Deux représentants des gilets jaunes sont allés en Préfecture afin de déposer la liste de leurs revendications.
"Monsieur le Préfet de la Réunion,
Dès la mobilisation « gilet jaune » enclenchée le samedi 17 Novembre 2018, des revendications profondes ont été exprimées au niveau des différents points de blocage.
Vous trouverez ci-dessous en synthèse les principales revendications :
"L’augmentation des taxes sur les carburants intervient alors même que des baisses d’impôts sont consenties aux plus riches (suppression de l’ISF et de la flat tax notamment) par ce gouvernement qui par ailleurs ne fournit aucun effort notable pour lutter efficacement contre la fraude fiscale (qui nous coûte à nous, contribuable près de 80 milliards par an).
La hausse des prix sur les carburants va s’appliquer au plus grand nombre et le plus durement aux classes moyennes et populaire qui n’ont pas d’alternative à la voiture individuelle. Sans compter qu’à la Réunion le développement de la voiture électrique n’a aucun sens tant que l’électricité reste majoritairement produite à partir de fuel et de charbon.
Par ailleurs, cette hausse vient s’additionner à des hausses régulières du coût de l’énergie et de l’ensemble des charges fixes des réunionnais (électricité, gaz, eau, loyers…). Les réunionnais et plus généralement le peuple français subit cette situation comme une profonde injustice. C’est la raison pour laquelle nous exigeons :
Le retrait des hausses de carburant appliquée et prévues par ce gouvernement et la Région Réunionnais
Le rétablissement de l’impôt sur la fortune et le fléchage de son produit sur la transition écologique et la lutte contre la précarité énergétique la gratuité des premiers m³ d’eau et des consommations électriques de base la mise en œuvre rapide d’un plan de développement des transports en commun pour offrit une alternative crédible au tout voiture.
La vie est trop chère à la Réunion. Malgré les 6 % de différence de niveau de prix annoncé par l’INSEE, pour beaucoup de produits couramment consommés et de première nécessité (alimentaire mais également équipements, voitures, matériaux...) la différence de prix est exorbitante, de l’ordre de 30 à 60% jusqu’à plus de 150% pour d’autres .… Et ce alors même que les revenus des réunionnais sont globalement plus faibles qu’en métropole et le taux de pauvreté sans commune mesure.
Il faut que les réunionnais puissent vivre décemment, c’est la raison pour laquelle nous exigeons :
- la revalorisation des salaires, et notamment du SMIC, des retraites ainsi que des minimas sociaux pour que tous les réunionnais sans distinction puisse bénéficier d’une prime liée à la vie chère pour les jeunes, une allocation d’autonomie.
La cherté de la vie est notamment liée à des situations de monopole et d’oligopole dans un contexte de marché captif. L’entente entre les entreprises et la concentration dans les mains de quelques entrepreneurs ou familles d’entrepreneurs de tous les grands secteurs de l’économie (grande distribution, concession automobile, matériaux de construction, télécommunication, agriculture, etc.) conduit à des pratiques abusives en terme de marges et de prix. Il faut que l’État intervienne urgemment pour faire cesser cette situation :
- Des sanctions, lourdes, contre les situations d’entente, de monopole et d’oligopole doivent être prises. Pour ce faire les moyens d’enquêtes et de sanctions doivent être déployés localement à la hauteur de l’enjeu.
La libre concurrence et la liberté des prix ayant rapidement ses limites dans un contexte insulaire comme le nôtre, nous demandons également la publicité de la formation des prix des produits de grande consommation et l’encadrement par l’État des marges pratiqués localement.
Par ailleurs, la complexité et l’illisibilité de l’octroi de mer ajoute au sentiment d’injustice lié aux prix des marchandises sur notre territoire. Il est nécessaire de le réformer profondément et de le réorienter plus explicitement vers son objectif originel : protéger les productions locales.
La Réunion est l’un des département français qui connaît le vieillissement le plus rapide de sa population, avec des personnes âgées particulièrement précaires et des moyens d’accueil et de soin très limités sur notre territoire. Il est intolérable de traiter ainsi nos gramounes. C’est pourquoi nous demandons :
- La suppression de la hausse de la CGS pour les retraités modestes
- La revalorisation des petites retraites de façon à ce qu’aucun de nos retraités vive en dessous du seuil de pauvreté
- Le développement des structures d’accueil des personnes âgées, à prix et conditions d’accueil décents, très peu présentes sur notre territoire.
Des jeunes de la Réunion sont diplômés par milliers tous les ans (bac et post bac), et malgré les efforts qui sont entrepris la grande la majorité des postes d’encadrement sont occupés par des personnes issues de la France métropolitaine. S’il est vrai que nous sommes en France, alors les personnes ayant grandi et vécu à la Réunion doivent être considérées comme Français dans les critères de recrutement et ne doivent plus être discriminées.
Il y a le sentiment que les recrutements se font systématiquement par un phénomène de « réseau », « entre-soi », sur-valorisant les compétences externes, pendant que des réunionnais sont obligés de quitter leur île natale pour travailler partout dans le monde (voir site « réunionnaisdumonde », où les personnes diplômées de la réunion sont compétents dans beaucoup de pays et aussi en France métropolitaine pour exercer des postes à responsabilité mais pas à la Réunion).
A compétence égale, recrutement local et salaire égal doit être le signal donné pour résorber une partie du chômage qui touche 60% des jeunes à la Réunion.
Développer les filières, cursus et formations dans le domaine du supérieur, afin de former localement les personnes aux postes à responsabilité.
Le pouvoir politique à la Réunion connaît un désaveu de la population : les taux d’abstention sont record, la corruption est largement répandue, comme le révèle le classement en la matière de la Réunion réalisé par l’ONG Transparency France. La population a le sentiment profond que les élus à la Réunion se désintéressent de l’intérêt général et œuvrent en faveur de leurs propres intérêts personnels, familiaux et de l’intérêt privé de quelques privilégiés. Il faut rétablir la confiance :
Aucun élu condamné dans le cadre de ses fonctions ou pour des faits de corruption ne doit être éligibles. Les fonctionnaires doivent justifier d’un casier judiciaire vide, pas leurs patrons qui sont aussi les représentants du peuple, c’est inacceptable !
Il faut stopper réellement le cumul de mandat, un élu = un mandat et limiter les fonctions annexe comme celle de direction d’établissement public
Les plafonds légaux d’indemnités doivent également intégrés les revenus perçus par ailleurs par les élus, que ce soit pour une fonction de direction, d’actionnaire ou de salarié. L’augmentation récente et exorbitante du président de Région au titre d’une fonction de direction cumulée à des indemnités d’élu a profondément choqué les réunionnais le renforcement de l’arsenal de contrôle de l’attribution des avantages, marchés et emplois public pour éviter et sanctionner les avantages et emplois familiaux, de complaisances et électoralistes la mise en place du référendum d’initiative populaire et plus généralement la redéfinition des règles du jeu politique, car les citoyens ne consentent plus aux règles et institutions de la Ve République.
Enfin il faut, enfin, que l’intérêt général prime dans les décision politique et que les projets engagés et la parole donnée ne soient pas systématiquement rebattue à chaque nouveau changement de majorité. Les réunionnais sont épuisés de ces batailles de chapelle (et bien souvent batay coq !) source d’immenses gâchis d’argent public et de stagnation du développement local. Les exemples comme l’abandon du Tram-train ou le cas de la médiathèque de Saint-Paul sont symptomatiques sur ce point.
Les médias ont également leur part de responsabilité dans le mécontentement actuel. Leur collusion avec le pouvoir politique et économique de l’île est indigne d’une démocratie. Leur discours à l’échelle locale et nationale tend également à nuire à l’image de l’île et à produire une distorsion dans l’opinion publique de la réalité locale.
La Réunion qui ose, la Réunion qui réussit, la Réunion qui gagne et la Réunion qui propose, territoire pleinement intégré à la République française avec son identité, son histoire, sa culture, est invisible et sans cesse supplanter par les discours misérabilistes, « tropicalisés » et la parole accaparée toujours par les mêmes.
Les médias nationaux doivent traiter la Réunion (et plus largement les Outre mer) à égal des autres département français. Les informations nationales ne doivent plus se cantonner au périmètre de la métropole.
Il faut faire cesser la collusion malsaines entre les milieux de pouvoir et les média réunionnais
Le prix du foncier à la Réunion est extrêmement élevé, de 150 à 300€ / m² en moyenne montant jusqu’à 600€/m² dans certaines villes, là encore l’Etat doit intervenir pour réguler l’envolée des prix car en plus d’avoir anormalement enrichi certains propriétaires, cette situation exclut une majorité de réunionnais de tout projet d’investissement et d’accession. Il faut faire cesser cette situation de rente qui tend à réserver la propriété foncière à une élite ou à des investisseurs étrangers. :
- Stabilisation des prix du foncier
- Limitation surface des parcelles
- Surveillance des pratiques immobilières exercées
Alors même que des cadeaux fiscaux sans fondement économique sont consentis aux multinationale à travers le CICE, les Artisans, PME, PMI, indépendants sont eux redevable pleinement de charges qui pèsent sur leur activité (RSI, CGSS, AGEFOS,..,…). Les pratiques en terme de marché public tendent à réduire sans cesse les marges des entreprises locales (critère prépondérant du moins disant) au détriment de la qualité de service et à ne pas privilégier les entreprises locales, alors même que leur impact sur l’emploi local et leur empreinte écologique est nettement favorable à notre territoire. Cette inégalité de traitement n’est plus acceptable, c’est la raison pour laquelle nous demandons :
- le retrait pur et simple du CICE, qui en plus d’être une gabegie financière pour l’État est une aberration économique
Le fléchage des baisses de charge et baisses d’impôt sur les entreprises qui créent de l’emploi et de la valeur ajoutée localement. Toute entreprise mettant en place un plan de licenciement devrait automatiquement se voir supprimer toute aide ou avantage public.
- la généralisation de clauses économiques et environnementale dans les marchés publics permettant de favoriser les entreprises installées localement
Enfin, et c’est un point primordial, l’écologie devrait être centrale dans les politique publique et la vision de l’avenir de la Réunion et du pays. Ça n’est pas le cas. Quelle transition écologique quand il s’agit de relancer les importations d’huile de palme, de prolonger la durée de vie du glyphosate, de lancer des projets destructeur d’orpaillage en Guyane et localement quand on autorise l’ouverture de carrière sur le littoral ou dans des espaces remarquables ou que l’on conduit une digue monumentale en mer ?
Il y a une profonde hypocrisie entre le discours et les décisions prises, que ce soit au niveau local ou national, qui ne dupe plus les réunionnais. La transition énergétique mais aussi agricole (vers une diversification qui permettrait d’assurer tant la qualité que la sécurité alimentaire de la population) doit être centrale dans le projet réunionnais. Le tout béton et le tout voiture n’ont plus de sens et des alternative existe, si tant est que la volonté politique soit au rendez-vous. Nous appelons donc à :
- la mise en place d’une véritable politique nationale et locale en faveur de la transition écologique
- l’application de la taxe carbonne prioritairement aux activités très polluantes. Le kérosène par exemple n’est à ce jour pas taxé
La définition et l’application rapide d’un projet de transition énergétique, agricole et de mobilité à la Réunion qui doit devenir notre horizon commun à tous. Nous avons les moyens et les ressources pour être exemplaire en la matière.
Voici donc l’ensemble des points que nous avons pu relever à travers les témoignages recueillis au niveau des différents barrages tenus par les « gilets jaunes » .
Ces revendications ne datent pas d’hier, elles sont pour la plupart connues, anciennes, presque évidentes et pourtant les disparités, l’injustice perdurent et les solutions ne sont pas appliquées.
La mobilisation des « gilets jaunes », purement citoyenne, n’a d’autre but que de faire entendre la voix du peuple étouffée trop longtemps par les institutions, les élus et les médias en place.
Nous souhaitons une réelle justice fiscale et sociale, une véritable continuité territoriale, et une transition écologique efficace et populaire. C’est le sens de notre engagement sans faille.
Nous vous invitons donc à prendre en considération ces points, et à annoncer des mesures fortes sur l’ensemble des revendications évoquées ci-dessus pour calmer la fronde qui anime l’Île ces derniers jours.
Dans l’attente,
Salutations.
Les « gilets jaunes » de la Réunion."