Depuis le 1er juin, le service Urologie du CHU Nord est fermé pour ses 2200 patients. Les patients sont pris en charge par le privé, à savoir le groupe Clinifutur, après la signature d’un partenariat avec le CHU. Ce 24 juin, une ancienne urologue de Bellepierre a contesté devant le tribunal administratif la fermeture de ce service.
En sortant de la salle d’audience du tribunal administratif ce 24 juin, le docteur Clarisse Mazzola est applaudie par ses anciens patients et des représentants des usagers du CHU. L’émotion est palpable.
Durant presque trois heures, l’urologue a raconté son histoire et sa vision sur la fermeture du service d’urologie de l’hôpital de Bellepierre depuis le 1er juin 2021. Difficile pour elle de parler à la presse. Son avocat, Me Jérôme Maillot a un geste d’affection vers sa cliente et s’en charge. "Sur la fermeture de ce service, à mon sens l’argument principal est biaisé. On résonne en cherchant en premier lieu comment évincer des patriciens et ensuite on ferme le service pour les évincer. Normalement, le questionnement qui aurait dû être appliqué est de fournir un service public de bonne qualité", avance le conseil. Dans le cadre d’un référé suspension au tribunal administratif, Clarisse Mazzola, appuyée par le représentant des usagers du CHU demande l’annulation de cette fermeture et conteste sa nouvelle affectation dans le service pneumologie.
L’audience, initialement prévue à 9 heures, a débuté avec une heure de retard, à la suite de la transmission d’un mémoire fourni hier soir par le représentant des usagers du CHU. Le juge a pris le temps de questionner les différentes parties et de s’imprégner du fonctionnement du service. Suite à un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) en de 2020, il est préconisé que le service soit fermé. La décision sera prise le 18 mai 2021 de le fermer
Deux versions se sont opposées à l’audience. D’un côté, le CHU impute cette fermeture aux conflits internes entre les quatre patriciens du service. De l’autre côté de la barre, la fermeture a été opérée pour évincer certains médecins et en replacer d’autres. "Le problème majeur de gouvernance n’est pas imputable aux patriciens mais aux organes de la direction du CHU, soutient Me Jérôme Maillot. La fermeture poursuit un but, celui de se débarrasser de deux patriciens et d’en garder deux […] Dans le dossier, il y a des pièces qui prouvent qu’un patricien est déjà sauvé avant même la fermeture. On fait sortir des gens. On trouve le moyen et puis on vous raconte une belle histoire". Et de conclure. "C’est un sabordage du service public qui a été donné au privé sans aucune mise en concurrence et profite à un patricien, qui d’ailleurs, est le seul à pouvoir opérer sur un robot du CHU à un million d’euros."
Le service, il y a encore quelques semaines, soignait 2200 patients. Antoine Fontaine, représentant des usagers du CHU affirme qu’aujourd’hui la "continuité des soins n’est plus assurée." "Le patients devraitent être au cœur de la démocratie sanitaire, mais aujourd’hui leurs droits sont bafoués", souligne Antoine Fontaine.
Pour le CHU par la voix de son avocate, les patients ne sont pas oubliés et toujours soignés. "Le docteur Mazzola ne se remet pas en cause et n’impute pas cette fermeture aux conflits entre les patriciens. L’établissement a suivi une procédure de transfert, suite à la convention signée le 12 mai avec le groupe Clinifutur. 69 des 74 patients de docteur Mazzola ont déjà été pris en charge et 42 ont été vus par un chirurgien urologue. La continuité des soins est assurée", plaide Me Flora Paraveman.
Pour le conseil, la fermeture découle de la mésentente des médecins. "Elle se dit victime des agissements de la direction. Mais les problèmes du service résident en l’incapacité des médécins de travailller ensemble, ce qui a conduit à la fermeture du service."
En entendant les arguments de l’avocate, le docteur Mazzola trépigne d’impatience et souhaite réagir. "Je ne sais pas comment ils arrivent à compter 74 patients. Mais j’en avais beaucoup plus." Pour elle, les problèmes interpersonnels entre les médecins du service sont voulus et découlent en l’absence d’instauration d’éléments clés pour le fonctionnement normal d’un service. Absence de transmission, de contre visites, réunions d’échange sur les astreintes … sont tant de points soulevés par la requérante. "C’est comme en aviation, si un pilote refuse de communiquer avec la tour de contrôle. Il pourra se poser, peut-être sans problème plusieurs fois. Mais un jour, il y aura un accident. C’est inévitable."
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Le docteur Mazolla a déposé une plainte contre X pour harcèlement moral. Durant des années, l’urologue a subi des menaces de la part de sa direction, a dû affronter deux plaintes devant le conseil de l’ordre des médecins, a été suspendue, a vu son nom être lancé dans la presse. Combattive, elle a toujours réussi à laver son honneur. Les plaintes n’ont pas abouti. Le journal a été condamné pour diffamation. Aujourd’hui, elle se lance dans une nouvelle bataille et souhaite exercer en tant qu’urologue et non comme pneumologue, sa nouvelle attribution.
Vu la complexité du dossier, les nombreuses et les innombrables pages que contient le dossier, le juge attend jusqu’à ce lundi 28 juin pour recevoir les dernières pièces. Il devrait rendre sa décision dans le courant de la semaine prochaine.