De plus en plus dépendante des énergies fossiles, la Région Réunion espère atteindre 99% d’énergie renouvelable dès 2023 en remplaçant charbon et fioul par de la biomasse. Mais cette "révolution verte" suscite la controverse. Elle repose sur l’importation de granulés de bois d’Amérique du Nord au bilan carbone très discutable.
C’est le drame des véhicules propres à La Réunion. Quand vous rechargez une voiture électrique, il faut la connecter sur un réseau alimenté à base de fioul et de charbon. En terme de bilan carbone, on a vu mieux. Ce paradoxe est peut-être en passe d’évoluer. Dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), adoptée fin 2020, la Région estime pouvoir passer à 99% d’énergie renouvelable en 2023, même si on en est aujourd’hui encore loin.
Les perspectives sont même assez inquiétantes. 87,5% de notre énergie est importée. Notre production électrique est composée à 69% d’énergie fossile (33% fioul-gazole, 36% charbon). Faute de projet d’envergure, les énergies renouvelables peinent à suivre l’évolution de la demande, qui augmente de 2% chaque année. Elles ne représentent plus que 31% de notre mix énergétique (14% hydraulique, 8% bagasse, 9% photovoltaïque/éolien/biogaz) contre 47% vingt ans plus tôt.
L’objectif de 99% reviendrait donc à tripler cette part en trois ans. Ce qui représenterait un gigantesque bond en avant. Pour y parvenir, EDF et son sous-traitant, Albioma, proposent de remplacer les énergies fossiles par de la biomasse dans les trois principales centrales du département.
Les deux installations thermiques Albioma de Bois Rouge (100 MW) et du Gol (110 MW) sont déjà partiellement converties. Voilà de nombreuses années, qu’elles produisent de l’énergie à partir de la bagasse, un résidu de la canne, tout au long de la campagne sucrière. Elles en brûlent 285 000 tonnes par an, permettant de produire 240 GWh. L’essentiel de leur production repose néanmoins sur le charbon (1100 GWh), dont on importe 356 000 tonnes par an.
La centrale diesel EDF de Port Est (211 MW) basculerait, pour sa part, du fioul lourd à la biomasse liquide. Une avancée qualifiée de « révolution verte » par le président de Région.
Ce constat est pourtant loin de faire l’unanimité. Car pour remplacer le charbon, 500 000 à 600 000 tonnes de bois seront nécessaires (hors bagasse). On peut imaginer en récupérer une partie localement, à condition de structurer des filières, qui sont aujourd’hui loin d’être opérationnelles.
Mais même en récupérant les déchets verts, les broyats de palettes, les produits d’élagage, les espèces envahissantes et le bois forestier, on dépasserait difficilement les 100 000 tonnes par an. C’est loin d’être assez pour couvrir les besoins d’Albioma, qui prévoit d’importer des granulés de bois d’Amérique du Nord pour combler ses besoins. Exit donc l’objectif d’autonomie énergétique en 2030, pourtant prévu dans la loi de transition énergétique.
Les associations environnementales dénoncent, pour leur part, le coût écologique de la combustion de bois, qui émettrait deux à trois fois plus de carbone ainsi que des particules fines, potentiellement dangereuses pour la santé. A cela s’ajoutent les dégâts écologiques, liés à la déforestation sans parler de l’acheminement du bois par bateau.
- Guillaume KEMPF
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