Photo courtoisie
Abady Egata-Patché est chef d’entreprise. Descendant d’engagés indiens, ce Saint-Paulois tient à ce que l’engagisme soit reconnu comme crime contre l’humanité. Après une plainte déposée en 2015 contre l’État français, qui n’avait pas abouti, le Saint-Paulois de 78 ans persiste et signe. Entouré de deux autres avocats, il a déposé une nouvelle plainte en novembre dernier.
Abady Egata-Patché est né à Saint-Paul. Cet ancien transporteur de 78 ans est désormais chef d’entreprise. Il porte une douleur en lui, celle de ses ancêtres indiens, venus travailler à La Réunion comme engagés.
"Les bateaux embarquaient des Indiens avec des contrats de travail. Certaines familles ont été séparées. Certains sont allés à La Réunion, d’autres aux Antilles. Une fois rentré dans le bateau, ton nom changeait, ta vie changeait. Ils avaient des contrats de travail. Ils allaient travailler pour aider leur famille, mais ils ne sont jamais retournés. Ça a créé beaucoup de souffrance. Certains attendent toujours", explique-t-il en entrevue avec LINFO.re.
Lorsqu’il est allé en Inde il y a quelques années, à Chennai, là d’où venaient ses ancêtres, Abady Egata-Patché a fait des recherches concernant son nom de famille. "En Inde, ce nom n’existait pas. On a compris que notre nom avait été changé", regrette-t-il.
En plus de ce "traumatisme", comme il le dit lui-même, selon lui, la vie quotidienne des engagés et de leur descendance a été teintée de nombreuses discriminations, notamment les 3 V, vilain, voleur, vantard. Abady lui-même dit avoir été victime de discrimination depuis très jeune concernant ses origines indiennes.
Pour toutes ces raisons, il ne veut qu’une chose : faire reconnaître l’engagisme à La Réunion comme crime contre l’humanité. En 2015, aidé de l’association Crève-Coeur, il porte plainte contre l’État français, qui n’aboutit pas. En 2021, le Saint-Paulois de 78 ans persiste et signe. Entouré de deux autres avocats, il a déposé une nouvelle plainte en novembre dernier.
Pour Abady Egata-Patché, l’engagisme a "privé sciemment de mémoire et d’identité les membres de cette communauté". "Il est important que le public, notamment réunionnais, soit informé de notre initiative qui s’inscrit dans une volonté de reconstruction et d’apaisement des douleurs et souffrances subies par les Réunionnais d’origine indienne", explique pour sa part François Amplis de l’association Crève-Coeur. "Seule la connaissance historique de l’origine de leur souffrance permettra de sortir de cette logique de souffrance et de se sentir reconnu à part entière."
En novembre 2021, une nouvelle plainte est déposée par Abady Egata-Patché. Il est aidé par les avocats Massimo Bianchi et Yann Prévost. "Nous intervenons gratuitement. C’est un combat qui tient à cœur à un homme pour qui j’ai beaucoup de respect et qui porte en lui une douleur, une souffrance spécifique", fait savoir Massimo Bianchi. "Il avait les larmes aux yeux lorsqu’il est venu me parler. Il m’a demandé de l’aide. Il m’a dit qu’il ne savait pas qui il était, d’où il venait."
Alors que la plainte de 2015 visait spécifiquement l’État français, cette nouvelle plainte vise "tout auteur, coauteur, complice qui aurait permis la commission de privation d’identité, d’antériorité", poursuit l’avocat. "Il y a une partie de l’histoire de ces gens qui leur manque."
Le but d’Abady Egata-Patché selon ses avocats n’est pas d’obtenir de l’argent, assurent-ils. "On veut que les politiciens enseignent l’engagisme aux Réunionnais, aux jeunes générations, aux gens de cette communauté indienne qui ignorent d’où ils viennent. C’est un combat pour l’honneur, la vérité, la justice", selon Massimo Bianchi.
L’avocat espère que cette fois-ci, le parquet donnera suite à la plainte du Saint-Paulois.
Sébastien Naïs