Le débat sur l’octroi de mer, promis aux Gilets jaunes, n’a pas eu lieu. Pourtant cette taxe, risque d’être réformée en profondeur d’ici la fin de l’année, à la demande Bruxelles. Un dossier explosif pour la production locale et les finances régionales.
Une taxe inflationniste, l’octroi de mer ? Ce vieux débat a resurgi pendant le mouvement des Gilets jaunes, qui l’accusaient de favoriser la vie chère. En réponse, Didier Robert s’était dit prêt à ouvrir une large concertation sur sa réforme. Un débat qui n’a finalement pas eu lieu, du moins pas à La Réunion.
Propre aux départements d’outre-mer, l’octroi de mer est une des plus vieilles taxes de France, créée sous Louis XIV, en 1670, et applicable à La Réunion depuis 1850. Son principe ? Taxer les biens qui entrent sur le territoire, une manière d’avantager la production locale face aux produits importés. C’est ce qui explique que cette fiscalité soit prépondérante dans les départements d’outre-mer, contrairement à l’Hexagone, où seule la TVA est appliquée. Mais l’Europe voit d’un mauvais œil ce droit de douane déguisé, contraire au marché unique. En 1992, Bruxelles a exigé que l’octroi de mer s’applique aussi à la production locale, tout en acceptant que certains produits, soigneusement listés, bénéficient de taux plus favorables. Ce régime dérogatoire, reconduit en 2014, vient d’expirer le 31 décembre dernier. Si la crise sanitaire a offert un sursis, des discussions sont en cours entre l’UE et la France pour définir de nouvelles règles. Celles-ci pourraient entrer en vigueur dès la fin de cette année.
Le sujet est extrêmement sensible pour l’industrie locale, les filières agricoles, mais aussi pour les collectivités territoriales, dont les finances sont tributaires de cette taxe. Tous Dom confondus, l’octroi de mer représente 1,2 milliard d’euros de recettes fiscales, dont 430 M€ pour la seule Réunion. Les communes se partagent les trois quarts de cette somme, tandis que la Région récupère le reste. Dans son budget 2021, la collectivité table sur 105 M€ de recettes cette année. Un montant toujours difficile à anticiper, s’agissant d’un impôt indirect, calqué sur la consommation, donc la bonne santé de l’économie.
Si le contexte de crise sanitaire ne prête guère aux réformes structurelles, l’octroi de mer est depuis longtemps la cible de critiques insistantes. La taxe est jugée complexe, inefficace et peu lisible. Elle est composée d’une quinzaine de taux (régulièrement mis à jour par la Région) qui coexistent avec une TVA spécifique (8,5% à La Réunion contre 20% dans l’Hexagone). Cette exception fiscale, déjà source de confusion pour les professionnels, est un vrai casse-tête pour les particuliers, qui se retrouvent parfois taxés triplement (TVA métropole + octroi de mer + TVA locale) sur les biens qu’ils se risquent à importer eux-mêmes.
Jusqu’ici, toutes ces critiques ont buté sur la résistance des élus ultramarins, qui redoutent une catastrophe pour l’emploi local. Mais ce point anime également de nombreux débats de spécialistes. En mars 2020, un rapport commandé par Bercy tendait à minimiser la « protection effective » offerte par l’octroi de mer aux filières locales (notamment à La Réunion, où elle serait plus faible qu’ailleurs). Certaines entreprises se retrouveraient même pénalisées à travers les matières premières qu’elles importent. Les rapporteurs, eux, préconisent la suppression de cette taxe, dont le manque-à-gagner fiscal pourrait être compensé par une revalorisation de la TVA et de la fiscalité locale sur le tabac. Une piste qui ne semble pas privilégiée à ce stade des discussions entre Paris et Bruxelles.
- Guillaume KEMPF
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