Immersion dans une séance de désenvoutement organisée à Sainte-Clotilde. De passage sur l’île, le Cheikh Ben Halima Abdelrraouf, à la tête de 50 centres dans 14 pays du monde, a mené cette séance particulière.
A 70 ans, Mohamed dit avoir épuisé toutes les possibilités sans trouver de remède à ses maux. Alors qu’il explique au Cheik ses difficultés, il est subitement pris de convulsions. Son dernier recours : une séance de Roqya, une guérison coranique des maladies mystiques selon les musulmans, qui s’apparente en réalité à une forme d’exorcisme.
Répondant aux questions du Cheikh, Fatima affirme "obéir aux ordres d’un sorcier", "qui lui donne des sacrifices". Ces paroles sont portées d’une voix rauque, à peine audible, presque effrayante, tout le contraire de sa voix habituelle. Cette jeune femme de 26 ans, qui a fait l’objet d’un désenvoutement il y a quatre mois, sert de "capteuse" dans cette séance. "Je ressens une présence invisible, ils sont dans leur monde, ils parlent et ça se traduit dans ma tête par des pensées", explique t-elle. Dans cet univers, que les plus sceptiques remettront en cause, le rôle de Fatima est de communiquer avec le guérisseur au nom de ce que les participants qualifient de "mauvais esprit", parfois très tenaces.
"On va inciter les prières de l’enfer essentiellement jusqu’à ce que le Jinn se consume. Quand ils brûlent, ils fondent jusqu’à ce qu’ils disparaissent. Mais on ne fait ça qu’en cas extrême, sinon on préfère les convertir", précise le Cheikh. Si ces propos peuvent sembler inconcevables pour les plus cartésiens, ceux que nous avons rencontré ce matin expliquent que les esprits font partie de leurs croyances. Mohamed lui est convaincu qu’il va guérir : "Quand ils parlaient à l’esprit, j’ai senti ma gorge se serrer. Et à la fin, la pression s’est relâchée, mes genoux font encore un peu mal mais ça va s’arrêter", raconte le gramoune.
Juste après cette première étape, l’homme se voit proposer un traitement à base de ventouses. Ici, on désigne cette pratique de "médecine traditionnelle". Un traitement qui n’est pas toujours gratuit. Sorcellerie, cauchemars ou encore problèmes familiaux, Youssouf, adepte en formation à la guérison coranique, dit constater une augmentation de ces phénomènes.
Comme le jeune homme, ils sont une quinzaine d’hommes et de femmes à la Réunion à suivre Cheik Ben Halima dans ses pratiques autour de la Roqya. Ingénieur statistique, écrivain et traducteur, après la Réunion, cet homme de 44 ans, entamera une tournée africaine d’une année entière.