L’association Elio Canestri, mise en place après la mort tragique du jeune surfeur après une attaque de requin en 2015, a saisi le tribunal administratif ce lundi matin. Elle souhaite mettre fin aux arrêtés préfectoraux qui interdisent la commercialisation de viande de requin-tigre et de requin-bouledogue depuis 1999.
Cela fait maintenant deux ans que l’association Elio Canestri a contacté le préfet de la Réunion, Jacques Billant, pour que la préfecture mette fin aux arrêtés préfectoraux qui interdisent la commercialisation de la viande requins-bouledogue et de requin-tigre. Des arrêtés "ciguatera" mis en place en 1999 et en 2006 et nommés en référence à la toxine potentiellement mortelle pour l’homme qui est parfois détectée dans la viande de requin.
"C’est une première étape qui est menée par l’association Elio Canestri. Nous pensons qu’il est aujourd’hui nécessaire de rétablir la possibilité de consommer cette viande. C’est une viande qu’aiment beaucoup de consommateurs et qui n’est pas chère, qui pourrait avoisiner les 5 euros le kilo", explique Me Philippe Creissen, avocat qui représente l’association.
Ce dernier croit que la science actuelle permet de détecter cette toxine correctement pour que la viande soit analysée avant la consommation humaine. "Des tests qui seront faits pour rassurer les consommateurs pour leur montrer l’absence de risque lorsqu’on consomme cette viande", poursuit-il. "Il n’est pas normal qu’en raison des avancées scientifiques dont nous bénéficions qu’on nous maintienne dans un état d’interdiction."
L’avocat dénonce que l’État dépense "des sommes folles" pour la protection des surfeurs notamment pour la pêche pour des raisons scientifiques. "Le centre de sécurité requin a coûté une somme folle, mais qui n’a aujourd’hui abouti à aucune solution", regrette Me Creissen. "Pour nous, la meilleure solution est de rétablir la pêche traditionnelle. On a, par le passé, pêché jusqu’à 1000 requins par an à la Réunion. Et si nous pouvons garantir aux citoyens qu’il n’y a pas de dangerosité particulière à consommer cette viande, il n’y a pas de raison que les pêcheurs ne puissent pas les pêcher."
D’après des études de l’Agence nationale de sécurité alimentaire, la viande de requin peut contenir des risques à la consommation et peut notamment avoir des traces de ciguatera, une toxine potentiellement mortelle pour l’homme. "Nous ne contestons pas ces études. On se base sur elles pour demander l’abrogation partielle des arrêtés préfectoraux", poursuit l’avocat. "Ces études montrent qu’on peut aujourd’hui de tester un seuil suffisant pour garantir une absence de dangerosité."
Pour l’avocat, "rien n’est garanti sans risques" dans notre alimentation. "Que vous mangiez des chips, du pain, de la viande, du poisson, il peut y avoir des agents allergènes. Tout nos expose à des risques", avance l’avocat.
Pour Giovanni Canestri, le père d’Elio, la science a suffisamment évolué depuis 1999 pour permettre une consommation de viande de requin-tigre et bouledogue en limitant les risques. "On veut travailler pour le bien commun. Et le bien commun, c’est la sécurité", indique-t-il. Un centre de détection de ciguatera pourrait d’ailleurs être implanté sur l’île, selon lui.
Pour Giovanni Canestri, l’attaque de son fils par un requin aurait pu être évitée si cette pêche aux requins-tigres et bouledogues pour la commercialisation de la viande existait déjà. "Mon fils aurait pu être sauvé grâce à ça et les autres aussi auraient pu être sauvés par ça", s’indigne-t-il.
Pour lui, ce sont les humains qui doivent être protégés. "Je ne suis pas un animaliste, mais un humaniste. Et aujourd’hui, en 2021, aucun requin ne vaut la vie d’un enfant ou celle d’une personne", lance-t-il.
Du côté de l’association de protection des requins, Sea Shepherd, on craint que si les arrêtés sont abrogés, cela permette une pêche à grande échelle "subventionnée par l’État". "Ce qui serait extrêmement nocif pour les populations de requins", croit Didier Dérand, représentant Sea Shepherd France sur l’île.
"Au niveau de La Réunion ou de Madagascar, il n’y a pas une population réunionnaise et une population malgache de ces espèces de requins, mais de l’océan Indien pour le requin-bouledogue et de l’indo pacifique pour le requin-tigre. Ce sont des animaux qui se déplacent beaucoup et qui ne sont pas limités aux eaux réunionnaises. Tuer des requins à la Réunion, c’est avoir une incidence sur la population globale de ces espèces dans la zone", conclut-il.