Dès son plus jeune âge, Gérard Bègue accompagnait son père, Axel sur le Cassé de la Rivière de l’Est. Aujourd’hui, il ne reste plus que son cheptel de 50 vaches sur cette vaste zone, sous le volcan. L’éleveur pastoral perpétue fièrement l’histoire de La Réunion au prix d’un mode de vie moins moderne et plus contraignant.
Gérard Bègue porte une paire de guêtres. Un vêtement atypique pour les randonneurs de la région du Piton de la Fournaise, mais qui témoigne de son activité d’éleveur traditionnel avec les journées sont physiques. À travers des arbustes à hauteur d’homme, où le regard se perd dans la végétation, des courses à pied dans la boue sont légions.
Pour retrouver ses vaches, l’éleveur met ses sens en alerte, particulièrement son ouïe. Un bruit de cloche l’arrête net. Une ou des vaches ne sont pas très loin. Les mains autour de l’oreille, il demande le silence autour de lui et se laisse guider par les “ding-dong” perceptibles par intermittence. Sans prévenir, le dernier mohican, saisit l’instant. Il accélère et se met à courir à toute vitesse, sans réfléchir. Sam, son chien est en alerte aussi. Son flair a repéré quelque chose. Il tire sur la laisse et aboie, avant d’être libéré et se lance à son tour dans un sprint.
Gérard Bègue, en criant et courant dirige les vaches, exactement là où il le souhaite, un enclos situé au Camp Marcellin, une ancienne bergerie. "Les cocottes", comme ils les nomment, ne se laissent pas berner facilement et sont têtues, préférant brouter l’herbe à leur guise sur cette vaste zone de 1000 hectares dont 300 de pâturables. "Il y a quatre vaches qui ont un collier GPS, mais ce n’est pas toujours très fiable. On amène un peu de modernisme dans la tradition. Mais, rien à faire, les cloches et les chiens restent le meilleur moyen pour retrouver les bovins", précise l’éleveur.
Avant même de descendre sur le cassé de la Rivière de l’Est, à l’aurore, Gérard Bègue arrive au parking du gîte du volcan. Dans son pick-up, son équipe est présente, ainsi que deux chiens et toutes les denrées nécessaires dont l’eau potable pour passer une petite semaine en autonomie, 500 mètres de dénivelé plus bas. Chapeau sur la tête, il troque sa paire de lunettes de soleil pour des jumelles. Un premier repérage. L’éleveur connaît ses bovins. Il sait, avant même de descendre les 3 km où ils se trouvent. "L’autre jour avec le beau temps, les cocottes se sont baladées. On est allé jusqu’au en dessous du Nez Coupé de Sainte-Rose et en suivant les cloches, on est arrivé sur le sentier de la Cage aux Lions. Les bœufs n’étaient jamais partis si loin", sourit Gérard Bègue.
Les bovins demandent un entretien. Toutes les semaines, l’éleveur traditionnel descend et reste le temps nécessaire "pour soigner les vaches, réparer leur cloche, vérifier leur état de santé et boucler les veaux". Chaque année, entre 30 et 40 veaux âgés de 8 mois sont vendus à la Sicalait pour 800 € pièce.
Il perpétue une tradition vieille d’un siècle. À l’époque, le troupeau était collectif et partagé entre différents éleveurs. Jusqu’à 1000 moutons et 400 bœufs se trouvaient dans la région du Piton de La Fournaise. Le lieu a été déserté par les éleveurs, abandonnant ce mode de vie rude, après avoir obtenu un terrain pour un élevage plus moderne et plus intensif.
Qu’il pleuve ou vente, Gérard Bègue est toujours fidèle au rendez-vous pour son cheptel de 50 bovins. Les conditions sont rudes. La bergerie a vécu. Des rats s’infiltrent dans la paroi et viennent côtoyer son sommeil. Une rénovation s’impose. Seulement les autorités n’ont pas accordé la permission pour des travaux du bâtiment situé dans le parc national. Seulement, un plus haut, un énorme chantier est en cours et de nouveaux bâtiments devrait sortir de terre dans les années à venir. Le gîte du volcan est en pleine rénovation. Le chantier pour un coût de près de 10 millions d’euros se définit comme écologique et va permettre d’augmenter le nombre de couchages de 35. Un comble.
"Mon père n’a pas gagné un terrain. Je continue l’élevage. En l’espace de 20 ans, j’ai traversé différentes étapes, mais j’ai toujours trouvé une solution. Je consacre beaucoup de mon temps et de mon énergie dans cette activité. C’est important. Mi défends le dernier élevage traditionnel du volcan", avance l’éleveur qui, malgré les difficultés de son activité, garde un sourire tranche papaye, une fois près de ses bêtes. .