À la veille du renouvellement de l’arrêté concernant l’interdiction de la baignade et les activités nautiques hors du lagon et des espaces surveillés, la colère monte. Sur les réseaux sociaux, des pétitions voient le jour. Les arrêtés provisoires qui se sont succédés depuis 2013 agacent notamment à St-Paul, où la maire Huguette Bello et avant elle, Joseph Sinimalé parlait de "réhabiliter et sécuriser les plages". Alors, où en est-on ? La baignade et les activités nautiques seront-elles interdites une année de plus ?
Le premier arrêté d’interdiction date du 26 juillet 2013 mis en place à la suite d’une série d’attaques mortelles de requin. La première fois, Sarah, une baigneuse de 15 ans qui se trouvait à proximité du rivage s’est faite mortellement attaquer.
À l’époque, Gina Hoarau, l’ancienne directrice de la sécurité de la ville commente : "Les conditions de cette attaque sont surprenantes. On ne pensait pas qu’un requin pouvait venir si près de la côte". Depuis, ce sont 10 arrêtés provisoires successifs qui ont été pris malgré les annonces de solutions pour rendre la mer aux Réunionnais et cohabiter avec les requins.
Selon le Centre de sécurité requin, 19 attaques sur des humains se sont produites depuis février 2013 dont 8 mortelles. Si on regarde avec plus d’attention, les années 2013 et 2015 représentent 11 attaques alors que de 2017-2019, on en compte plus que 7.
La dernière attaque date du 9 mai 2019 à St-Leu. Un surfeur expérimenté de 28 ans a eu la jambe arrachée par un squale au niveau du spot de surf. Il n’avait pas survécu. Après celle-ci, aucune autre n’a été recensée en 2020 et 2021.
Entre les pressions écologistes d’une part, économiques et humaines d’autre part, la crise requin est devenue un enjeu de la politique publique réunionnaise. Nombreux sont les politiciens à s’être penchés dessus.
En octobre 2019, Emmanuel Macron en visite sur l’île souhaitait la réouverture des eaux à la baignade et se disait favorable à la pêche des requins. Il expliquait : " Je souhaite que d’ici 2022, on ait totalement amélioré les choses pour pouvoir rouvrir à la baignade et au surf ".
À St-Paul d’autre part, la maire Huguette Bello élue en juin 2020 souhaitait, comme son prédécesseur Joseph Sinimalé : " réhabiliter et sécuriser les plages ". Pour ce faire, elle avait évoqué, sur le plateau d’Antenne Réunion lors du débat du 2nd tour, l’utilisation de filets pour la plage de Boucan et celle de Roches Noires.
Willy Cail, directeur du Centre Sécurité Requin (CSR), explique qu’il s’agit d’une "période transitoire" où des études sont menées pour prévenir les risques. En effet, 3 moyens essentiels ont été mis en place : la pêche autrement appelée "prélèvement", le Centre de prévention pour évaluer et avertir sur les risques, mais aussi les dispositifs de protection individuels. L’objectif à terme est donc bien de pouvoir autoriser de nouveau la baignade hors lagon et zone d’expérimentation.
Le sous-préfet de St-Paul a déclaré que toutes ces "barrières" sont efficaces et que le risque, en termes de fréquentation des requins sur la côte, a été divisé par 5. Grâce aux études scientifiques d’autre part, la prévention des risques s’est améliorée elle aussi.
Ainsi, il serait possible d’envisager la réouverture de la baignade en combinant protections individuelles et indicateurs météo, propose Willy Cail. À partir de ces données, les usagers pourront faire leur propre choix en connaissance de cause. Mais le choix d’abord, revient aux communes d’autoriser ou non la baignade, et si oui, dans quelles conditions…
Jusqu’ici et malgré la réduction drastique des attaques de requins depuis 2018, le préfet avait décidé le 6 février 2020 de reconduire l’arrêté interdisant la baignade et les activités nautiques. Celui-ci touche à sa fin, ayant couvert la période allant du 16 février 2020 au 15 février 2021.
Sur les réseaux sociaux, la colère monte et certain cherche à empêcher un nouveau renouvellement. C’est le cas du groupe "Shark Island" qui a lancé une pétition. Pour l’auteur, il y a un choix à faire : soit interdir complètement la baignade, soit retourner à la politique du "risques et périls" où chacun décide pour lui-même.
Selon lui, ces arrêtés sont problématiques pour deux raisons. D’abord, ils font passer ceux qui se risquent dans l’eau pour des délinquants dans l’illégalité entrainant des problèmes avec les assurances. Mais plus important encore, il dénonce l’inutilité d’une telle gestion de crise qui ne servirait " [qu’à] couvrir la responsabilité des autorités ".
Alors, en partant du principe que des actions concrètes ont été menées et qu’elles sont efficaces, comment peut-on justifier le renouvellement à prévoir du même arrêté provisoire cette année encore ?