Un maître d’école a été mis à pied en novembre 2023 après que plusieurs de ses élèves aient signalé des violences. Il reconnaît n’avoir pas su gérer sa classe et avoir tiré l’oreille d’un élève. Les enfants dénoncent des violences plus graves et certains présentent un traumatisme psychologique.
“C’est l’un des plus beaux métiers du monde, mais aussi l’un des plus difficiles”, estime le président de cette audience correctionnelle, ce 10 décembre 2024. Devant lui, à la barre des prévenus, se trouve un ancien professeur des écoles de 52 ans. Il est jugé pour avoir exercé des violences sur certains de ses élèves de CE2 dans une école de Salazie. Il a commencé à enseigner dans cet établissement à la rentrée d’août 2023. “Ça faisait plusieurs années que je n’avais pas dirigé une classe à part entière”, explique l’homme qui a commencé sa carrière il y 20 ans. Pendant les trois années précédentes, il a enseigné à une classe d’élèves en situation de handicap avec trois encadrants pour dix enfants.
Dès le mois d’octobre, le maître d’école n’arrive plus à gérer sa classe. “Je reconnais que j’ai été un peu dépassé. J’ai eu des mots et des gestes durs envers certains élèves. J’ai tiré l’oreille à plusieurs reprises à Ishan*”. Des parents d’élèves se plaignent à la directrice et l’enseignant est mis à pied. Il reconnaît immédiatement les faits et écrit une lettre d’excuse qui sera lue aux parents d’élèves. “J’ai fait preuve d’une brutalité qui est inacceptable”, admet-il.
Difficultés à gérer sa classe
“J’avais beaucoup de mal à gérer Ishan. Il aimait bien faire le clown. À la fin de la journée, je perdais patience”, confie l’enseignant pendant son procès. Les parents d’Ishan et d’un autre élève ont porté plainte contre lui. Pendant l’enquête, plusieurs élèves sont interrogés. Ils décrivent des violences plus graves et répétées. Plusieurs enfants parlent d’étranglement, de gifles. Des faits niés par le maître d’école.
“Il ne me laisse pas faire des erreurs”, a témoigné Ishan, “Il m’a fait une griffure au cou et donné un coup sur le haut de la tête. Il m’a fait répéter la phrase “je suis un con””. Le médecin qui l’examinera notera en effet la présence d’une blessure au cou.
Dans le prétoire, les parents d’Ishan et de son camarade témoignent des séquelles psychologiques que présentent leurs marmailles. “Il a commencé à faire pipi au lit, à faire des insomnies, des cauchemars”, relate le père d’Ishan. La mère de son camarade explique qu’ il ne voulait plus aller à l’école. “Lorsqu’on était à la plage, il disait “[Mon maître d’école] est là, il me surveille””, ajoute-t-elle. “C’était un enfant qui aimait l’école. Il a détruit mon fils.” Son fils s’est vu prescrire dix jours d’ITT pour des symptômes d’angoisse aiguë.
Humiliations et violences psychologiques
Le procureur dénonce “des violences physiques et psychologiques, des scènes d’humiliations inacceptables et déplacées. Des faits minimisés, je pense, parce qu’il a honte.” Il demande comme peine une interdiction d’exercer la profession d’enseignant pendant 3 ans et 800 euros d’amende. “Je vais tirer ma révérence en ce qui concerne le métier d’enseignant”, assure le prévenu.
L’avocat de l’enseignant décrit lui “un véritable épuisement professionnel”. “Il faut que les professeurs soient formés à la violence qu’ils vont subir. L’éducation nationale n’apporte pas l’aide dont les professeurs ont besoin”, accuse-t-il. “Je veux demander pardon aux parents”, conclut le maître d’école, qui connaîtra sa peine le 17 décembre.
*Prénom modifié
Philippine Kauffmann