Un médecin généraliste de la commune de l’Etang-Salé a été jugé ce jeudi pour un fait d’agression sexuelle sur l’une de ses patientes. Les faits se sont produits le 16 septembre 2019. Le procureur lui requiert "3 ans de prison dont 2 assortis d’un sursis probatoire" ainsi qu’une interdiction d’exercer. Décision rendue le 13 juillet.
Rappel des faits
Les faits remontent à septembre 2019, après que ce docteur se soit installé depuis une trentaine d’année dans la commune de l’Etang-Salé. Au total, "1 plainte a été déposée" contre cet homme de 59 ans pour des atteintes sexuelles, notamment des attouchements au niveau de la poitrine. Le médecin de famille connaît Lucie* depuis son plus jeune âge. Elle se rend à son cabinet pour un certificat médical sportif dont elle aurait besoin pour être licenciée dans un club de sport. La secrétaire médicale part à sa pause au moment du rendez-vous médical. Il l’ausculte, lui enlève le soutien-gorge et lui met des électrodes afin de contrôler que tout se passe bien. En effet, Lucie*, âgée de 23 ans au moment des faits, avait connu un traumatisme crânien quelques jours plus tôt lors d’une pratique de rugby. Il se met à lui caresser le sein gauche et l’embrasser sur le téton. Ensuite, il lui demande d’ouvrir la gorge et pose sa main sur son front. Il lui enfonce alors sa langue dans la bouche. Elle remet ensuite ses vêtements et il lui demande de se positionner sur la balance, il met alors ses mains sur ses épaules et la bloque sur le mètre. Il se met à lui toucher la silhouette. Au moment de partir, il lui fait une allusion à son "très beau physique qui doit donner envie à plus d’un". Puis, lui remet l’ordonnance et lui dit que "ça doit rester entre eux". En rentrant chez elle, Lucie vomit et raconte toute l’histoire à son père. Une plainte sera déposée dans la journée à l’encontre du médecin de famille. Le 19 septembre, elle ajoute un témoignage à sa déposition. Chez sa mère, en dormant, elle sent un objet froid la réveiller et elle voit le docteur chez elle avec son débardeur levé qui l’ausculte sans demande. Les conséquences sont lourdes : difficultés d’endormissement, s’en veut et ne supporte plus d’être touchée, perd 6 kg et se met à prendre des anxiolytiques.
Enquête des secrétaires médicales
Le médecin connaît la famille depuis 15 ans et passe régulièrement à la maison de la grand-mère, qui est toujours sa patiente actuellement. Les secrétaires médicales interrogées déclarent que le médecin est toujours très à l’écoute et semblent surprises de la plainte. La secrétaire qui était en poste en 2018 affirme que lors des consultations, elle est toujours présente sauf lorsque le médecin rencontre une patiente nommée Laeticia*. Cette dernière, auditionnée dans le cadre de l’enquête, explique le rendez-vous médical. Elle avait subi une opération chirurgicale mammaire et voulait montrer le résultat au docteur. Il la palpait en disant "Votre compagnon doit être heureux de jouer avec des seins comme ça." Ensuite, il l’a prise dans ses bras et était en érection. Elle le repousse donc. D’autres femmes témoignent en refusant de donner leur identité en expliquant que le médecin complimente.
Renvoi de l’affaire à maintes reprises
L’affaire a été renvoyée depuis 2019 et a demandé à être encore une fois repoussée. Les avocats de la défense tentent des nullités, mais en vain. Finalement, le jugement a bien eu lieu ce jeudi. Le prévenu était sous l’émotion, passait de rires aux pleurs, avec toujours cet espoir que l’on puisse le comprendre dans son amour pour l’humain. "J’ai fait une bêtise... c’est ma faute... j’étais trop proche de la famille", déplorait-il de manière émue durant l’audience.
Toutefois, il nie les faits et estime que Lucie aurait tout inventé suite à ce qu’il a décidé d’arrêter de lui donner des certificats médicaux de complaisance. Concernant Laetitia, il dit qu’elle est malade et bipolaire et qu’elle aurait tout inventé. Maître Julien Barraco, avocat de la partie civile, expose que le seul mot qui résumerait le fait que sa cliente invente cette agression sexuelle pour un certificat médical serait "ridicule", à l’image du médecin selon lui. Il insiste également sur la force de Lucie, qui en a parlé à sa mère malgré le fait que ce soit le médecin du village et qu’il soit apprécié de sa famille.
Le procureur rappelle que les déclarations ont été précises et répétées dans le temps par différents interlocuteurs et insiste sur la position d’autorité du médecin et sa dualité. « Il a aussi une absence de recul et de prise de conscience. Il a failli à son rôle de protecteur. » déplore-t-elle. Elle lui requiert 3 ans de prison dont 2 avec sursis probatoire pendant deux ans. À cela s’ajoute des soins psychologiques, une interdiction de paraître au domicile de Lucie et d’entrer en contact avec elle. Aussi, ayant commis des infractions dans son cabinet, le procureur requiert une interdiction d’exercer pendant 5 ans.
À la défense, Maître Jérôme Maillot, décrit les réquisitions qu’ils trouvent exorbitantes. Il est assez étonné des consultations les yeux fermés et pose des questions : "Est-ce qu’il a posé l’électrode et elle a cru que c’était sa main ?" "Elle a senti la langue, mais est-ce qu’elle l’a vue ?" ajoute-t-il. Il explique qu’il n’a eu qu’une plainte dans toute sa carrière et conclut : "Je n’ai pas de certitudes mais du factuel… nous n’avons pas quelqu’un de dangereux. »
La décision sera rendue en délibéré le 13 juillet à 14 heures.
* Les noms ont été modifié pour des raisons d’anonymat.
F.D.