D’après une fuite inédite de documents relatifs aux droits de la femme, la Cour suprême des États-Unis s’apprêterait à annuler l’arrêt historique de 1973 reconnaissant le droit à l’avortement, selon le journal américain Politico. La France pourrait-elle suivre les traces des États-Unis ?
En France, la loi Veil du 17 janvier 1975, loi fondatrice du droit à l’avortement, autorisait l’interruption volontaire de grossesse (IVG) jusqu’à 10 semaines de grossesse. Le 2 mars 2022, une autre loi a été votée pour renforcer le droit à l’avortement, allongeant le délai du recours à l’IVG de 12 à 14 semaines de grossesse. En France, le droit à l’avortement est donc un droit acquis qui n’est pas remis en cause.
Toutefois, un texte de loi pouvant renverser la vapeur pourrait être présenté devant l’Assemblée nationale, dans le cas où un parti qui est opposé à l’avortement voudrait l’interdire sur le territoire. "Une loi, on peut la défaire. Il suffit d’avoir une majorité de votes à l’Assemblée nationale puis au Sénat", explique le bâtonnier Laurent Payen, interrogé par LINFO.re.
Dans l’absolu, une loi peut permettre le droit à l’avortement ou le réduire, poursuit le bâtonnier. "C’est une question de société. Revenir sur l’avortement en France donnerait lieu à des débats houleux, autant au niveau sociétal que législatif. Je ne pense pas que la population française soit prête à entendre un discours qui remet en cause le droit à l’avortement", croit le bâtonnier.
Pour Camille Labasse, de l’Union des femmes réunionnaises (UFR), ce qui se passe aux États-Unis est "vraiment très préoccupant". "C’est un recul de 50 ans. C’est un pays que nous avons beaucoup suivi et sur lequel nous avons beaucoup pris exemple au niveau des libertés. Si les États-Unis suivent une vague réactionnaire, ça pourrait arriver de la même manière en France", indique Mme Labasse.
D’ailleurs, selon cette dernière, la vague réactionnaire est déjà en France. "On l’a vu avec le score du Rassemblement national lors de l’élection présidentielle. L’extrême droite, c’est non seulement la haine envers les personnes racisées, mais aussi envers les femmes et les personnes de la communauté LGBTQIA+. C’est vraiment préoccupant", insiste-t-elle.
Grâce à la loi du 2 août 2021, les techniques de procréation médicalement assistée (PMA) sont désormais autorisées pour les femmes majeures célibataires ou en couple lesbien. Une loi qui avait suscité de nombreuses réactions de la part de personnes qui étaient contre, relate Camille Labasse. "En France, la loi de la PMA a suscité des attaques envers des personnes LGBT par une frange de l’extrême droite. Plusieurs plannings familiaux ont même été vandalisés", souligne-t-elle
En 2017, Marine Le Pen avait proposé, si elle accédait à la présidence de la République, d’abroger le mariage pour tous et d’empêcher l’ouverture de la PMA aux couples lesbiens. Propositions qui avaient été gommées lors de la dernière campagne électorale.
"La porte-parole de Mme Le Pen avait néanmoins fait savoir qu’elle était contre la PMA et pas favorable à l’IVG. Le socle électoral du Rassemblement national est anti-IVG. L’extrême droite au pouvoir aurait pu remettre en cause de nombreux acquis pour les femmes, les personnes racisées et les personnes LGBT", croit Camille Labasse. "Le droit à l’avortement n’est plus considéré comme un droit par une frange de la population et même par quelques politiciens. Rien n’est réellement acquis", conclut-elle.
Sébastien Naïs