En 2018, 340 000 Réunionnais sont en situation de privation matérielle et sociale, soit 40 % de la population. Cette part est trois fois plus élevée qu’en France métropolitaine et du même ordre que le taux de pauvreté monétaire.
Ne pas avoir les moyens de se constituer une épargne, de s’acheter des vêtements neufs ou d’avoir une activité de loisir régulière… Autant de difficultés auxquelles les ménages peuvent être confrontés.
En 2018, 340 000 Réunionnais sont ainsi en situation de privation matérielle et sociale, soit 40 % de la population de l’île. Ils sont privés d’au moins cinq éléments parmi treize considérés comme nécessaires à une vie décente.
Tant à La Réunion qu’en métropole, la privation matérielle et sociale et la pauvreté monétaire concernent des proportions voisines de la population. Ainsi, 38 % des habitants de l’île vivent sous le seuil de pauvreté, tandis que c’est le cas de 15 % de ceux de l’Hexagone.
Pour autant, les personnes qui se trouvent dans chacune de ces situations ne sont pas forcément les mêmes. Ainsi, en 2016, en métropole, seulement quatre personnes touchées par des privations matérielles et sociales sur dix étaient pauvres au sens monétaire.
Le coût de la vie est plus élevé à La Réunion qu’en métropole (en particulier, les prix à la consommation sont 7 % plus élevés en 2015), mais il est moins élevé qu’aux Antilles.
En 2018, 200 000 Réunionnais, soit un quart de la population, sont en situation de privation matérielle et sociale “sévère” : ils sont concernés par au moins sept privations élémentaires.
C’est 3,4 fois plus qu’en métropole et un peu plus qu’aux Antilles.
Près de 7 % des Réunionnais sont même dans une situation d’extrême fragilité, subissant au moins dix privations sur treize. À l’opposé, 19 % des Réunionnais ne déclarent souffrir d’aucune privation : c’est 3 fois moins qu’en métropole, mais plus que dans les autres DOM. Les Réunionnais cumulent, comme aux Antilles, 4 privations en moyenne contre 1,5 en métropole.
Les treize éléments qui composent les privations matérielles et sociales sont relatifs à trois thématiques : les privations budgétaires indiquant une vulnérabilité financière de la population, les privations d’ordre matériel concernant la consommation de biens et les privations d’ordre social orientées sur les relations individuelles et les services.
À La Réunion, 75 % des habitants sont en difficulté sur au moins un élément financier (l’absence d’épargne, l’impossibilité de dépenser une petite somme d’argent pour soimême, les retards de paiement de factures), en lien avec leurs faibles revenus.
L’absence d’épargne est la privation la plus répandue : sept personnes sur dix n’ont pas les moyens de faire face à une dépense imprévue d’un montant proche de 1 000 euros, à La Réunion comme aux Antilles. Elle est la plus fréquente également en métropole (trois personnes sur dix). Du fait de cette faible capacité à mettre de l’argent de côté, les Réunionnais détiennent moins souvent un livret d’épargne : 25 % des ménages n’en possèdent pas en 2015 contre 14 % en métropole.
Dans le même temps, 61 % de la population réunionnaise est concernée par au moins une privation matérielle. C’est un peu moins qu’aux Antilles et 2,3 fois plus qu’en métropole.
À La Réunion, 29 % des habitants ne peuvent pas maintenir leur logement à bonne température, contre 5 % en métropole et 22 % aux Antilles. L’écart avec les Antilles peut s’expliquer en partie par le fait que les ménages réunionnais disposent moins souvent d’un climatiseur : 26 % des ménages en disposent contre 39 % aux Antilles.
Un quart des Réunionnais vivent à plus de 400 mètres d’altitude. Cette population, plus modeste qu’ailleurs, peut souffrir du froid une partie de l’année. Maintenir le logement à bonne température toute l’année supposerait d’intégrer le coût d’achat de climatiseurs ou d’autres dispositifs de ventilation, de chauffage ou d’isolation pour ces ménages qui en sont dépourvus. La difficulté à remplacer ses meubles est par ailleurs la privation la plus répandue : elle touche plus de cinq personnes sur dix contre deux sur dix en métropole. Cette difficulté est moins répandue à La Réunion que dans les autres DOM, les meubles y étant moins chers.
L’absence de ressources financières constitue un frein à l’acquisition d’un véhicule pour 9 % des Réunionnais. Cette part est 2,7 fois plus élevée qu’en métropole : en effet, le prix d’achat d’un véhicule neuf est en moyenne 24 % plus cher à La Réunion. Les Réunionnais sont de fait moins souvent équipés en voitures (21 % contre 11 %).
Sans voiture, la recherche d’emploi s’avère plus compliquée. Or la moitié des chômeurs réunionnais qui n’ont pas de voiture n’ont pas les moyens de s’en acheter une.
Par ailleurs, les privations sociales regroupent quatre critères, considérés comme nécessaires à l’équilibre personnel : pouvoir se payer des vacances, avoir les moyens de se retrouver avec des proches autour d’un repas ou d’un verre, pouvoir pratiquer régulièrement un loisir payant et avoir les moyens de s’abonner à Internet.
Malgré un niveau de vie inférieur en moyenne, les Réunionnais arrivent autant à satisfaire ces minima de vie sociale que les Antillais : 65 % sont privés d’au moins un critère social. C’est 2,3 fois plus qu’en métropole. La difficulté à se payer une semaine de vacances contribue le plus aux privations sociales : six Réunionnais sur dix sont dans ce cas, soit trois fois plus qu’en métropole. L’écart de privation entre La Réunion et la métropole est plus faible pour les loisirs : un tiers des Réunionnais sont privés d’activité de loisir payante régulière, soit le double des métropolitains. Même si peu de Réunionnais en sont privés, ils rencontrent également nettement plus de difficultés (3,5 fois plus) à se payer un accès à Internet qu’en métropole, celui-ci étant plus coûteux à La Réunion.
Comme pour la pauvreté monétaire, certaines spécificités socio-démographiques de la population réunionnaise expliquent le niveau élevé de privations matérielles et sociales. Ainsi, seuls 48 % des 15-64 ans ont un emploi en 2018 à La Réunion, soit 14 points de moins qu’en métropole.
Le nombre de non-diplômés reste également important. De plus, 62 000 mères élèvent seules leurs enfants, une situation deux fois plus fréquente qu’en métropole (19 % contre 8 %). Toutes choses égales par ailleurs, les personnes en emploi sont moins concernées par les privations matérielles et sociales que l’ensemble de la population (25 % contre 40 %, soit 1,6 fois moins), grâce aux revenus d’activité qu’elles perçoivent. En particulier, seuls 5 % des cadres et professions intellectuelles supérieures y sont exposés. Des salaires plus élevés et une précarité de l’emploi moins importante les protègent de difficultés financières. A contrario, le chômage et l’absence de diplôme, qui va souvent de pair avec l’absence d’emploi ou l’occupation d’un emploi à faible revenu, augmentent la probabilité de subir des privations : les chômeurs et les personnes sans diplôme qualifiant sont respectivement 1,6 et 1,3 fois plus souvent dans cette situation que la moyenne. Les deux tiers des chômeurs et la moitié des personnes sans diplôme qualifiant sont dans ce cas. Les chômeurs, souvent peu diplômés, ont notamment deux fois plus de difficultés à acquérir une voiture et à accéder à Internet.
D’ailleurs, seulement 48 % des ménages sans emploi possèdent une voiture contre 88 % des ménages d’actifs dont la personne de référence est en emploi, ce qui peut affecter leur démarche de recherche d’emploi.
Les privations matérielles et sociales concernent 58 % des personnes vivant dans une famille monoparentale, le plus souvent des mères isolées qui cumulent les facteurs de risques de pauvreté. Ces mères rencontrent des obstacles à leur insertion professionnelle : elles sont nombreuses à avoir un faible niveau d’études – seule une mère isolée sur deux dispose d’un diplôme qualifiant - et rencontrent souvent des difficultés pour garder leurs enfants. De fait, seules un tiers d’entre elles ont un emploi et des revenus d’activité.
Le manque de ressources les pénalise en particulier pour l’achat d’une voiture. Les personnes vivant en couple, plus souvent en emploi et réalisant des économies d’échelle, peuvent plus facilement s’acheter une voiture. Les couples sans enfant sont les moins privés (23 %) : ils ont nettement moins de retards de paiement et peuvent bénéficier de loisirs réguliers. Les jeunes de 18 à 29 ans font un peu plus souvent face à des privations matérielles et sociales que l’ensemble de la population. Ils ont en particulier davantage de retards de paiement et pas encore les moyens de s’acheter une voiture (1,3 fois plus que la moyenne). Ils cumulent les difficultés : ils ont peu de revenus, sont moins souvent en emploi et n’ont pas encore pu se constituer une épargne, contrairement aux personnes plus âgées. Ils accordent une plus grande priorité à l’intégration sociale, en se privant moins souvent que les autres de retrouver leurs proches autour d’un repas et de s’abonner à Internet.
Dans les ménages jeunes, où la personne de référence a moins de 30 ans, les privations matérielles et sociales sont plus fréquentes : 58 % d’entre eux sont concernés. Parmi eux, figurent en particulier de nombreuses familles de jeunes parents isolés, particulièrement concernées par les privations (80 %). Les personnes fragilisées par un mauvais état de santé sont plus souvent en situation de privation (60 %). Les problèmes de santé chroniques sont difficilement conciliables avec un emploi stable.
La situation des retraités face aux privations est en revanche proche du niveau régional. Ils ont relativement moins de retards de paiement car ils ont pu accumuler du capital au cours de leur vie active et sont plus fréquemment propriétaires non accédants (plus de crédits à rembourser ni loyers à payer).
Les femmes sont à peine plus souvent en situation de privation matérielle et sociale que les hommes. En effet, en partageant généralement des ressources communes, tous les membres d’un ménage sont dans une situation semblable face aux privations. Les femmes éprouvent cependant davantage de difficultés à pouvoir dépenser une petite somme d’argent pour elles-mêmes.
Lorsqu’elles sont à la tête d’un ménage, 45 % des femmes subissent des privations ; lorsqu’il s’agit d’un homme, seuls 35 % sont concernés. En effet, parmi les femmes à la tête d’un ménage, les mères isolées sont particulièrement exposées aux privations.
Parmi les Réunionnais en situation de privation matérielle et sociale, 15 % rencontrent également au moins trois difficultés liées à leur logement parmi quatre (humidité, bruit, logement surpeuplé, logement trop petit). C’est le double de ceux qui ne sont pas concernés par les privations.
Ils sont principalement touchés par des problèmes d’humidité (58 %) et de nuisances sonores (36 %). Ils sont près de deux fois plus nombreux à estimer vivre dans un logement trop petit que les autres (24 % contre 15 %). Comme en métropole, seulement 10 % des Réunionnais confrontés à des privations matérielles et sociales remboursent des emprunts d’un montant supérieur au tiers de leurs revenus. Les ménages modestes, plus souvent en situation de privation, obtiennent moins facilement un crédit, et sont donc rarement très endettés. En revanche, les personnes en situation de privation se mettent souvent à découvert. Ainsi, 23 % d’entre elles se retrouvent à découvert régulièrement (au moins une fois par mois), soit deux fois plus que celles qui ne subissent pas de privations. En métropole, l’écart est de presque quatre fois plus.