Charles Baudelaire, célèbre auteur des ’Fleurs Du Mal’, est aussi l’un des premiers touristes à La Réunion… Puni par son père pour ses mauvaises fréquentations à Paris, il est envoyé aux Indes…Et passera un mois et demi sur l’île Bourbon.
9 juin 1841, un navire français quitte Bordeaux. À son bord, Charles Baudelaire, qui n’est pas ravi d’être là. Son beau-père, agacé par les mauvaises fréquentations parisiennes du jeune homme, décide de l’envoyer sur un bateau en direction des Indes.
Mais le bateau, pris en pleine tempête n’arrivera jamais et fait escale à l’île Maurice, avant d’arriver à La Réunion le 22 septembre 1841.
Après 4 mois de voyage, le futur grand poète français arrive dans notre île. Plus précisément sur le débarcadère du Barachois à Saint-Denis. Selon la petite histoire, alors qu’il descend à terre avec sous le bras les œuvres complètes de Balzac, une vague le submerge, il préfère risquer sa vie plutôt que de lâcher les livres.
Le premier lieu où Charles Baudelaire pose ses valises est un hôtel situé au centre-ville. À l’époque, La Réunion est encore appelée l’île Bourbon, l’esclavage n’est toujours pas aboli et l’île arbore un autre visage. "Bourgeoisie locale et artistes se côtoient. Toute une vie de cabaret, de prostituées, de fonctionnaires et de soldats", relate le dramaturge et romancier Emmanuel Genvrin.
C’est dans ce contexte socio-culturel totalement différent que Baudelaire tombe sous le charme d’une jeune femme : la belle Dorothée.
"C’est ici la case sacrée Où cette fille très parée, Tranquille et toujours préparée, D’une main éventant ses seins, Et son coude dans les coussins, Ecoute pleurer les bassins" (extrait du poème Bien loin d’ici dans ’Les Fleurs du Mal’).
"Il va s’éprendre d’elle et va même jusqu’à payer l’affranchissement de la petite sœur, puisque dans ses poèmes, on apprend que la belle Dorothée est affranchie, mais pas ses sœurs", précise Emmanuel Genvrin.
C’est une autre muse qui poussera Charles Baudelaire au cœur des terres. À Hell-Bourg, minuscule village à l’époque, que le jeune poète s’enfuira. Théodore de Banville, l’un de ses amis raconte : "Il s’en était allé vivre seul sur une montagne avec une toute jeune et grande fille de couleur qui ne savait pas le français et lui cuisait des ragouts étrangement pimentés, dans un grand chaudron de cuivre."
"On sait à La Réunion qu’il a plutôt fréquenté des gens du peuple et des filles de couleur. Ce qui est intéressant, c’est l’aspect légendaire et mythologique. À La Réunion, quand on part se cacher avec ses amours ou non, ça fait penser au maronnage et à la liberté du poète, semblable à la liberté de l’affranchi", indique Emmanuel Genvrin.
À l’époque, Baudelaire est habitué aux odeurs nauséabondes des rues parisiennes, dans l’île, c’est une sorte de renaissance. "Il a un peu tout connu ici, c’est une sorte d’éveil des sens, ce qui est essentiel pour un poète."
Au total, Charles Baudelaire restera 45 jours sur l’île. Dans son recueil le plus célèbre, ’Les Fleurs du Mal’, paru 16 ans plus tard, près d’un tiers des poèmes seront emplis de son voyage à La Réunion. Le seul grand voyage qu’il entreprendra dans sa vie.