Conseillère municipale de Petite-Île, Brigitte Hoarau a adressé une lettre ouverte au président de la République. Alors qu’Emmanuel Macron doit recevoir les maires de La Réunion et des Outre-mer, elle explique que "les gros malaises de notre département" ont gagné en visibilité avec le mouvement des Gilets jaunes.
"Monsieur le Président de la République Française,
Vous avez décidé de recevoir les Maires de la Réunion et des régions ultramarines françaises.
Il me semble important à l’heure des choix décisifs, de m’adresser à vous pour vous dire ce que les Maires de la Réunion ne vous diront pas.
La crise des gilets jaunes a permis de verbaliser les gros malaises de notre département.
Les taux d’abstention qui se cumulent et s’aggravent sur toutes ces dernières élections traduisent une défiance grandissante de la population envers les élus. A l’occasion des manifestations et des moments d’échanges et d’expression, la population a remis en cause des pratiques insupportables, un modèle de développement qui oublie les plus fragiles.
Cette crise intense doit servir et pourtant les élus que vous avez invités aujourd’hui ont repris leurs habitudes sans tenir compte de ce malaise profond.
Je vais vous dire ce qu’ils ne vous diront pas et ce qui est pourtant apparu :
Ils ne vous diront pas que certains élus sont venus attiser la colère et la haine dans certains barrages puis, que certains d’entre eux ont ensuite été conspués car ils voulaient récupérer ces mouvements.
Ils ne vous diront pas que certains moyens matériels et des agents de la fonction publique territoriale travaillant au sein de collectivités (mairies et intercommunalités) ou dans certaines SEM , ont été mobilisés pour faire des barrages ; allant même jusqu’à déverser des déchets verts dans des ronds-points.
Ils ne vous diront pas que les gilets jaunes et plus globalement la population en a assez :
Des privilèges des élus qui, en plus de leurs mandats, cumulent des fonctions leur donnant droit à des indemnités non imposées, des avantages indus (véhicules de fonction non déclarés en avantages en nature…) et qui ne sont pas soumis au plafonnement des indemnités d’élus locaux.
Le manque de transparence des indemnités qui dépassent pour certains élus 10 000 €/mois, est insupportable alors que la population a du mal à finir ses fins de mois. Les élus n’ont toujours pas changé leurs pratiques.
Des embauches familiales et le favoritisme continuent malgré toutes les lois que vous avez fait voter, et perdurent dans les communes et les intercommunalités. Il faut une interdiction généralisée qui concerne aussi les échelons locaux.
Ils ne vous diront pas que certains élus cumulent plus de 3 ou 4 mandats dans le temps et mettent en place des méthodes de fraudes bien rodées qui ne sont jamais sanctionnées par la justice, pour conserver leurs mandats dans le temps…(bourrage d’urnes systématique , nervis et gros bras, achats de voix, intimidations diverses sur la population et le personnel communal et intercommunal, fraude massive, procurations irrégulières …)
Ils ne vous diront pas qu’ils continuent à taxer de façon éhontée les administrés car au lieu de chercher des économies, ils ont augmenté les taxes foncières et mettent en place de nouvelles taxes : GEMAPI,… Ils réduisent les collectes des ordures ménagères mais augmentent la taxe d’enlèvement des ordures ménagères…
Ils ne vous diront pas qu’ils préfèrent des choix onéreux (UVE à plus de 300 000 000 € ! en matière de traitement des déchets) au détriment du développement durable et de choix favorisant les emplois (par exemple, dans les filières de recyclage).
Ils ne vous diront pas que les collectivités et notamment sur le territoire de la CIVIS ont augmenté de façon éhontée le prix des tickets de bus (en passant de 1.5 € à 2 €) alors qu’il faut développer les moyens de transport en commun et que ce sont souvent les plus pauvres qui utilisent ces bus.
Ils ne vous diront pas que le Service de contrôle de légalité de la Préfecture n’a pas le temps d’exercer un quelconque contrôle, ce qui permet à certains élus de bafouer la loi de façon régulière, en toute impunité…
Ils ne vous diront pas que le clientélisme continue à être une plaie de notre démocratie et que la pauvreté des gens leur semble quelque fois acceptable quand ils s’en servent comme moyen pour influencer les plus fragiles par des petits contrats ou des promesses de logement, au détriment d’une réelle politique économique.
Nous ne pouvons rester les bras croisés, quand notre modèle réunionnais, exemplaire de « savoir-vivre ensemble » est mis à mal.
Notre démocratie a besoin de moralisation, sinon elle ne survivra pas.
Notre démocratie a besoin de renouvellement, sinon, elle n’évoluera pas.
Notre démocratie a besoin d’écouter les plus fragiles, sinon ils l’ébranleront.
Il est temps aujourd’hui d’avoir le courage de dénoncer ces pratiques et je tenais à vous adresser cette lettre pour vous aider à redresser et adapter notre Démocratie qui vacille et surtout pour demander à nos élus de se remettre en question.
Le défi est grand et les attentes immenses, et nous ne pouvons plus décevoir !
Ma préoccupation est de contribuer très modestement à continuer à faire de la Réunion une terre d’exemples, où la différence nous enrichit et l’envie d’avancer nous unit…Mais pour cela, ayons le courage de faire vivre notre Démocratie dans le respect de nos valeurs républicaines !
Espérant avoir pu attirer votre attention,
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression des mes salutations distinguées.
Brigitte HOARAU"