D’une année à l’autre, la question revient avec la précision d’un métronome lorsqu’arrive le 31 octobre, journée de la fête d’Halloween. À La Réunion, sommes-nous plutôt Grand-mère Kalle ou Halloween ? Pour deux conteurs bien connus dans l’île, la fête d’Halloween est devenue bien trop populaire dans l’île, parfois au détriment de notre sorcière péi.
Sully Andoche, conteur dionysien qu’on ne présente plus, ne pense pas grand bien de cette fête commerciale qu’est Halloween. "C’est comme McDo. On est envahis par des choses de l’extérieur. Halloween a tendance à remplacer Grand-mère Kalle. On est toujours dans une culture de remplacement", regrette-t-il.
Selon lui, les Réunionnais doivent pouvoir célébrer Grand-mère Kalle, notre sorcière péi, sans pour autant penser à Halloween. "On n’est pas obligé de fêter Grand-mère Kalle seulement à Halloween. Quand on le fait, on fait avant tout référence à Halloween. C’est cette fête qu’on met en avant."
Le conteur pense que les parents réunionnais doivent continuer à raconter les histoires de Grand-mère Kalle à leurs enfants. Il dit ne pas savoir si les parents réunionnais sont plus nombreux ou pas à raconter les histoires de notre sorcière péi. Il nuance tout de même qu’il y a une forte conscience sur l’île afin de préserver notre patrimoine.
De son côté, la conteuse Annie Grondin, véritable institution dans l’île, se dit à moitié étonnée de la popularité d’Halloween à La Réunion. Selon elle, les Réunionnais aiment beaucoup les "zistoir bébète" et d’esprits, mais elle regrette qu’une fête venue de l’extérieur soit devenue aussi populaire au détriment des histoires locales.
"On a du mal à mettre de l’avant la semaine créole depuis 20 ans et Halloween, les gens ont adhéré tout de suite. Les gens aiment beaucoup ce qui vient de dehors. Pour moi, c’est un vrai problème. Sak lé deor lé toujour plu gayar, lé meilleur. Lé dommage", déplore-t-elle.
Selon la conteuse, les histoires effrayantes ne manquent pas à La Réunion. Des histoires qui se racontaient durant le mois de novembre. "J’aurais mieux aimé qu’on fasse un lien sur les histoires d’ici", indique la conteuse.
Selon Annie Grondin, il existe plusieurs versions sur l’origine de Grand-mère Kalle. Selon l’une d’elle, Grand-mère Kalle était une esclave soit d’origine indienne ou d’origine malgache. En tamoul, Kalle fait référence à Kali, déesse du temps, de la mort et de la délivrance, mère destructrice et créatrice dans l’hindouisme. D’autres disent que Kala a des origines africaines.
Dans l’une des adaptations d’Annie Grondin, Kala annonce un malheur qui va arriver. "Elle est souvent associée à une femme qui annonce le malheur", souligne-t-elle.
"Il y a aussi la version de Grand-mère Kalle, la mangeuse d’enfants. Dans l’une de mes histoires, Grand-mère Kalle est une grand-mère dont le petit-fils a été battu à mort par d’autres marmailles. Après cette tragédie, elle a perdu la tête. Son cœur s’est endurci avec la douleur. Pour se venger, elle la souke marmailles. Les gens ont ensuite tous ajouté leur grain de sel et c’est comme ça que la légende est née", poursuit Mme Grondin.
La conteuse croit que la légende de Grand-mère Kalle est bien ancrée dans l’imaginaire collectif réunionnais et que son histoire est là pour rester. "Marmay i koné in ti boute Grand-mère Kalle. Bana i antan kozé, san forcément konèt l’histoire. Mé bana i koné sé un zafèr i fé peur", conclut-elle.