Alors que les centres d’enfouissement de Sainte-Suzanne et de Pierrefonds sont proches de la saturation, les élus n’arrivent pas à se mettre d’accord sur la suite. Porté par Ileva, le projet d’incinérateur de Pierrefonds, a donné lieu à des affrontements homériques entre Michel Fontaine et Didier Robert... désormais alliés aux Régionales.
L’échéance a beau être connue de longue date, elle n’a guère fait bouger les lignes. Nos centres d’enfouissement sont complètement saturés. A bout de souffle, celui de Bel-Air (Sainte-Suzanne) en est à quémander des dérogations préfectorales pour pouvoir continuer à entasser les déchets, faisant courir des risques sur la stabilité des installations. Celui de Pierrefonds, à peine mieux loti, sera confronté au même problème en 2022.
On produit chaque année 4,4 millions de tonnes de déchets, dont 540 000 tonnes d’ordures ménagères. Ce sont ces dernières qui posent problème. Les autres (2 millions de tonnes de déchets inertes du BTP, 1,9 million de tonnes liés aux activités économiques) faisant l’objet de traitements spécifiques. A l’heure actuelle, 70% des ordures ménagères (environ 350 000 tonnes) sont enfouies, ce qui est largement au-dessus de la moyenne nationale (24%).
Au pied du mur, les deux syndicats de traitement des déchets cherchent à pallier l’urgence. Le Sydne (qui regroupe Cinor et Cirest) a mis en place un centre de tri automatisé, confié à Inovest. Cette filiale de Suez a investi 80 millions d’euros pour le construire ; un marché polémique car attribué sans appel d’offres. Après plusieurs années de discussions, le syndicat, désormais présidé par Michel Vergoz, a par ailleurs retenu le site de Franche-Terre, pour installer son nouveau site d’enfouissement... contre l’avis des élus sainte-suzannois qui ne veulent pas en entendre parler.
De son côté, le syndicat Ileva (qui regroupe Casud, Civis et TCO) mise sur la construction d’un incinérateur à Pierrefonds, ou plutôt une unité de valorisation énergétique (UVE) selon la terminologie officielle. Il s’agit d’un vaste projet à 255 millions d’euros, qui prévoit, à terme, plusieurs sites de tri, un nouveau site d’enfouissement (d’une capacité de 45 000 t/an), une unité de méthanisation et un incinérateur, donc, capable de brûler 130 000 tonnes de déchets par an.
Défendu par Michel Fontaine, président d’Ileva, ce projet fait l’objet d’une opposition féroce depuis décembre 2017, date de l’éclatement de l’Union de la droite. Didier Robert a alors retiré son soutien à Ileva, promouvant une stratégie alternative « zéro déchets 2030 », basée sur l’économie circulaire. Un objectif qui sera jugé « hors de portée », plus tard, dans un rapport du Conseil général de l’environnement.
En attendant, le bras de fer laisse des traces. Didier Robert finance une campagne d’affichage contre l’incinérateur : un immense nuage de fumée noire, accompagnée du mot « inacceptable ! » en lettres rouge. L’obstruction régionale fragilise également les finances d’Ileva qui comptait sur les fonds européens, distribués par la Pyramide inversée. Elle a par ailleurs besoin d’inscrire son projet dans le Plan régional de prévention de gestion des déchets (PRPGD) et dans la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), deux documents stratégiques pilotés au Moufia.
Ce n’est que 2020 que le projet d’Ileva a fini par intégrer la PPE... soit quelques mois avant que Didier Robert et Michel Fontaine scellent leur réconciliation en vue des régionales. Cette recomposition politique semble éclaircir l’avenir du futur incinérateur. A moins qu’un nouveau coup de théâtre vienne tout chambouler.
- Guillaume KEMPF
Enjeu pour la Région : l’autonomie énergétique
Enjeu de la Région : Pierrefonds
Un regard sur LINFO : des maires à l’étroit dans leurs communes