Lors des nombreuses manifestations anti-racistes au quatre coins du monde, des statues, figures colonialistes sont déboulonnées. À La Réunion, la statue de Mahé La Bourdonnais fait débat. Françoise Vergès historienne, ex-présidente du Comité national pour la mémoire de l’esclavage, s’exprime à ce sujet.
Pour Françoise Vergès, la statue de Labourdonnais n’est pas le reflet d’une histoire réunionnaise, elle prône une mise en avant de la résistance et de la libération. "Il n’y a pas d’égalité mémoriale à La Réunion. La mémoire qui domine est celle de l’histoire coloniale. La justice mémoriale ne peut pas se faire que dans la seule statue de La Bourdonnais. Il peut-être déplacé dans Saint-Denis, on peut le mettre dans un endroit moins central. Et par exemple sur cette place où les hommes et les femmes sont venus danser le 20 décembre, quelque chose qui transmette cette joie de la libération, cette aspiration d’une libération qui a été en plus entravé ensuite. C’est ça aussi l’Histoire, pour tout le monde qui passe là".
"Une statue n’est jamais une histoire, c’est une mémoire. Elle est mise là à un moment donné, c’est un choix politique, elle ne dit pas l’Histoire. Ce n’est pas parce que je passe à côté de la statue de La Bourdonnais que je connais mieux l’Histoire de la traite et de l’esclavage. C’est déjà un enseignement beaucoup plus développé à La Réunion, sur l’Histoire de La Réunion. Enlever la statue ne va ni diminuer la connaissance de l’Histoire, et certainement, elle ne l’augmente pas. Par contre, quelle est la mémoire que nous voulons voir dans nos vies et dans nos rues, où tous les noms des villes, des rues, les monuments, les bâtiments dit le passé colonial ? Comment faire revenir l’Histoire de nos ancêtres et des personnes écrasées dont les noms sont nulle part ?" se demande Françoise Vergès historienne, ex-présidente du Comité national pour la mémoire de l’esclavage.
Garder seulement la plaque explicative de la statue de Mahé Labourdonnais selon Françoise Vergès "continue à faire avancer une histoire plus importante que d’autres. Il n’y a pas de raison que seulement La Bourdonnais dise l’histoire de l’esclavage. C’est aussi l’histoire des luttes contre l’esclavage, dès le premier jour, dès la première minute. On n’a pas cette histoire.(...) il faut une justice mémoriale".
L’ex-présidente du Comité national pour la mémoire de l’esclavage, déplore un manque d’apprentissage de l’histoire de l’esclavage dans son entièreté sur notre île. "C’est aussi là que le lien que vont avoir les jeunes Réunionnais avec le reste du monde. Leur histoire n’est pas que sur cette île, elle est liée à des choses beaucoup plus grandes. On peut le faire quand on apprend la musique, la littérature, la géographie, l’économie, dans la danse, en parlant des plantes. Il y a une manière d’enseigner l’esclavage de façon vraiment multiple et croisée, qui ne soit pas simplement des chaînes, l’oppression mais aussi évidemment la résistance".