Moyens efficaces, baignade interdite, mais le sous-préfet Olivier Tainturier préfère parler d’arrêté "autorisation" plutôt qu’interdiction. Les arrêtés provisoires qui se sont succédés depuis 2013 agacent notamment à St-Paul, où la maire Huguette Bello et avant elle, Joseph Sinimalé parlait de "réhabiliter et sécuriser les plages". Aujourd’hui, le sous-préfet nous a expliqué ce qui se cache derrière l’arrêté provisoire sans cesse renouvelé.
Au téléphone, Olivier Tainturier nous a dit dès le départ que l’arrêté serait reconduit une fois de plus, le mardi 16 février 2021. Cette annonce relance les questionnements sur la gestion de la crise et la légitimité de renouveler pour la 11ème fois le même arrêté "provisoire" déjà examiné en justice en 2019.
Depuis mai 2019, aucune nouvelle attaque n’a été recensée. Cette "réussite", Olivier Tainturier, le sous-préfet de St-Paul, l’attribue aux "barrières" mises-en-place. C’est d’abord grâce aux prélèvements, mais aussi aux vigies-requin, et aux zones d’expérimentations. À St-Paul, les filets se sont révélés efficaces et offrent 8 500 m2 d’espace baignable.
"Aujourd’hui, on est plus du tout sur un risque mortel" a-t-il expliqué au téléphone. Pourtant, il faut rester prudent car la situation évolue. En 2017 par exemple, il y a eu un court arrêt de la pêche préventive. Le Centre Sécurité requins avait alors immédiatement vu les conséquences, passant d’une seule attaque recensée en 2016, à 3 dont 2 attaques mortelles l’année suivante. Selon le sous-préfet, c’est en cela que le caractère "provisoire" de l’arrêté est utile : il permettrait de ré-évaluer la situation chaque année.
Même si "cela fait 10 ans" et qu’il peut sembler absurde aujourd’hui de ne pas pouvoir retourner se baigner alors même que les dispositifs de sécurité fonctionnent, le sous-préfet répond qu’il ne faut pas confondre "vitesse" et "précipitation". Dans les faits, toutes les "barrières" n’auraient été opérationnelles que 5 ans plus tôt. Le Centre de Sécurité requin par exemple, a été instauré en 2016 uniquement. Ces initiatives donc, restent encore assez jeunes.
Abroger l’arrêté est un vrai dilemme. D’un côté, la responsabilité des maires notamment pénale serait engagée en cas de problème. Ensuite, si une attaque survenait, cela réduirait les efforts menés jusqu’ici projetant une ombre sur la Réunion, "l’île aux requins". D’un autre côté, la pression monte du côté de la population, des associations et des clubs de surf ou d’autres activités nautiques. Les retombées économiques, notamment liées au tourisme, sont plus rares.
En définitive, Olivier Tainturier souhaite d’abord continuer pendant deux ans les expérimentations. Si elles étaient bien menées : "il se pourrait qu’on puisse refondre complètement l’arrêté" annonce-t-il. D’ici là, il est peu probable de voir un maire s’élever contre cet arrêté même si le risque est de plus en plus acceptable.
Virginie Sallé, adjointe du bassin de vie à St-Gilles et déléguée à la sécurisation des plages oscille entre les deux. Pour ce qui est des dispositifs de sécurité, la difficulté tient dans la définition du " risque acceptable". Selon elle, les moyens déjà mis en place et ceux à venir doivent être multiples et complémentaires. L’adjointe à la sécurité explique : "Pour amener presque à zéro, même si le risque ne sera jamais de zéro, donc pour amener un maximum de sécurité il va falloir avoir plusieurs couches de sécurité".
Pour l’attente, Virginie Sallé attend aussi. Elle attend d’abord que les mots d’Emmanuel Macron, en visite sur l’île en 2019, se traduisent par des actes. En formant un véritable partenariat, des fonds auraient pu être débloqués. Cela aurait permis d’accélérer le processus de sécurisation, un processus qui a mis 5 ans a démarré selon Olivier Tainturier…
Depuis 10 ans maintenant, la Réunion a subi une crise brutale et spécifique à l’île. L’attente a été très longue pour tous ceux qui ont envie d’aller à l’eau d’autant que "le risque ne sera jamais de zéro". Pourtant, les pertes humaines et la responsabilité des autorités sont en jeu. La préfecture donc, essaye de déterminer le risque acceptable avant de refonder l’arrêté provisoire. Virginie Sallé a donné le mot de la fin : "C’est dans les mains de la préfecture et la mairie n’a pas son mot à dire sur cet arrêté". Affaire à suivre…