Huguette Bello permet à la gauche de reprendre le contrôle de la Région avec une majorité plurielle, qui devra s’entendre pour gouverner, alors que la présidentielle approche à grands pas. Un coup dur pour Didier Robert, dont l’avenir politique reste suspendu à des décisions de justice. Désormais sans rival, Michel Fontaine est l’autre grand vainqueur de ce scrutin, qui marque le grand retour des logiques de blocs.
Une nouvelle ère s’ouvre à la Région. 11 ans après la défaite de Paul Vergès, la gauche retrouve les commandes de la Pyramide inversée. Huguette Bello a remporté hier le scrutin des régionales avec 51,85% des suffrages exprimés et 10 894 voix d’avance sur Didier Robert qui échoue à remporter un troisième mandat successif. Ce score lui permet de remporter 29 sièges (sur 45) dans la nouvelle assemblée, contre 16 pour l’opposition.
La présidente de PLR, qui doit abandonner son mandat de maire de Saint-Paul, devrait être officiellement intronisée vendredi matin, lors d’une assemblée plénière de la Région. Son premier adjoint et fidèle lieutenant, Emmanuel Séraphin, devrait lui succéder à la mairie.
La victoire a un goût de revanche pour Huguette Bello, six ans après avoir été battue par Didier Robert, alors que sa liste d’union était majoritaire sur le papier. Cette fois, la présidente de PLR a pris soin de ne pas reproduire les mêmes erreurs. Pour preuve, cette fusion actée en un temps record avec Ericka Bareigts et Patrick Lebreton. En 2015, les discussions avec Thierry Robert avaient traîné en longueur, démontrant aux yeux de tous le caractère artificiel de l’alliance.
S’il a mieux fonctionné, six ans plus tard, le report des voix n’a cependant pas été optimal. En témoigne, le faible écart qui sépare les deux candidats. Huguette Bello recueille 152 639 voix (51,85%), soit 11 000 de plus que son adversaire. Les « forces de progrès » totalisaient pourtant 53 % des voix au premier tour, voire 63 % si on y inclut le score de Vanessa Miranville.
Ce faible écart est à mettre au crédit de Didier Robert, qui a su redonner de l’espoir à son camp, là où tout le monde le pensait grillé, usé par les affaires et les Gilets jaunes. A la faveur d’une campagne pugnace et combative, il a démontré toute l’étendue de son habileté politique, en parvenant à mettre ses adversaires sur la défensive sur des thématiques où il n’était pourtant guère à son avantage (la NRL, l’éthique...) et à déstabiliser Huguette Bello dans les débats de l’entre deux tours. Avec 48,15% des suffrages et 141 745 voix, il n’est finalement pas passé loin de décrocher un troisième mandat historique. Notons qu’il a quasiment doublé, au passage, ses votes du premier tour (71 800 voix).
Il lui a néanmoins manqué une petite réserve de voix pour combler ses 11 000 voix de retard, sachant qu’aucun adversaire ne l’a rallié entre les deux tours et que son score du 20 juin (31,1%) était très inférieur aux 40,3% obtenus en 2015. Didier Robert a également pâti du regain de participation (46,48 %, soit une hausse de 10 points par rapport au premier tour), sachant que l’abstention tend à favoriser les sortants.
Enfin, il y a toutes ces voix qui ont fait défaut dans les communes « amies », en particulier à Saint-Pierre, qui a propulsé Huguette Bello avec une avance confortable (54,14%). De quoi accréditer les doutes, qui ont plané tout au long de la campagne sur la sincérité de l’union de la droite.
Dans le détail, Huguette Bello arrive en tête dans 16 communes. Parmi elles, on trouve 7 communes qui appuyaient sa candidature (Saint-Paul, Cilaos, Petite-Île, Le Port, Saint-Benoît, Sainte-Suzanne et Saint-Joseph), mais aussi 6 communes pro-Robert (Saint-Pierre, Les Avirons, Saint-Leu, Bras-Panon, Trois Bassins, L’Etang-Salé) ainsi que 3 communes, dont les maires n’avaient donné aucune consigne de vote (La Possession, L’Entre-Deux et Saint-Louis). La nouvelle cartographie électorale fait ainsi ressortir une dominante rouge sur une grosse moitié sud-ouest.
Didier Robert, lui, n’arrive plus en tête que dans 8 communes contre 15 au premier tour. Sur les 12 municipalités qui le soutenaient, seule la moitié le placent encore en tête, à Sainte-Rose, Salazie, Sainte-Marie, La-Plaine-des-Palmistes, au Tampon et à Saint-Philippe. Le président sortant parvient néanmoins à créer la surprise à Saint-André, où il compte une avance d’à peine 57 voix (50,18%) ainsi qu’à Saint-Denis (54,81%), où son score lui offre quelques perspectives, après son récent échec aux municipales.
Les règles prévoient que les listes finalistes se partagent 34 sièges à la proportionnelle, plus une prime de 11 sièges pour celle arrivée en tête. Ce qui fait un total de 29 sièges pour la liste Bello contre 16 pour l’opposition.
Le succès de la mandature reposera sur la capacité à faire travailler ensemble cette majorité plurielle, née de la fusion de trois listes. Car, avec 16 sièges pour ses colistiers, Huguette Bello, qui n’est pas en mesure de gouverner seule, devra composer avec les deux élus de Patrick Lebreton et les 11 élus d’Ericka Bareigts. Si les nouveaux alliés n’ont cessé d’afficher leur entente tout au long de la semaine, les prochains mois seront déterminants pour tester la solidité de l’union. D’autant que les présidentielles approchent et que tous ne soutiendront pas les mêmes candidats.
Renouvellement oblige, on ne retrouve que 10 conseillers sortants sur les 45 qui composent la nouvelle assemblée. A gauche, Huguette Bello, Patricia Profil, Karine Nabenesa et Axel Vienne passent de l’opposition à la majorité. Où l’on retrouvera également Maya Cesari, qui a siégé à la Région aux côtés de Paul Vergès (2004-2015).
A droite, on recense 6 sortants : Didier Robert, Jacquet Hoarau, Jean-Louis Lagourgue, Yolaine Costes, Bernard Picardo et Denise Hoarau. Signalons également le retour de Nadia Ramassamy, élue en 2010 et en 2015, puis démissionnaire en 2017. Ou encore celui de Michel Vergoz, qui a siégé treize ans à la Pyramide inversée (1998-2011).
Sont élus sur la liste d’union de la gauche : 1. Bello Huguette, 2. Maillot Frédéric, 3. Bareigts Éricka, 4. Boulevart Patrice, 5. Poiny-Toplan Stéphanie, 6. Lebreton Patrick, 7. Gironcel-Damour Nadine, 8. Ratenon Jean-Hugues, 9. Sitouze Céline, 10. Omarjee Normane, 11. Chane-Kane-Bone Tavel Anne, 12. Técher Jacques, 13. Nativel Lorraine, 14. Hoarau Fabrice, 15. Ramaye Amandine, 16. Annette Christian, 17. Profil Patricia, 18. Bertile Wilfrid, 19. Nabenesa Karine, 20. Chabriat Jean-Pierre, 21. Cesari Maya, 22. Sihou Mikaël, 23. Gobalou Erambranpoullé Virginie, 24. Vienne Axel, 25. Corbière Évelyne, 26. Maratchia Jean-Bernard, 27. Lebreton Laetitia, 28. Plante Pascal, 29. Chane-Hong Régine.
Sont élus dans l’opposition : 1. Didier Robert 2. Sandrine Aho-Nienne 3. Jacquet Hoarau 4. Sabrina Ramin 5. Jean-Louis Lagourgue 6. Nadia Ramassamy 7. Michel Vergoz 8. Yolaine Costes 9. Bernard Picardo 10. Marie Lise Chane-To, 11. Jean-Jacques Morel, 12. Denise Hoarau, 13. Rahfick Badat, 14. Liliane Abmon-Elizeon, 15. Richard Nirlo, 16. Patricia Locame Vaissette.
Ce coup de tonnerre électoral pose la question de l’avenir politique de Didier Robert, désormais privé de la Région, après avoir échoué aux municipales à Saint-Denis. Pourra-t-il se contenter de cette carrière d’opposant, après avoir été un des leaders incontournables de la droite ? Hier, en évoquant les combats politiques à venir, le président sortant a spontanément évoqué le chef-lieu, où il est arrivé en tête.
Mais les prochaines municipales ne sont qu’en 2026. Avant cela, il faudra passer par la case tribunal, pour tenter de faire annuler sa condamnation à trois ans d’inéligibilité dans l’affaire des musées régionaux.
Cette nouvelle donne aura, en tout cas, le mérite d’éclaircir le paysage à droite. Après 11 ans de relations tendues avec Didier Robert, Michel Fontaine se retrouve désormais sans rival. Le maire de Saint-Pierre est l’autre grand gagnant de cette élection.
- Guillaume KEMPF
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