La xénophobie se définit comme une hostilité de principe envers les étrangers, de ce qui vient de l’étranger. “Aujourd’hui, quand on parle de xénophobie, elle se manifeste plutôt par la haine, par le rejet de l’étranger, de l’autre, de celui qui n’est pas comme moi”, indique Nathalie Maroun, consultante en gestion de crise. La pandémie de Coronavirus semble amplifier le phénomène.
La xénophobie se distingue du racisme, dans le sens où ce terme désignerait plutôt "une idéologie, dans laquelle on part du principe que tous les hommes ne sont pas égaux, qui va surtout se baser sur les spécificités physiques".
Selon Nathalie Maroun, la crise liée au coronavirus exacerbe les deux, qui peuvent mener au même résultat : "Celui de la haine et du rejet, parfois même de l’action violente".
"Aujourd’hui, le virus ne se déplace pas tout seul. Il est plus facile de se dire que c’est l’autre, qui ne me ressemble pas, qui vient d’au-delà de ma frontière qui en est la cause, plutôt que de se dire, ça peut être mes proches".
Cela pourrait en partie expliquer le relâchement des gestes barrières dans les cercles familiaux ou privés. "On part du principe que ce qui est familier ne fait pas peur", ajoute-elle.
La flambée de xénophobie se manifeste alors :
"On va tenir cet étranger, cet inconnu comme responsable du mal qui arrive et on va l’accuser de bénéficier de moyens qui nous seraient destinés”. Pourtant, "Il n’y a rien qui puisse justifier la peur de l’autre", affirme Nathalie Maroun.
Si La Réunion et son vivre ensemble sont reconnus par-delà les frontières de l’île, avec la crise sanitaire, elle n’est pas épargnée : les propos ouvertement xénophobes se multiplient.
"Face à toute crise qui touche aux fondamentaux, tels que l’accès à la santé ou la nourriture, dès lors que ces derniers sont mis à mal, fragilisés, on observe des flambées de xénophobie, où l’autre est celui qui ne nous ressemble pas et par qui le mal arrive".
Les Evasan Mayotte/Réunion, la solidarité entre les deux départements ultramarins ne fait pas l’unanimité au sein de la population. "Nous sommes considérés comme les parias de La Réunion", regrette le député de Mayotte Mansour Kamardine.
Les voyages, soumis aux motifs impérieux font aussi l’objet de comportements xénophobes sur les réseaux sociaux, où le phénomène se normalise et se relaie.
"Variant anglais", "sud-africain", "brésilien", patients en provenance d’un pays ou d’un autre, les bilans épidémiques par région, la gestion de la crise de La France par rapport aux autres pays européens… Toutes ces données rendues publiques de façon hebdomadaire laissent parfois place aux interprétations dangereuses et aux comparaisons :
"Cela peut avoir tendance à exacerber l’incarnation de la maladie, du mal, par une nationalité, un étranger. Cette distinction fait le nid des craintes et des haines. (...) L’information qui détaille la nationalité ou l’origine d’un patient est de trop, c’est un peu la double peine".
La crise Covid-19 a vu exploser ces comportements décomplexés. Ils ne sont pas propres à la pandémie actuelle, mais sont constatés sur d’autres types de crises, qu’elles soient économiques, sanitaires ou sécuritaires.
C’est ce qu’a pu constater la consultante en gestion de crise lors de l’épidémie d’Ebola, avec la stigmatisation des restaurants asiatiques en métropole au début de l’épidémie de Covid ou encore lors de conflits liés aux énergies en Afrique du Sud, qui ont fait plusieurs morts.
Derrière la haine, la peur injustifiée peut être travailler :
"Les personnes qui refusent que les évacuations sanitaires se fassent ont peur de ne pas pouvoir être soignées en cas de besoin. Ce n’est pas l’information brute qui importe, c’est de la communiquer sur les capacités actuelles. On a tendance à faire peur dans l’objectif d’améliorer les comportements, il faut que cela soit accompagné de beaucoup de pédagogie. (...) Ceux qui doivent être hospitalisés le seront", assure Nathalie Maroun.
Habituellement, les périodes de crise mettent en lumière des valeurs de solidarité qui semblent être balayées par le flux d’informations :
"Habituellement, ce que la crise nous montre, c’est plutôt les valeurs de solidarité. Dans une crise, on s’en sort tous ensemble, surtout une crise sanitaire... On s’en sort tous ensemble ou on n’en sort pas".
Les restrictions de rassemblement en vigueur, et avec elles l’annulation d’événements culturelles et sportifs, n’aident pas à la transmission de messages de tolérance et à l’ouverture des échanges :
"Les manifestations culturelles et sportives permettent le brassage. Aujourd’hui, on ne sort plus de son cercle et par conséquent, on n’est plus confronté à d’autres idées. C’est ce qui fait que l’on se conforte dans sa propre pensée".
Cette forme d’entre-soi ne laisse que peu de place à la nuance : "On n’a plus ces évènements qui permettent de brasser, se confronter à d’autres modes de pensée, ce qui fait une forme de pensée unique qui est très grave, parce qu’elle n’est pas nuancée".
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