Jean-Marie Bigard est en spectacle à la Réunion à la fin du mois. Il promet aux Réunionnais 60% de nouveauté dans un show qui reprendra également les sketches préférés de son public.
L’homme connu pour sa franchise et son langage quelquefois peu châtié a su traverser les années et les générations pour s’afficher comme le comique préféré des Français.
Peut-il s’amuser de tout sans aucune limite ? la réponse est plutôt oui. S’il descend souvent en dessous de la ceinture, c’est qu’il ne fait que raconter ce qui anime les hommes et les femmes.
L’humoriste semble en tout cas se plaire à la Réunion, où il est déjà venu, il y a une dizaine d’années en compagnie de son ami Jean-Jacques Goldman. Il était l’invité du journal de 19h de Jean-Marc Collienne.
Quatrième enfant d’une famille d’origine modeste (père charcutier ayant dû renoncer à son activité de commerçant-artisan indépendant pour raisons de santé, et mère ouvrière chez un sous-traitant de l’industrie automobile), il passe dans « un bonheur sans tache » ses vacances d’été dans une ferme de l’Aube qu’exploitent ses grands-parents maternels, et vit avec « tristesse » la rentrée scolaire de mi-septembre.
Dès le début allergique aux « contraintes » et à l’« enfermement » inhérents à l’école, attaché à sa mère et « trop rétif au travail », il sait pourtant parfois se motiver et se montre très sensible aux encouragements. Pouvant réussir et conscient de n’être « pas plus con que les autres », la puberté et la découverte des filles « donnant à la vie quelque chose d’enivrant » le détournent pourtant de sa scolarité au point qu’après avoir redoublé sa classe de quatrième, il est mis en pension dans le collège privé de Mesnil-Saint-Loup.Ses parents font ce sacrifice financier pour lui permettre de réussir mais comme son frère aîné, il n’évitera pas son orientation, à 16 ans, pour un BEP de mécanique générale, à préparer en 3 ans en lycée technique.
Par contre, son assiduité et sa réussite dans la pratique du handball lui vaudront, seules, les éloges de son frère aîné et la fierté de son père, lorsque, « sélectionné dans l’équipe juniors de la région Nord-Est de la France » qui gagnera le tournoi, il revient avec une médaille.
a formation en lycée technique terminée, et ne voulant surtout pas devenir ouvrier comme sa mère et ses deux sœurs, « à tenir la cadence » en usine, « à travailler, travailler, en se privant de tout » pour arriver à la cinquantaine usé et brisé, il préfère « ne rien branler », et vit d’expédients et autres petits boulots. D’abord pompiste quelques mois, il met à profit ses connaissances en mécanique pour organiser un commerce de vieilles tractions Citroën avec trois copains ayant échappé eux aussi au service militaire. Ils parcourent la campagne pour racheter les véhicules abandonnés au fond des granges, les retapent et les revendent à Paris pour environ trente fois le prix d’achat, n’acceptant qu’en cas d’absolue nécessité une embauche de trois mois dans une usine locale, pour « profiter des indemnités de chômage pendant les neuf suivants ».
Le poste de barman dans un café du centre-ville de Troyes (accepté pour soulager sa mère, gravement malade et hospitalisée, de la honte d’avoir un fils sans métier) lui confirme ce qu’il avait apprécié une fois déjà à l’école, au CM2 : entendre des compliments à propos de son travail. Son don de potache pour créer autour de lui des « attroupements dans la cour de récréation ou dans la classe quand le prof n’est plus là, en grimpant sur son bureau, », prend corps davantage derrière le bar, « à rigoler, à déconner, à veiller à ce que chacun soit content », à faire tout seul « tourner la baraque ».
Alors âgé de vingt ans, le décès de sa mère l’affecte beaucoup. Cette « catastrophe monumentale » ne l’empêche pas de réussir à continuer à faire rire les clients du bar, qui « depuis son arrivée ne désemplit plus » mais le plonge dans un état dépressif au bout de six mois et devance un second drame : l’assassinat de son père, un an après la mort de sa mère, dans sa maison, à coups de couteau, par un bûcheron des Ardennes, ex-compagnon de la femme qui partageait sa vie depuis quelque temps. Après ce drame de jalousie relaté largement dans les pages faits divers des journaux, il ne survit que grâce aux antidépresseurs, « au handball le week-end » et à son rôle de clown derrière son bar puisque « le pastis, il est le même partout, la seule chose qui change, c’est la gueule du mec qui te le sert. ». Cette faculté de faire rire, tout seul, pour ne pas pleurer et pour qu’on l’aime, ce « bonheur éphémère d’être le boute-en-train » lui apprennent son futur métier de comédien. Il prendra conscience plus tard que c’est la promesse faite à sa mère malade de se mettre à travailler vraiment et la mort de celle-ci qui donneront naissance à sa vie professionnelle. Après deux ans et demi, à 24 ans, et malgré les propositions de promotion de brasseurs convaincus de son savoir-faire, ce sont les échos réguliers de sa réputation de handballeur dans la presse locale qui le motivent pour entamer une formation d’entraîneur.
Sa candidature est acceptée par le Centre régional d’éducation populaire et de sport (CREPS), et après six mois de formation, il devient maître auxiliaire remplaçant. « Le cancre tombé dans la mécanique par désœuvrement, devenu barman par accident, reconverti dans le professorat » découvre qu’il est un « meneur d’hommes », réussissant à mettre les élèves et leurs meneurs dans sa poche. S’investissant beaucoup et constamment enthousiaste, il entrevoit pourtant au bout de presque trois ans que « les gosses finissent par le laminer, et qu’ils font la moue en le voyant venir ».
Quittant l’Éducation nationale, il est engagé à nouveau pour officier derrière un bar, mais cette fois à la périphérie de la ville, dans une discothèque, dont le propriétaire au courant qu’il est « le barman le plus côté de Troyes » lui promet une participation de 30 % lors de la revente dans quelques années. Cette activité est plus fatigante que celle qu’il avait connue dans le café, car plus nocturne, mais lui donne l’occasion de rencontrer les animateurs d’un petit théâtre du centre-ville, dont Jean-Christophe Le Texier, avec lesquels il goûte au plaisir de monter sur les planches et d’écrire de petits sketches. Lassé au bout de deux ans et demi par le rythme du travail de nuit, il est soulagé à l’annonce par le propriétaire de son projet de vendre la discothèque. Les choses se précipitent à l’occasion de l’incendie de son appartement, vraisemblablement dû à sa négligence causée par la nouvelle du décès d’un de ses copains de l’époque du commerce de Tractions, qui précédera la cession de la discothèque avec disparition du vendeur omettant de lui reverser les 30 % promis. Hébergé pendant six mois environ par un ami dans un bourg près de Troyes, à Buchères, où la vie qu’ils mènent « a des allures de carnaval et de feu d’artifice », il monte plusieurs fois à Paris pour y tenter sa chance, non sans quelques appréhensions.
Son objectif est de se faire repérer par Philippe Bouvard, grâce à sa connaissance du répertoire de Robert Lamoureux et à ses sketches écrits et joués à Troyes, afin de passer dans l’émission télévisée « Le petit théâtre ».
C’est avec son copain troyen Tex, espérant lui aussi entrer chez Bouvard, qu’il peaufine un nouveau sketch qu’ils présentent ensemble au célèbre animateur de télévision. Sa bonne connaissance du principe et du rythme de l’émission de la deuxième chaîne, acquise pour n’en avoir jamais raté une diffusion, sa confiance après avoir « bien observé les mecs qui s’y présentent », sa conviction de « pouvoir faire aussi bien, et même plutôt mieux », la certitude de devenir « un autre homme une fois sur scène » parce que détenteur d’une « espèce de pouvoir un peu mystérieux » sur les autres, et les vifs encouragements des collaboratrices de Bouvard lors de l’audition de présélection se soldent par une déconvenue : Philippe Bouvard lui-même, venant à passer le lendemain lors des dernières répétitions avant enregistrement, improvise et impose une modification au sketch, ne mettant dès lors en valeur que Tex, interprétant l’automobiliste, en plongeant Bigard dans l’anonymat, relégué à son rôle de moteur caché aux spectateurs par une couverture. « La France découvre Tex. » et son comparse « à la gueule toute grêlée » ne se décourage pas dans son ambition d’obtenir une nouvelle chance de Bouvard et se jette dans l’écriture fébrile d’une cinquantaine de sketches en trois ou quatre mois, lors desquels il est logé à Paris chez une amie rencontrée jadis lors de ses activités de barman.
Dissuadé sèchement de monter sur scène par Bouvard qui refuse tous ses sketches mais voit en lui un « bon auteur » auquel il conseille « d’écrire pour les autres », il entreprend avec son ami Philippe Hodara, ancien auteur du Petit Théâtre de Bouvard l’écriture d’un spectacle, Pièces détachées, constitué de sketches faisant intervenir trois comédiens. Brigitte Chardin et Frédéric Darie lui donnent la réplique lors des premières répétitions et l’aide du père de ce dernier, Jean Darie, s’avère nécessaire pour la mise en scène.
Durant ses premières années à Paris, Bigard se présente, comme on le lui conseille, à environ 200 castings, mais ne décroche, par pur hasard et juste pour sa « gueule », qu’un petit rôle de figurant, déguisé en Indien dans « une publicité pour le fromage Boursault ».
Le spectacle Pièces détachées, enfin prêt, est présenté sans annonce et sans soutien au théâtre du Point-Virgule, minuscule salle dirigée par Christian Varini, qui assure lui-même la régie. Le public quotidien d’une moyenne de 10 à 15 personnes comble de bonheur Jean-Marie Bigard, fier dêtre devenu enfin comédien, pouvant grimper chaque soir sur les planches, même s’il ne gagne pas un sou. Le spectacle ne décollant pas vraiment, pendant une année entière, les jours sont parfois difficiles, mais il est alors gracieusement aidé au moment du casse-croûte par la patronne du bistro d’en face.
Varini envisage sérieusement de renoncer à maintenir plus longtemps le spectacle, mais il se laisse convaincre par lui de prolonger d’un mois la représentation après remaniement de la mise en scène, qu’il juge, expérience venant, « trop classique pour le café-théâtre ». Un ami de Brigitte Chardin accepte de remonter Pièces détachées, fait s’enchaîner les sketches plus vite, adopte un rythme suffisamment soutenu pour ne pas laisser « une seconde au public pour reprendre son souffle ». Frédéric Darie quitte le trio, un autre comédien le remplace pour le mois de la dernière chance. Dès les premières représentations, le public rit différemment, plus spontanément. Le bouche à oreille commence à fonctionner au point que l’on compte bientôt une bonne cinquantaine de spectateurs par soirée et que des annonces dans Pariscope et L’Officiel peuvent être payées. Chacun des trois comédiens peut alors gagner 1 000 francs mais Bigard ne regrette pas le sextuple gagné comme barman dans sa discothèque troyenne.
Le succès venant, le spectacle au théâtre du Point-Virgule est prolongé, alors que les comédiens comparses sont une bonne vingtaine à se relayer au cours des deux ans qui suivent. Entre-temps, Le Petit Théâtre de Bouvard s’essouffle et Bigard, convaincu de pouvoir faire mieux que dans son petit théâtre d’« à peine cent mères carrés », suit avec attention la gestation d’une nouvelle émission annoncée pour janvier 1987, qui serait confiée à Fabrice, sur la troisième chaîne.
Il fait alors la connaissance de Laurent Baffie lors des réunions préparatoires de cette nouvelle émission qui sera baptisée La Classe et qui sera lancée sans sa participation, alors qu’il n’a pas raté une audition. Il accepte particulièrement mal cette sorte d’éviction, lui rappelant qu’il avait été laissé sur la touche par Bouvard. Le succès de l’émission est remarquable, et Bigard ronge son frein, mais ce n’est qu’en juin 1987, que l’assistante de Guy Lux, le producteur de La Classe se décide à le contacter.
Jean-Marie Bigard est révélé au grand public dans La Classe, sur FR3. Il écrit plus de 100 sketches avec Laurent Baffie, et bien d’autres avec Franck Godard. Au même moment, il écrit quelques sketchs pour les Nuls (alors en pleine gloire sur Canal +dans Nulle part ailleurs), notamment le célèbre « Toniglandyl ».
Son premier spectacle à succès (Vous avez dit Bigard ?, 1988, mis en scène par Franck Godard) au Point-Virgule lui permet de s’installer dans un style « stand-up », dont la caractéristique est de ne pas jouer de sketches mais de s’adresser directement au public durant toute la représentation. Se réclamant le fils spirituel de Robert Lamoureux, il touche également au cinéma comme acteur et comme réalisateur, mais également à la chanson, en interprétant des textes grivois et/ou parodiques, à l’image de « Massey Ferguson », parodie de « Harley-Davidson » de Brigitte Bardot. On lui doit également le titre « Un poil de cul sur ma savonnette », où il évoque de manière humoristique la rupture amoureuse.
Durant les années suivantes entre 1990 et 1993, il présente trois spectacles distincts, plus ou moins longs, mais manquant de nouveautés, car les sketches inédits sont noyés au milieu de ceux déjà connus, bien que certains aient été retravaillés et approfondis pour l’occasion.
En 1995, il revient avec un spectacle inédit comme l’indique le titre, 100 % Tout Neuf . Vu par près de 300 000 personnes, il s’y attelle à décortiquer « la culture », selon ses termes. Ainsi, il se jouera entre autres des philosophes antiques, du roman Les Misérables, du droit et des lois. Bien qu’ayant déjà acquis une certaine notoriété, sans doute a-t-il été influencé par ses pairs lui affirmant qu’il ne serait jamais célèbre en étant si vulgaire et en parlant principalement de sexualité. Ainsi, bien que ce nouveau spectacle ne soit pas plus poli, il marquera un décalage certain avec ses précédents. De fait, beaucoup de fans le considéreront comme le plus abouti, et lui-même le désignera comme son plus structuré.
En 2000, il revient avec Bigard met le paquet. Il y parle à nouveau de sexualité de manière plus crue que jamais. L’affiche, représentant simplement un slip très moulant, fait polémique mais le spectacle se démarque par un sketch sur la langue française : un hommage à Robert Lamoureux, et surtout le sketch intitulé « Le parano » très différent du reste. Le 28 décembre 2001, il joue la dernière de ce spectacle à Bercy, devant 13 000 spectateurs. Depuis cette même année, il est parrain de l’association Bouchons d’amour.
Son spectacle suivant Des animaux et des hommes sort à l’automne 2002, Il y compare les modes de vie entre différentes espèces d’animaux et les hommes, en abordant notamment la communication et la sexualité bien sûr. Ce spectacle bat des records d’affluence, et la dernière au stade de France en juin 2004 réunira plus de 50 000 personnes, record unique pour un comique.
Début 2006, il interprète avec modernité et « à la virgule près » Le Bourgeois gentilhomme de Molière. Il revient, ensuite en octobre, avec un nouveau spectacle Mon psy va mieux dont l’affiche à forte connotation sexuelle est dans la lignée des précédentes. Dans ce huitième spectacle, Bigard se livre au spectateur et lui révèle ses angoisses et ses douleurs. Il y évoque notamment le jour de sa mort. Les « non-dits » de ce spectacle sont mieux compris lorsqu’on a lu son autobiographie. Il révèle par ailleurs à la même époque être atteint de diabète insulino-dépendant depuis 1997.
En avril 2007, il soutient activement le candidat Union pour un mouvement populaire (UMP) Nicolas Sarkozy aux élections présidentielles, avant d’accompagner celui-ci à Rome pour rencontrer le pape Benoît XVI. Le 17 septembre 2007, paraît son autobiographie Rire pour ne pas mourir. Jean-Marie Bigard y raconte sa jeunesse, le début de sa carrière, et ses convictions philosophiques.
En septembre 2008, il incarne Clérambard de Marcel Aymé, dans une mise en scène de Nicolas Briançon. La pièce sera finalement arrêtée, le 31 octobre, 2 mois et demi avant l’échéance initialement prévue, faute de spectateurs.
Fin 2009, Bigard revient sur scène avec un spectacle « super Best Of ». Il ne s’agit pas là d’une succession de ses meilleurs sketchs mais plutôt d’une remémoration de ses meilleurs moments passés sur scène où il réinterprète des morceaux de sketchs et répliques cultes. Ce spectacle lui sert de prétexte pour préparer et introduire son prochain spectacle dont le thème sera la médiation et la spiritualité.