Aujourd’hui c’est la journée mondiale contre le cancer du sein. En 2020, à La Réunion, 1630 patientes étaient soignées pour un cancer du sein actif et 2880 étaient suivies pour surveillance d’un cancer du sein traité soit un total de 4510 prises en charge pour un suivi du cancer du sein, selon les chiffres de l’ARS.
Naimah Mahmaud, 38 ans, maman de deux enfants a été atteinte de la maladie en 2017. 6 ans après et une période de rémission terminée, elle témoigne de son parcours.
Quand et comment avez-vous appris que vous aviez un cancer du sein ?
N : En septembre 2017, quand j’avais 32 ans, j’ai été diagnostiquée d’un cancer du sein. J’ai commencé à avoir des douleurs à la poitrine ; c’est ce qui m’a alerté. La douleur c’était comme un coup de poignard ; comme si quelqu’un me triturait de l’intérieur. J’avais l’impression de devoir retenir mon souffle pour ne pas ressentir la douleur. Ca commençait à devenir urgent. On dit souvent que le cancer est silencieux. Mais chez moi, mon corps a voulu me prévenir d’une manière. Tout en sachant quand janvier, j’avais fait une mammographie ; il n’y avait rien. Quand on est maman solo, on a des enfants qu’on élève seule et c’est assez compliqué de prendre du temps pour soi. Chaque jour je me disais "demain j’irai chez le médecin". Et puis les douleurs se sont accentuées ; j’avais mal. Après une consultation, place à une nouvelle mammographie et on a suspecté des métastases cancéreuses. Suite à cela, j’ai fait une biopsie. Tout est allé vite... J’ai eu le retour des analyses en décembre et cela a confirmé le diagnostique de la mammographie. Puis tout s’est enchaîné. IRM, scanner, mastectomie, chimiothérapie. radiothérapie,... C’était la période cyclonique et cela a été compliqué ; on a dû annuler, reporter des rendez-vous.
Quel a été votre parcours de soin ?
N : Quand j’ai fini par tout faire, je me suis faite opérer en mars 2018. Comme je suis maman, j’ai essayé d’avoir le traitement le plus efficace et le plus court. J’ai demandé à faire l’opération en premier. J’ai demandé à ce que l’on me retire les deux seins pour être plus sûre. On m’avait diagnostiqué le cancer dans le sein côté gauche ; j’ai quand même eu une surveillance de mon sein droit. Il est toujours là lui, pour le coup. Pour nous, en tant que patiente, c’est toujours un stresse d’être sous-surveillance, d’être contrôlé tous les ans ... On a toujours un peu peur d’une récidive. J’ai donc eu une mastectomie et un retrait des ganglions de mon bras pour les analyser et voir s’ils étaient atteints. Et ces derniers ne l’étaient pas. Quand j’ai commencé les traitements je ne m’y attendais pas. Le médecin m’avait dit que j’étais jeune ; j’avais toutes les chances de mon côté. On m’a dit que j’avais beaucoup de chance d’aller mieux. Je n’étais pas préparée à avoir beaucoup de séquelles.
Comment s’est passé toute la période entre le moment du diagnostique et l’opération ? et comment vos enfants l’ont vécu ?
Au quotidien c’était du stress. Il fallait surveiller les enfants, aller aux rendez-vous médicaux ; je n’ai pas eu le temps vraiment d’y penser. Je ne sais pas si c’est une sorte de bulle de protection que je me suis mise pour ne pas perdre le moral. Quand y pense c’est chaud. Je n’ai pas eu le temps ; pas eu de répit.
J’essayais de me protéger et de protéger mes enfants comme je pouvais, toujours en privilégiant le dialogue. Moi je leur en ai parlé directement. Il n’y a pas eu de tabou à ce sujet. La grande question pour les enfants c’était : "maman, est ce que tu vas mourir ?" Mes enfants avaient déjà perdu leur mamie suite à un cancer des poumons. Pour elles,"cancer" c’était forcément la mort. J’ai essayé de profiter du temps que j’avais aussi. Essayer de vivre au présent surtout.
A quel stade étiez-vous pour votre cancer du sein ?
Le médecin m’avait expliqué que j’étais au stade 0, vraiment un "bébé cancer" . Je l’ai détecté à temps. Je remercie ces douleurs finalement. Les douleurs c’étaient l’abcès ; et la tumeur se cachait derrière. J’avais vraiment très peu de métastases.
Quelles ont été les conséquences du traitement ?
Depuis le mois d’avril, je suis en rémission complète. J’ai perdu une bonne partie de mes capacités physiques ; je suis reconnue comme porteuse de handicap. J’ai une perte de mobilité entre 50 et 79 %. Ca se ressent ; je suis beaucoup plus fatiguée. J’ai beaucoup de douleur pratiquement h24. Ca m’empêche aussi de dormir. J’ai perdu aussi en autonomie ; j’ai du mal à conduire. J’ai un bras qui s’endort, qui gonfle... C’est assez compliqué à vivre avec au quotidien. On se dit "on a vaincu le cancer et on aimerait bien reprendre notre vie d’avant", mais ça, c’est vraiment pas possible pour moi.
Je ne peux plus sortir comme avant. Aujourd’hui je m’appuie beaucoup sur mes enfants. Là, on arrive dans la période de grosse chaleur, ce n’est plus possible pour moi. Je fais des malaises, j’ai des vertiges. C’est devenu une horreur.
Un bout de mes poumons a été touché par les traitements. J’ai eu la radiothérapie 1 mois après la chimio. Je me suis rendue compte que j’avais récupéré un peu de souffle puis après radiothérapie, je ne pouvais plus monter les marches comme d’habitude.
Comment résumeriez-vous le cancer que vous avez vécu ?
C’est le parcours de la combattante. Il faut vraiment garder la foi, faut vraiment s’accrocher . Ne pas perdre espoir. On peut dire que j’ai vaincu le cancer, avec des effets secondaires. Ça on en parle pas beaucoup ; après il fallait passer par les traitements pour soigner le cancer.
C’est ce qui m’a poussé à monter mon association, Amazones Réunion, et à aider d’autres femmes dans ce chemin là.
La vie a repris son cours. On vit quotidiennement avec les séquelles.
Le mot de la fin ?
On peut nous joindre au 0692 57 02 51 pour l’association. Il est important de faire autopalpation une fois par mois et de se faire dépister si nécessaire. Consultez son médecin en cas de doutes.
- E.F.