Initialement prévu le 7 juillet dernier, le procès en comparution immédiate de six prévenus avait été renvoyé. Les six trafiquants présumés auraient entre octobre 2020 et juillet 2021, exporté du zamal réunionnais sur l’Île Sœur. Ils ont été condamnés à des peines comprises entre 6 mois à 4 ans de prison ferme.
Les avocats de la défense, à l’issue des 96 heures de garde à vue, le 7 juillet dernier, n’avaient "simplement pas eu le temps matériel de prendre connaissance du dossier", selon les mots de Me Catherine Moissonier. Lors du procès en comparution immédiate, les prévenus avaient logiquement demandé un délai pour préparer leur défense.
Ce 18 août, les 6 prévenus étaient donc de retour devant le tribunal correctionnel. Entre octobre 2020 et juillet 2021, les 3 Réunionnais et 3 Mauriciens auraient exporté du zamal produit localement vers l’Île Soeur où le kilo peut être revendu jusqu’à dix fois son prix réunionnais. Entre octobre 2020 et le 2 juillet 2021, trois trajets en bateau auraient été réalisés entre les deux îles. De plus, l’un d’eux n’a pas abouti suite à l’échouage d’un navire. En menant un important coup de filet le 2 juillet dernier, les gendarmes ont empêché le dernier transport de marchandises. Difficile de connaître exactement les quantités qui transitent à chaque voyage. Les investigations téléphoniques évoquent jusqu’à 100 kg de zamal transportés dans les navires.
En perquisitionnant le domicile de l’un de six prévenus mis en cause dans une affaire d’extorsion, les gendarmes découvrent 9 kg de zamal à son domicile. Les militaires de la compagnie de Saint-Benoît sont mis sur une piste et commencent à enquêter sur ce réseau de trafiquants. Rapidement, des suspects sont identifiés : une tête de réseau, son bras droit, des intermédiaires et des revendeurs péi. Ils sont mis sous surveillance et sur écoute. Les militaires iront jusqu’à placer des balises sous les voitures des suspects pour les suivre à la trace.
Lors de l’audience, celui qu’on présente comme la tête de réseau s’est retrouvé seul contre tous. Un à un, les prévenus ont minimisé leur implication dans le réseau, avançant avoir espéré recevoir de l’argent liquide ou des oiseaux de Maurice, en échange de leur aide. Leur ligne de défense consiste à accuser l’homme suspecté d’être à la tête du trafic. "Le seul dénominateur commun de tous les prévenus que vous avez est Monsieur H.", souligne la procureure. Elle rappelle que le kilo de zamal est vendu 3 000 € à La Réunion et jusqu’à 20 000 € à Maurice.
En entendant la version des 5 premiers prévenus qui ont, comme ligne de défense, de charger celui qui est désigné comme la tête de réseau, S. H. s’étonne. "Je reconnais mon rôle dans ce trafic. Tout le monde est en train de me charger. Mais on était tous amis et d’accord pour le faire", avance le quadragénaire. Son avocate Me Devaguy Mardaye vole à son secours. "C’est aberrant. Il y a 6 prévenus et 5 veulent se présenter comme des blanches colombes. Pour sauver leur peau, ils balancent sur mon client. En détention, le message est passé pour enterrer mon client", avance la robe noire.
La procureure quant à elle, s’est montrée ferme avec de lourdes peines demandées allant de 7 ans à 3 ans dont 6 mois assortis du sursis probatoire. Des réquisitions qui ont fait bondir les avocats de la défense. Elles sont même qualifiées de "délire" par Me François Avril, l’avocat du bras droit présumé. "Les débats ont permis de démontrer que le rôle de bras droit à pschitt", souligne le conseil.
Les robes noires ont présenté leur client comme des personnes en proie à des difficultés financières et attirés par l’appât du gain. "À La Réunion, nous sommes plutôt isolés des trafics, on a donc tendance à requérir de lourdes peines. Quand je travaillais à Aix-en-Provence, de lourdes peines comme celles demandées aujourd’hui concernaient des trafiquants d’héroïne ou de cocaïne. Des trafiquants affiliés à des réseaux mafieux avec des centaines de milliers d’euros en jeu, plaide le conseil. Ici, nous avons des gens qui sont au RSA et qui acceptent de planter du zamal pour mettre un peu de beurre dans les épinards".
Après avoir délibéré, les prévenus ont été relaxés pour une partie des faits. La tête de réseau et un planteur, déjà condamné pour des faits similaires, ont été condamnés à 4 ans de prison ferme. Les 4 autres prévenus sont condamnés à des peines allant de 18 mois dont 12 assortis du sursis probatoire à 3 ans dont un an avec sursis probatoire.