Indépendant de la Réserve Marine, son conseil scientifique, par un courrier de mai 2021 veut alerter les pouvoirs publics. Il estime que le Centre sécurité requin aurait procédé à “125 actions de pêche” illégales. Elles auraient été réalisées dans des zones de protection renforcée interdites à la pêche.
La pêche des squales sur notre île est déjà sujet à de nombreuses oppositions. En mai 2021, le conseil scientifique de la Réserve Marine s’est à son tour prononcé par un courrier adressé aux autorités dont le ministère de la Transition écologique. Indépendant de la Réserve Marine et composée d’universitaires et de scientifiques, il dénonce un “tel dysfonctionnement peu ou pas respectueux, ni de la réglementation, ni des procédures administratives, et qui met en jeu la pérennité de l’écosystème récifal réunionnais” et juge cela “surprenant de la part d’une instance gérée par un GIP (Groupement d’intérêt public) et présidé par Monsieur le Préfet de La Réunion” .
Les mots sont durs et visent directement le Centre sécurité requin (CSR), qui depuis 2016 “pilote la stratégie réunionnaise de réduction du risque requin” notamment avec des prélèvements. Le point de discorde concerne des pêches qui auraient été réalisées dans des zones de protections renforcées. “Avec une telle pression de pêche au sein même des zones les plus protégées de la Réserve, qui semblent particulièrement ciblées, le conseil scientifique de la RNMR se demande, si celle-ci est encore une Réserve Naturelle Marine digne de ce nom, ou si elle n’est pas devenue une RNPR (« Réserve Naturelle de Pêche de La Réunion »)”, indique le conseil scientifique.
En consultant des cartes sur le site Sextat Océan Indien, les scientifiques ont constaté que 125 actions de pêche ont été effectuées, “en toute illégalité, dans la Réserve Naturelle Nationale Marine en zones de protection renforcée interdites à la pêche”. Dans un article du Jir du 16 juin 2021, Sylvie Cendre la sous-préfète de Saint-Paul et président du CSR tenait à rappeler que ces prises sont très minoritaires ne représentent que "1,3%" des 16 000 réalisées entre 2016 et 2020.
Après ce constat, les cartes de Sextat Océan Indien ont disparu et ne sont plus consultables en ligne. Une demande qui viendrait du CSR. Ces suppressions ne sont pas passées inaperçues. À tel point que dans un article du Monde du 14 juin, la ministre de la Transition écologique, Bérangère Abba “parle « d’incompréhension, de maladresse ; » de la part du CSR, qui « s’est ému » de voir ces cartes publiées sur Sextant”.
Le conseil scientifique remet, également en question l’efficacité de ces pêches pour réduire le risque requins. La pose d’engins de pêche aux requins au sein des zones de protection renforcée “fait l’objet d’avis défavorables sur la base d’arguments scientifiques”. “ll n’a en effet toujours pas été démontré scientifiquement que ces pratiques diminuent le risque requin, alors qu’elles représentent une menace pour l’écosystème récifal".
Enfin, les conseil scientifique considère que ces prélèvements ont une influence négative sur l’écosystème récifal, déjà dans une situation préocuppante.
Les requins-tigres représentent 29 % des captures et les bouledogues 6%. Entre mars 2018 et le 11 juin 2021 , 490 prises “accessoires” ont été répertoriés par le CSR. “Par contre, les autres espèces capturées par ces drumlines et palangres, certaines rares et protégées, ont un rôle essentiel dans le fonctionnement de l’écosystème corallien. Même libérées après capture, leur survie reste incertaine malgré les 80 % de survie affichées”, précise le conseil scientifique qui estime que les dommages sur les espèces “restent ce jour inconnues, mais raisonnablement fort probables”. “Ceci ne peut que fragiliser la timide restauration en cours de l’écosystème marin récifal réunionnais”, concluent les scientifiques.
Le CSR que nous avons contacté n’a pas voulu répondre à nos questions, arguant que les réponses ont déjà été fournies dans Le Monde et dans le Jir. Les lecteurs de LINFO.re apprécieront.
Le directeur du CSR, Willy Cali évoquait chez nos confères du Monde “une instruction à charge insolente de la part de gens qui ne savent pas lire des métadonnées”. D’après ce dernier, le conseil scientifique avait mal lu les données GPS et confondu les bateaux avec les engins de pêche. Eux aussi apprécieront.