Ce dimanche 21 mai, c’est la Marche de la Visibilité à Saint-Denis. La chanteuse et comédienne Louïz a donné une interview à Antenne Réunion quelques minutes avant de démarrer la Marche.
Je suis Louïz, artiste, actrice, chanteuse et comédienne. J’ai longtemps vécu sous une identité de genre masculine avant de décider en 2018 de franchir le cap et de faire ma transition. Je l’ai fait assez tardivement parce que je n’avais pas spécialement de rôle modèle à la Réunion ni de représentation et du coup ça a été très compliqué de trouver des réponses, de s’identifier, de trouver des personnes au parcours identique. Et le fait d’avoir eu une forme de notoriété avant ma transition, lors de mon "coming-out trans", j’ai dû le faire pour mes proches ainsi que pour mon public. Psychologiquement, ça a été assez particulier ; je me demandais si les gens avec qui je bossais allaient continuer à me faire travailler ou non.
C’est un temps fort pour la communauté LGBTQIA+ de se retrouver et de célébrer ensemble notre diversité et nos singularités. Aujourd’hui depuis le Covid, il n’y a plus de boites de nuit LGBT à la Réunion et il y a de moins en moins d’espaces où les gens peuvent se retrouver. Parfois on a besoin de se retrouver avec des gens qui ont le même parcours que nous parce que c’est plus simple d’échanger. La marche des visibilités permet de montrer que nous ne sommes pas seuls et isolés. Aussi, elle permet de déconstruire ce que les gens peuvent avoir comme clichés de cette communauté LGBTQIA+. On pense qu’à la Réunion, ce sont que les zoreils qui sont concernés par ces problématiques alors que les réunionnais également. Moi même je suis réunionnaise, un produit local et j’ai beaucoup d’amis de la communauté LGBT qui sont réunionnais.
Je pense clairement que les mentalités ont évolué depuis des années. La Réunion est une terre de tolérance de manière générale et je pense que le travail des associations comme OriZon et Remuer ainsi que le travail d’artistes qui se montrent et qui n’ont pas peur de s’affirmer, ont permis de contribuer à ce changement, mais il reste encore beaucoup de travail à faire. Beaucoup de gens manquent de compréhension à l’égard de la communauté LGBT notamment par rapport à la religion ou parce que la famille manque de sensibilisation et de prévention. En tant qu’artiste, je reçois énormément de bienveillance, je reçois beaucoup de messages et de mots d’encouragement dans la rue quand on me voit. C’est une fierté réunionnaise et j’ai le sentiment que les choses évoluent.
Ma dernière chanson "TOZ" provient de l’argot arabe et signifie donner un refus. J’ai voulu à travers ce titre mettre en lumière ce que nous les femmes transsexuelles on rencontre. J’ai voulu dénoncer la transphobie ordinaire. En effet, souvent on a des hommes hétérosexuels qui nous montrent leur intérêt, mais qui vont nous demander de garder cet intérêt secret pour vivre des relations dans la plus grande discrétion sans que leur entourage le sache. Pour ma part, c’est une forme de transphobie, c’est un comportement qui peut porter atteinte à l’intégrité morale d’une personne sur le long terme et la faire sombrer dans la dépression.
A un moment donné, je me suis dit qu’il était temps de vivre, qu’il fallait que je m’écoute et que je ne pouvais pas passer ma vie à vivre cachée et à ne pas être épanouie. Depuis que j’ai démarré cette transition, je vois bien que mon rapport aux autres a changé. Lorsque les gens qui me voient aujourd’hui, c’est le mot "solaire" qu’ils utilisent pour me décrire. Et clairement ça n’a jamais été le mot qu’on utilisait avant pour parler de moi. Concrètement, il y a un alignement qui a été fait et le fait d’être en phase avec soi, ça aide. Mon secret : être à l’écoute de mon moi intérieur et de celle que j’ai voulu devenir.
Propos recueillis par Fanny Dard