Si la fermeture du service d’urologie du CHU de Bellepierre, semble actée, le volet judiciaire est à ses prémices. L’ancien chef du service, le Pr. Marc Gigante a déposé plainte avec constitution de partie civile pour harcèlement moral et manquement à l’obligation de protection contre le CHU et son directeur.
Pas plus tard que mardi, un rassemblement à l’initiative de l’Observatoire des Usagers de la Santé s’est déroulé devant les locaux de la direction du CHU. Les personnes présentes s’opposent la fermeture du service d’urologie du CHU de Bellepierre. “Quand je regarde tout ça, je me dis qu’ils ne respectent personne sur ce caillou”, témoignait à notre micro, un participant au rassemblement.
La fermeture du service est décidée pour le 1er juin. L’avenir médical de plus de 2200 patients est loin d’être aussi au clair, même si un partenariat avec le groupe Clinifutur a été conclu.
Selon nos informations, ce partenariat ne concernerait que la patientèle d’un médecin. Pour les autres, à quelques jours de la fermeture du service, la continuité des soins semble loin d’être assurée. Certains patients, suivis depuis de longues années par leur urologue seraient même prêts à prendre un rendez-vous dans un autre service, là où leur médecin sera muté.
L’origine de cette décision de fermeture est le triste épilogue de conflits internes commencés en 2016 et qui feront qu’empirer au fil des années. À tel point que la santé des patients se trouve menacée.
À partir de 2017, plusieurs événements indésirables graves sont constatés. Des échanges entre l’ARS, la direction du CHU et le ministère de la Santé ne permettent pas de trouver une solution, malgré l’intervention d’un médiateur national et d’un changement de chef de service. L’inspection générale des affaires sociales (IGAS) est mise dans la boucle. Il en ressortira un rapport de plusieurs centaines de pages que la rédaction d’Antenne Réunion a pu consulter. “La mission recommande la fermeture rapide du service d’urologie du site Nord”, indique le rapport pour “mettre fin définitivement aux risques d’incident grave pour les patients et les professionnels concernés”
Les conflits internes dans le service médical risquent de trouver une caisse de résonance en justice. En janvier 2020 le professeur des Universités et patricien hospitalier titulaire (PU-PH,) Marc Gigante avait déposé une plainte pour harcèlement moral et manquement à l’obligation de protection contre X, le directeur général du CHU, le président de commission médicale d’établissement. Une plainte qui n’avait pas abouti. Aujourd’hui, il contre-attaque en déposant une plainte avec constitution de partie civile. Un juge d’instruction sera automatiquement saisi.
Pour son avocate, Me Chtistelle Mazza du barreau de Paris, son client est victime de harcèlement moral pour avoir joué le rôle de "lanceur d’alerte" en dénonçant la situation. “Mon client a été violemment impacté par toute cette histoire. Il est sur un ring et reçoit des coups, sans être capable de se défendre. Il y a un moment où vous êtes sonnés. On ne comprend plus ce qu’il se passe. C’est de la science-fiction. Le parcours d’un PU-PH, c’est un parcours d’excellence avec beaucoup de sacrifices, précise le conseil. Quand vous constatez un tel gâchis dans ce service et que vous n’avez plus de réponses à donner à vos patients, c’est terrible. Il y a un effondrement psychique”.
En 2018, un autre médecin avait déposé une plainte pour harcèlement moral contre X. L’instruction est toujours en cours.
Le rapport de l’IGAS fait état de “conflits” de l’intéressé avec “la gouvernance médicale du CHU”. Concernant l’activité chirurgicale et de consultation urologique, l’IGAS constate “de forts déséquilibres entre praticiens urologues”. Son activité est la plus faible de l’équipe en 2016 et 2017. Si elle repart “à la hausse en 2018”, elle “chute fortement en 2019”. En plus d’une interdiction d’opérer, le CHU lui propose un poste sans relation avec sa formation, à savoir dans le service hémovigilance.
Contacté par nos soins, le directeur du CHU, Lionel Calenge affirme “faire confiance à la justice”. “Je m’en remets au rapport de l’IGAS qui est un diagnostic très profond de la situation conflictuelle”. Le directeur du CHU s’appuie sur un extrait de la page 4 où il est mentionné “les défaillances managériales” de l’ancien chef de service et “son comportement inadapté” qui “sont au cœur de la spirale de conflictualité du service (même si les quatre urologues ont leur part de responsabilité)”.
“Au final, c’est une guerre de pouvoir interne entretenue par le CHU. On peut se demander à qui profite le crime ? Que va devenir le robot pour opérer à près d’un million d’euros ? Il n’y a qu’un patricien formé pour l’utiliser”, avance un connaisseur du dossier. Et de conclure : “On va payer le privé pour qu’il fasse le travail du public”