Découvrez le Kozé de Rémy Bourgogne édition spéciale à l’occasion de la Journée Internationale de la langue et des cultures créoles.
"Il faut que toutes les langues du monde entrent sur la grande scène du monde, des plus petites aux plus grandes."
Édouard Glissant
Chaque année, depuis 1983, le 28 octobre est une occasion de célébrer les langues et les cultures créoles à travers le monde. Chaque année, nous voyons des phrases accrocheuses pulluler : le créole est-il une langue ? Faut-il l’enseigner à l’école ? Le créole est-il un frein ou un moteur à la réussite scolaire ? Chacun y va de son analyse, profanes et initiés, pro et anti !
« Le kréol in lang ? Sa la pa in lang sa kamarad ! ». Konbyin d’foi mwin la antandu sa !
Doit-on encore questionner le sujet de la langue créole sous ces angles ? Je ne crois pas !
Sak i blok anou sé nou minm èk nou minm ! Alors, jeune étudiant en sciences sociales, j’ai commis un mémoire de Master sur le sujet, celui-ci s’intéressait aux « représentations et pratiques des langues et des cultures à l’île de la Réunion : entre affirmations et rejets des « originalités locales » à l’heure de la mondialisation ? ». Ma conclusion ? Le rapport au créole (et au français) est surtout guidé par la façon dont on se représente soi-même, les autres et le monde.
Le créole occupe l’espace social tout entier et l’école en fait partie…n’en déplaise à certains ! Posons-nous les bonnes questions, ce n’est pas le créole le problème mais le système. Pourquoi certains de nos marmay, malgré une scolarisation entièrement en français, ne maîtrisent toujours pas la langue de la république ?
Je préfère qu’un élève me parle en créole que dans un français que je qualifierais de « mate-shoka » ! Certains me diront que nos enfants doivent avant tout parler français, anglais, espagnol etc ! ». Je dirai à ces gens, poussons l’absurde plus loin. Dans un monde de plus en plus mondialisé, il ne sert à rien d’apprendre le français, apprenons directement l’anglais ou le chinois !
Pour l’anecdote, lors de mes études à Strasbourg, je vivais dans une cité universitaire internationale : je côtoyais donc des étudiants du monde entier. Contrairement aux idées reçues, mes camarades béninois, antillais ou encore maliens étaient ceux qui maîtrisaient le mieux la langue de Molière. Avaient-ils pour autant abandonné leur langue maternelle ? Non ! Ils avaient pris l’habitude de jongler avec les deux. Ce qui me fait dire que la réussite scolaire est aussi une affaire d’harmonie, avec soi-même, son identité, sa langue et sa culture !
Le créole doit être questionné pour ce qu’il est : un bien commun de l’humanité !
Signé Rémy BOURGOGNE
« Rémy Bourgogne est né et habite au Tapage, un petit village des hauts de la Rivière Saint-Louis. Passionné de sociologie, d’anthropologie, d’économie et de sciences politiques, c’est tout naturellement qu’il s’est dirigé vers le métier de lamontrèr « enseignant » en Sciences Économiques et Sociales. Par ailleurs, Rémy est aussi un militant associatif et politique. Enfin, féru de musique, il est musicien amateur et écrit des chansons en créole ».
Quelques lectures (non exhaustives) :
ARMAND, Alain, Dictionnaire kréol rénioné français, La Réunion, Océan Édition, 1987.
BAGGIONI, Daniel, Dictionnaire créole réunionnais / français, Paris, L’Harmattan / Université de la Réunion, 1997.
BICKERTON, Derek, « The nature of a creole continuum, Language 49, n°3, pp.640-669, 1973.
BICKERTON, Derek, Dynamics of a Creole System, Cambridge University Press, 1975.
CALVET, Louis-Jean, Pour une écologie des langues du monde, Paris, Éditions Plon, 1999.
CARAYOL, Michel, CHAUDENSON, Robert, « Diglossie et continuum linguistique à la Réunion », dans Les français devant la norme, GUEUNIER, GENOUVIER et KHOMSI, Paris, Champion, 1978, pp.175-190.
GAUVIN, AXEL, Du créole opprimé au créole libéré, Paris, L’Harmattan, 1977.
GEORGER, Fabrice, « Pluralité linguistique réunionnaise et implication d’un chercheur », dans Cahiers internationaux de sociolinguistique 2014/1 (N° 5), pages 125 à 134.
GLISSANT, Édouard, L’imaginaire des langues : Entretiens avec Lise Gauvin (1991-2009), Hors série Littérature, Gallimard, 2010
HAGEGE, Claude, L’enfant aux deux langues, Paris, Éd Odile Jacob, 1996.
LEBON-EYQUEM, Mylène, « Attitudes langagières et positionnement identitaire dans une ville de l’Est de La Réunion », Dans Cahiers de sociolinguistique 2008/1 (n° 13), pages 133 à 146.
LEBON-EYQUEM, Mylène, Comment adapter l’enseignement à la variation linguistique réunionnaise ? How to Adapt Teaching to the Reunion Language Variation ?, Contextes et didactiques, 2014.
LEDEGEN, Gudrun, « La langue créole et française à la Réunion : évolutions et paradoxes", dans La Réunion, une société en mutation / sous la direction de Éliane Wolff et Michel Watin, pp.101-121, 2010,
MARCH, Christian, Le discours des mères martiniquaises, diglossie et créolité : un point de vue sociolinguistique, Paris, Éd L’Harmattan, 1996
RASOLONIAINA, Brigitte, Représentations et pratiques de la langue chez les jeunes Malgaches de France, Paris, Éd L’Harmattan, 2005.
STAUDACHER-VALLIAMEE, Gilette, Grammaire du créole Réunionnais, Paris, Éd Les quatre chemins, 2004.