On prend les mêmes et on recommence. Six ans après sa défaite, Huguette Bello défiera à nouveau Didier Robert dimanche soir pour le second tour des régionales. Créditée de 20,7%, elle devrait prendre la tête d’une liste d’union de la gauche pour tenter de battre le président sortant, arrivé en tête au premier tour (31,1%). En position de se maintenir, Ericka Bareigts (18,48%) se dit prête à faire l’union. Grosse surprise de cette élection, Vanessa Miranville arrive 4e et rate de peu la barre des 10% qui lui aurait permis de provoquer une triangulaire.
Ce sera donc un duel. Le même qu’en 2015. Le second tour des élections régionales, qui se tiendra dimanche soir, opposera très probablement Huguette Bello et Didier Robert. Leur précédent affrontement, avait été remporté par le second, même si les dynamiques de vote sont, cette fois, assez différentes. Voici tout ce qu’il faut retenir sur le premier tour des élections départementales, qui a eu lieu hier.
Plombé par sa récente condamnation pour abus de biens sociaux, Didier Robert n’entamait pas cette campagne dans les meilleurs conditions. Une fois encore, il a su déjouer les pronostics. Hier, le président sortant, a recueilli 71 800 voix, soit 31,1% des suffrages, et creusé un écart de 10 points avec sa principale opposante. Un résultat inespéré il y a encore quelques mois, lorsque son camp, très pessimiste se cherchait un plan B. L’élu aborde ce deuxième tour, fort du soutien de 12 maires et de 4 parlementaires, à la tête d’une union des droites et des centres, qui semble en mesure de faire le grand chelem Région-Département, comme en 2015.
A une petite nuance près : sa réserve de voix. S’il semble loin devant, Didier Robert est beaucoup moins haut qu’il y a 6 ans. Il avait alors réalisé un score de 40,3 % au premier tour et recueilli 107 000 voix. L’intervalle avec Bello était alors de 16,5 points, ce qui n’avait pas empêché un duel serré au deuxième tour, remporté avec 52,7 % des suffrages.
Cette fois l’écart entre les deux candidats est plus mince. Et Didier Robert ne peut guère miser sur des ralliements de ses adversaires, à l’exception peut être de Corinne de Flore, l’OVNI de cette élection, qui termine dernière avec 528 voix (0,23%).
Créditée de 20,7%, Huguette Bello, récolte les fruits de son travail à la Région, où elle a conduit l’opposition au cours des six dernières années. Elle arrive devant Ericka Bareigts (18,48%), dont la candidature a été assez mal accueilli par les électeurs, un an seulement après sa victoire aux municipales.Dans le chef-lieu, le message est d’ailleurs assez limpide. Les électeurs dionysiens ont placé Didier Robert en tête, tout en plébiscitant les binômes de la majorité municipale aux élections départementales. Difficile de manifester plus clairement leur hostilité au départ de leur maire.
Le match entre les deux femmes avait, à bien des égards, des allures de primaires. Toutes deux avaient en effet déclaré qu’elles se désisteraient au profit de la liste de gauche la mieux placée. A l’arrivée, 2 points et 5 000 voix les séparent. Cet écart aurait pu conduire la maire de Saint-Denis, à se maintenir pour tenter d’occuper un espace au centre. Elle en avait la possibilité, dépassant les 10%, synonyme de qualification au second tour.
Mais hier soir, Ericka Bareigts, a clairement indiqué sa préférence pour une liste d’union, qu’il va désormais falloir négocier entre les différentes composantes de la gauche. « Nous n’avons aucune raison de ne pas nous mettre d’accord », a déclaré la maire de Saint-Denis, sur le plateau d’Antenne réunion. Olivier Hoarau semble sur la même ligne : « J’ai confiance dans notre capacité à nous entendre. C’est une autre élection qui commence », a commenté le maire du Port, pourtant en froid avec la présidente de PLR. Arrivé en 5e position avec 7,78% des voix, Patrick Lebreton pourrait être une autre composante de cette union (les liste entre 5 et 10% peuvent fusionner avec une autre liste mais pas se maintenir). Cette possibilité ne sera offerte ni à Olivier Hoarau (arrivé 6e) ni à Jean-Pierre Marchau (8e), qui obtiennent respectivement 4,24% et 2% des suffrages et ne pourront donc bénéficier du remboursement de leurs frais de campagne.
Sur le papier, l’union de ces cinq composantes totalise 53,2 % des voix du premier tour. Beaucoup plus que Didier Robert, donc. Mais l’expérience montre que les alliances sur le papier ne se retrouvent pas toujours dans les urnes.
Jusqu’au bout, elle aura entretenu le suspense. Avec 9,91% des voix, Vanessa Miranville a été à deux doigts de créer la sensation en se qualifiant pour le second tour. La maire de La Possession, qui fêtera ses 38 ans en juillet, avait dit pendant la campagne qu’elle refuserait tout accord et qu’elle se maintiendrait si elle en avait la possibilité. Ce qui ouvrait donc la voie à une triangulaire si elle dépassait la barre des 10%. Elle ne la rate que de 214 voix. « Quel que soit le résultat, un nouvel espoir est né. Nous avons ouvert une brèche. Je suis là pour construire », a déclaré, hier, Vanessa Miranville, qui a posé quelques jalons pour 2028.
Parmi les outsiders, on peut également s’attarder sur le score de Philippe Cadet, qui termine 7e avec 2,64% pour sa première participation aux régionales, sans appareil militant et à la faveur d’une campagne très active sur les réseaux sociaux. Il remporte le match des identitaires en terminant devant le RN, Joseph Rivière (1,74%). Il surclasse également Jean-Pierre Marchau, candidat d’Europe Ecologie Les Verts (2%), Jean-Yves Payet de Lutte ouvrière (1,14%) et Corinne de Flore (0,23%).
L’autre enseignement de ce scrutin, c’est l’impact des appareils municipaux, sans doute renforcé par le contexte de forte abstention. La quasi totalité des communes (20 sur 24) ont placé en tête le candidat soutenu par leur maire.
Une mécanique qui a joué à plein pour Didier Robert, qui s’impose dans les 12 communes qui l’appuyaient (Sainte-Rose, Sainte-Marie, La Plaine des Palmistes, Trois Bassins, Salazie, Saint-Philippe, Le Tampon, Saint-Pierre, Bras-Panon, L’Etang Salé, Les Avirons et Saint Leu).
Patrick Lebreton vire en tête à Saint-Joseph, Vanessa Miranville à La Possession. Olivier Hoarau au Port. Huguette Bello fait le plein à Saint-Paul et Cilaos. Ericka Bareigts arrive première à Saint-Benoît, Petite-Île et Sainte –Suzanne.
Seules exceptions à cette implacable logique partisane : Saint-Denis où Ericka Bareigts se classe derrière Didier Robert... dans sa propre commune. Et Saint-André, qui place Didier Robert en tête contre la consigne de Joé Bédier.
Dans les municipalités qui n’avaient pas donné de consignes de vote, L’Entre-Deux a voté majoritairement pour Didier Robert et Saint-Louis pour Bello.
Rappelons enfin, que l’abstention a atteint hier un niveau record. Seuls 36,44% de votants se sont déplacés vers les urnes. C’est 8 points de moins qu’au premier tour de 2015, qui n’était déjà pas fameux. Parmi les facteurs d’explication, le contexte sanitaire n’a sans doute pas aidé, avec un calendrier électoral longtemps incertain, une campagne très courte, des restrictions dans les réunions publiques et un premier tour organisé un dimanche de fête des pères. Mais cette démobilisation s’inscrit également dans une tendance plus large de défiance des électeurs vis-à-vis des politiques, qui ne cesse de s’amplifier depuis deux décennies.
- Guillaume KEMPF