Depuis ce mercredi 3 novembre 2021 à 9h22, symboliquement, les femmes travaillent gratuitement à l’échelle de l’Union Européenne et ce jusqu’à la fin de l’année. Selon l’office européen de statistique Eurostat, en 2021, les femmes gagnent 16,5% de moins que les hommes, à travail et temps équivalents. La Réunion n’échappe pas au phénomène.
La newsletters féministe « Les Glorieuses » fait l’état de l’écart salarial entre les femmes et les hommes et celui-ci se révèle être de 16,5 %. Ce qui signifie que depuis ce mercredi 3 novembre et jusqu’à la fin de l’année, symboliquement, les femmes travaillent gratuitement. L’objectif de cette démarche est de sensibiliser les pouvoirs publics sur la question des inégalités salariales qui est en hausse depuis 2018.
La situation sur l’île n’est pas la même que dans l’Hexagone. Ici, l’écart entre les salaires diminue. Selon l’INSEE, cet écart, sur l’île, était de 19% et a diminué jusqu’à 7% entre 2011 et 2017. Il n’empêche qu’à la Réunion, à poste et à expérience équivalents, les femmes continuent d’être moins bien payées que les hommes. En moyenne, les femmes sont payées 12,5 euros de l’heure, quand les hommes sont payés 13,4 euros de l’heure. Toujours selon l’INSEE, ce résultat est dû à la forte présence d’emplois publics sur l’île, comme l’éducation nationale ou le milieu hospitalier, où les salaires sont moins inégalitaires.
Les secteurs professionnels considérés comme "féminin" sont moins bien payés que les secteurs dits "masculins." Selon l’étude, 27% des Réunionnaises occupent des postes peu valorisés tel qu’agente d’entretien, aide à domicile, aide-soignante ou encore vendeuse.
Selon l’INSEE, 20% des emplois à temps partiel sont occupés par des hommes, contre 80% pour les femmes, dans l’Hexagone. À la Réunion, ce sont 13% des hommes occupent un emploi à temps partiel contre 28% des femmes, et ce contre le gré de ces dames, parfois.
Elles accèdent également beaucoup moins à des postes à responsabilité. 37% des femmes de l’île occupent un poste de cadre et il s’agit de la catégorie professionnelle où les écarts de salaire sont plus importants.
Il y a tout de même une amélioration. En 10 ans, les écarts d’insertion professionnelle ont baissé de 13% pour les femmes réunionnaises et 47% d’entre elles occupent un emploi sur l’île. Pourtant, les Réunionnaises sont moins bien insérées qu’en métropole où 51% des femmes occupent un emploi.
L’écart salarial s’explique par la place que les femmes occupent dans la sphère privée. En effet, ces dernières se consacrent généralement plus dans l’éducation des enfants, doivent jongler entre leur rôle de mère et leur métier, entraînant souvent l’interruption de leur carrière.
La parentalité précoce et fréquente sur l’île est un frein à la réinsertion professionnelle. Une femme sur cinq vit seule avec ses enfants, ce qui place ces mères monoparentales dans une situation précaire. En effet, 61% des femmes vivent sous le seuil de pauvreté.
Afin de contrer cette inégalité homme-femme, une pétition composée de trois propositions de politique publique est lancée par l’économiste Rebecca Amsellem et son collectif "Les Glorieuses." Elle est destinée aux candidates et candidats aux élections présidentielles pour enfin atteindre l’égalité salariale. Ses propositions sont les suivantes :
-Conditionner l’accès aux marchés publics, ou encore à certaines subventions publiques au respect de l’égalité salariale.
-Favoriser le congé parental commun payé de manière équivalente.
-Revaloriser les salaires des emplois où les femmes sont les plus nombreuses.
Remy Bourgogne, professeur d’économie, rappelle que les inégalités hommes-femmes ne datent pas d’hier. Elles sont présentes dès le paléo-lithique, c’est-à-dire il y a de cela plus de 3 millions d’années. Pendant les périodes de chasse, les femmes avaient interdiction de chasser, non pas parce qu’elles étaient physiquement in-capables mais par croyance. C’est ce que montre l’anthropologue Alain Testart dans son ouvrage "L’Amazonie et la cuisinière. Anthropologie de la vision sexuelle du travail." L’auteur nous dit que "pendant des millénaires […] la division sexuelle du travail provient du fait que la femme a été écartée des tâches qui évoquaient trop la blessure secrète et inquiétante qu’elle porte en elle." Faire écouler le sang des bêtes rappelait les menstruations des femmes, qui d’après la croyance, effarouchaient le gibier !
Retrouvez l’entièreté de l’étude de Remy Bourgogne sur Linfo.re ce lundi 8 novembre.