En 2012, 21% des mineurs auditionnés étaient âgés de moins de 6 ans. Alors, comment recueillir un témoignage complet, exact et fiable auprès des enfants victimes ? Cela constitue un défi de taille auquel sont confrontés quotidiennement les policiers et les gendarmes français...
Pour y parvenir, les policiers bénéficient d’une formation bien spécifique. Retour sur la difficulté d’interviewer des mineures et les procédures à suivre.
Explique Fanny Verkampt dans "Comment entendre un enfant témoin lors d’une audition judiciaire ?". À cela, il faut ajouter que ces violences sont généralement commises par un adulte proche de leur cercle familial dans 42,4% des cas. Or, "contrairement à ce que beaucoup de gens pensent sur les agressions sexuelles, les enfants n’oublieront pas" explique le praticien hospitalier Albert Montbrun.
La situation est donc délicate pour un enfant. Le principe même de l’audition classique est mal connu : c’est un interrogatoire. Pour les victimes celui-ci est adapté mais Mme. Verkampt explique : "Dans de telles affaires, il leur est bien souvent demandé de décrire chaque épisode de maltraitance ou quelques-uns des épisodes, tels que la dernière fois où les faits se sont produits". Ils doivent ensuite retracer le contexte : "où ? quand ? comment ?", mais aussi fournir une description du ou des agresseurs présumés.
Lorsque les preuves manquent, l’accusation ne tient qu’au témoignage de l’enfant ce qui le place au centre de l’enquête alors même qu’il n’a pas toujours la capacité pour en parler. En effet, des études internationales – fondées sur des observations de jeunes entre 7 et 12 ans – montrent que les informations qu’ils donnent sont souvent peu étoffées et partielles. Ils auraient du mal, aussi, à savoir quelle information est pertinente.
Le policier doit ainsi trouver le juste milieu entre : "poser des questions spécifiques" et "tomber dans les questions suggestives". Le risque, lorsqu’une question trop suggestive soit posée, c’est d’orienter la réponse, mais aussi d’avoir un enfant qui acquiesce par habitude.
Ce jeudi 8 avril, il y avait à Saint-Denis une réunion de coordination entre les forces de l’ordre et le personnel hospitalier pour améliorer la prise en charge et l’audition des victimes mineures. Ils se sont penchés notamment sur la façon de recueillir les témoignages, et les moyens de rassurer l’enfant.
Pour rappel, la façon dont sont recueillis les témoignages des mineurs, soit la méthode d’entretien, est, à ce jour, considérée comme l’une des causes majeures d’erreurs judiciaires.
"Il faut qu’on aille de plus en plus vers le fait que les enfants n’aient plus à répéter les violences qui leur ont été faites" suggère Albert Montbrun. Le praticien préconise de les faire parler une seule fois et ensuite de faire passer l’information à tous les intervenants. L’objectif est d’éviter aux victimes de revivre ce traumatisme.
Pour pallier les limites langagières par exemple, des techniques non verbales ont aussi été mises en place. Plus libres, le dessin, le croquis ou les poupées anatomiques sont préférés à l’interrogatoire classique. Le lieu où ils sont auditionnés est lui aussi important pour qu’ils s’y sentent bien. En novembre 2018, la caserne de gendarmerie de La Redoute à Saint-Denis a aménagé une nouvelle salle appelée "Mélanie". Dedans, peluches, et jouets sont à disposition. Les murs, peints dans des couleurs pastels, sont là pour rassurer la victime…
Le gendarme Ségolène Daussy, affectée à la brigade La Possession conclue : "on a une sensibilité qui est complétement différente vis-à-vis des mineures que vis-à-vis des adultes, même si elles sont toutes autant importantes les unes que les autres"
"Il faut s’adapter : il y a déjà des différences entre un petit enfant et une pré-ado". Le travail donc pour améliorer leur prise en charge est en constante évolution.