On ne nait pas noir ni blanc, on le devient. La thèse défendue par Lilian Thuram dans son essai "La Pensée Blanche". Le champion du monde 98 était l’invité du JT d’Antenne Réunion pour en discuter.
Vous dites "Je souhaite que les Blancs comprennent que leur couleur de peau est une construction politique." Est-ce que vous pouvez simplement nous expliquer ce qu’est, ce que vous appelez la pensée blanche ?
La pensée blanche est une idéologie politique qui a divisé les êtres humains en race et qui a hiérarchisé les personnes selon une supposée couleur de peau. Jusqu’en 1950 en France, on apprenait à l’école qu’il y avait une race supérieure qui était la race blanche.
Malheureusement, nous sommes héritiers de cette histoire et aujourd’hui encore, peu importe la couleur de peau, il y a trop de personnes qui pensent qu’être blanc c’est mieux. Voilà pourquoi il y a des personnes qui s’éclaircissent la peau, pensant qu’avoir la peau plus claire est un critère de beauté.
Vous faîtes le distinguo entre racisme et Pensée Blanche ?
La pensée blanche, c’est l’idéologie qui dure depuis plusieurs siècles, qui a été transformée en loi en France par exemple avec le code noir, le code de l’indigénal. Effectivement, pendant le code de l’indigénal, si vous étiez un citoyen blanc, vous avez plus de droits que les personnes considérées commes des indigènes.
Qu’est ce qui vous a poussé à vous interroger sur cette Pensée Blanche ?
C’est essayer de comprendre d’où vient le racisme et pourquoi on a du mal à changer nos comportements. L’idée c’est de montrer qu’il y a une histoire du racisme et que malheureusement nous ne pouvons pas y échapper. Je dis souvent que je suis devenu noir à l’âge de neuf ans quand je suis arrivé en région parisienne.
Pendant très longtemps j’ai essayé de soigner ce petit garçon que j’étais. À neuf ans, les enfants avaient intériorisé qu’être noir c’était être inférieur et qu’être blanc était mieux. Voilà pourquoi il faut questionner l’histoire si nous voulons sortir de ces identités liées à la couleur de la peau, parce qu’aujourd’hui nous sommes prisonniers de ces schémas-là.
L’avez-vous ressentie dans le milieu du football dans lequel vous avez évolué cette Pensée Blanche ?
Déjà lorsque j’étais enfant, il y avait des problèmes de racisme dans le foot. Je me souviens d’Antoine Bell qui recevait des bananes sur le terrain. Moi-même quand je jouais, il y avait des bruits de singes à mon encontre. Mes enfants aujourd’hui jouent au foot et il y a toujours ces problématiques.
Ce qui est extrêmement grave, c’est que très souvent on demande à ceux qui subissent le racisme de trouver une solution. Il faut demander à ceux qui sont blancs et ne subissent pas le racisme pourquoi il ne font rien. Il ne font rien, pas par méchanceté, c’est qu’en fait ils pensent qu’ils sont neutres. Nous devons avoir le courage de nous confronter au passé.
Comme la plus vieille hiérarchie qui existe entre les hommes et les femmes, il existe une hiérarchie selon la couleur de la peau, que ce soit aux Antilles, à La Réunion, un peu partout dans le monde. C’est le fruit de l’histoire, parce que pendant des siècles nous avons été éduqués à penser qu’il y avait une race supérieure.