes Facebook, Twitter ou Instagram". Objectif : "voir si leur train de vie correspond à leur déclaration de revenus".
Cette nouvelle loi déjà promulguée, n’entrerait en vigueur qu’au début de l’année 2019. Un nouveau dispositif qui n’est pas encore mis en place mais qui fait des mécontents.
Pascal Valiamin, conseiller syndical de Solidaire Finance Publique, ne trouve pas cette démarche logique. Selon lui : "Nous attendons autre chose de notre ministre. C’est de l’enfumage, ça n’a pas de sens, surtout que le ministre devrait plutôt installer internet dans nos locaux. Les agents de la finance publique, dans le cadre de leur travail, n’ont même pas internet sur leur poste."
Il ajoute : "Surveiller les réseaux sociaux c’est contre-productif, inutile et ça n’apportera pas grand chose. Je ne vois pas en quoi les agents du fisc iraient passer leur temps à feuilleter les pages des contribuables. On a d’autres moyens pour travailler efficacement."
Le conseiller demande que des moyens humains, financiers et techniques soient donnés aux agents des Finances publiques
Il explique : "Combattre la fraude fiscale, aujourd’hui on sait faire, on a des moyens de le faire mais le problème c’est qu’on ne peut pas les utiliser parce qu’on a pas suffisamment de personnel. On n’aura personne pou traquer sur les réseaux sociaux. C’est une mesure qui n’a pas de sens, c’est de la comm politique. En tout cas ça n’apporte rien au débat sur la fraude fiscale."
De son côté, Sulliman Omarjee, spécialiste en droit numérique, semble contre la mise en place de ce dispositif qu’il compare à une surveillance généralisée bien qu’il soit légal.
Il explique : "Si il y a un texte de loi qui le prévoit, la loi va donner entre guillemets le droit. Mais cette loi doit être articulée avec la législation européenne qui protège la vie privée. Dans cette législation il y a ce qu’on appelle le principe de minimisation. Je limite les données pour la finalité strictement indiquée à savoir la lutte contre la fraude fiscale. Pour cela les données doivent être adéquates par rapport à cette finalité."
Cette nouvelle technique d’enquête devrait être surveillée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). La Commission nationale devrait suivre avec attention le déroulé de cette traque sur internet pour s’assurer qu’aucune intrusion ne soit faite.
Selon le spécialiste, ce ne serait pas parce qu’un ministre propose une telle mesure, que celle-ci serait forcément valable. "J’ai de sérieuse interrogations quant à la validité de cette mesure."
Sulliman Omarjee estime que cette mesure est disproportionnée. Selon lui, "la protection d’une vie humaine justifie qu’on porte un peu atteinte à la vie privée des individus pour sauver des vies. Mais la lutte contre la fraude fiscale m’apparait disproportionnée par rapport au caractère intrusif des mesures qu’on va mettre en place."
Il ajoute : "Il faut se poser la question de qui va avoir accès aux données, pendant combien de temps elle va être conservée. On va profiler les gens en vue de savoir si ce qu’ils font pendant leurs vacances est conforme à leurs déclarations fiscales."
Selon Sulliman Omarjee, tout cela appelle des interrogations qui méritent que cette nouvelle mesure de police fiscale soit encadrée par de réels gardes-fous pour protéger la liberté d’expression des gens et leurs vies privées.